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Concertation sur le télétravail

samedi 1er juillet 2017

Prolongation de la Loi Travail qui demandait aux partenaires sociaux une réflexion sur le télétravail, la concertation entre le patronat et les syndicats qui s’est déroulée de décembre 2016 à juin 2017 a débouché sur un rapport qui a été remis à la nouvelle Ministre du travail.

Encadrer le télétravail, une volonté déjà ancienne

Dès 2005, les partenaires sociaux avaient considéré que le télétravail pouvait être une réponse et, pour les entreprises, être un facteur d’amélioration de la productivité tout en répondant à d’autres demandes économiques et sociales. Un accord interprofessionnel signé par l’ensemble des partenaires sociaux a débouché sur la loi Warsmann du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives.

En 2014, cette question était reprise dans un rapport du COE et était enfin inscrite dans l’article 57 de la Loi Travail qui prévoyait l’ouverture d’une concertation entre les partenaires sociaux sur le développement du télétravail et du travail à distance.

Ceux-ci ont donc décidé de rédiger un rapport à destination de l’ensemble des acteurs dont l’objectif est de produire un diagnostic partagé qui met « en exergue les évolutions en cours, les points positifs, les pratiques des entreprises, les enjeux et les questions émergentes ». Il est important de souligner que ce rapport est signé par l’ensemble des partenaires sociaux.

Ce qu’il faut retenir du rapport

Un engouement certain de la part des salariés …mais les employeurs réticents

Les salariés plébiscitent la possibilité du recours au télétravail. 64 % y sont favorables : ils considèrent que c’est d’abord un facteur de bien-être avec notamment moins de transports. Cela constitue une source de motivation supplémentaire en leur donnant plus d’autonomie dans l’organisation du travail et une marque de confiance de la part de l’entreprise et de l’encadrement immédiat.
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95 % des télétravailleurs considèrent qu’il est source d’amélioration de la qualité de la vie par une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Toutefois, 61 % d’entre eux ressentent une augmentation de leur temps de travail. À plusieurs reprises la question de la juxtaposition du travail et de la vie privée est abordée dans le rapport. Par ailleurs, le rapport pointe quelques risques : éloignement de la communauté de travail, craintes sur l’évolution de la carrière professionnelle ou pour l’accès à la formation professionnelle.

L’engouement certain pour le télétravail ne se retrouve pas vraiment dans les faits. En effet, seulement entre 7 à 17 % des travailleurs (suivant les sources) ont recours au télétravail. Ce sont les employeurs qui sont plutôt réticents : crainte de perte de contrôle sur les activités de leurs salariés, contraintes juridiques et réglementaires, modification de l’organisation du travail, risque de perte d’efficacité collective, etc...

Mais, 85 % des employeurs qui emploient des télétravailleurs considèrent que le télétravail a un impact positif sur la compétitivité de l’ordre de 5 à 30 %. La mise en œuvre du télétravail peut être aussi l’occasion de la mise en œuvre de nouvelles pratiques collaboratives dans l’entreprise. C’est aussi un moyen d’attirer de nouveaux talents ou de les garder notamment dans les TPE-PME ou en cas de déménagement de l’entreprise.

Le télétravail est concentré dans quelques secteurs économiques

Sans surprise, ce sont dans les secteurs où l’utilisation des nouvelles technologies est courante que l’on rencontre les plus de télétravailleurs : informatique, ingénierie-conseil, télécommunications, assurances, banques, mais aussi des industries comme l’industrie pharmaceutique ou la métallurgie. Globalement, le télétravail existe dans les grandes entreprises et, parce qu’il nécessite un accompagnement important, reste expérimental dans les petites. L’ANACT a d’ailleurs rédigé des modes d’emploi pour aider les entreprises.

Finalement, le nombre de télétravailleurs est élevé là où les cadres sont nombreux et sur des fonctions bien précises plutôt dans les sièges sociaux sur des postes non indispensables au fonctionnement d’une équipe par la présence physique.

Les raisons de la mise en place du télétravail

Nous l’avons vu, il s’agit d’abord d’une demande des salariés et la première motivation est la réduction des temps de transport notamment quand il dépasse les 30 minutes. Mais il est souvent utilisé pour répondre à des circonstances exceptionnelles (intempéries, problèmes de transports, etc..) ou pour répondre à un souci d’aménagement du territoire ou à certaines situations individuelles ou de changement dans la vie de l’entreprise.

Quelle qu’en soit la raison, la mise en œuvre du télétravail repose sur la confiance entre les différents acteurs concernés pour à la fois la réalisation des tâches à accomplir mais aussi pour maîtriser la charge de travail. On peut quelquefois assister à des formes d’addictions qui déséquilibrent la vie même du télétravailleur et le mettent en danger.

Les pratiques d’entreprise

La mise en œuvre du télétravail nécessite le double volontariat qui doit être clairement formalisé entre l’entreprise et le salarié, une période d’adaptation, une durée limitée dans le temps et reconductible et la possibilité de réversibilité pour stopper l’expérience quand elle n’est pas concluante pour une des parties. La durée du télétravail est souvent limitée à deux ou plus rarement trois jours par semaine pour répondre au risque d’isolement qui est ressenti par un cinquième des télétravailleurs.

Les accords d’entreprises prévoient la prise en charge des coûts par l’entreprise (matériels, logiciels, assurance, abonnements communication et internet, etc.). Sur la question du coût, le patronat souhaiterait définir un financement forfaitaire. Les accords traitent aussi de l’exigence de conformité électrique et de l’assurance habitation.

Si la question de la santé et la sécurité au travail est une préoccupation, elle est difficile à contrôler. Il s’agit d’un sujet délicat notamment pour vérifier la durée effective du temps de travail sans s’immiscer dans la vie privée du salarié.

Les accords précisent par ailleurs les obligations du télétravailleur vis-à-vis de l’entreprise notamment la réponse aux nécessités de service ou la possibilité d’être joignable sur des plages horaires bien précises.

De nouveaux enjeux

Le rapport pointe également la nécessité de répondre aux questions liées au développement du télétravail informel ou au recours occasionnel, au droit à la déconnexion, à la protection des données personnelles, à la mobilité et la multiplication des lieux de travail et enfin à l’impact sur l’encadrement de proximité et la nécessité de sa relation de confiance avec le ou les télétravailleurs dont il a la responsabilité.

En conclusion

Le rapport invite les entreprises, les branches professionnelles à prendre en compte « dès à présent » les réflexions, suggestions et propositions qui y sont contenues. Il précise que c’est aux acteurs interprofessionnels « lors de prochaines discussions, de prendre en compte ces conclusions et de définir la suite qu’ils entendent donner à ces travaux », point sur lequel il semble que les partenaires sociaux soient divisés. Les pistes possibles sont la négociation d’un nouvel accord interprofessionnel sur le télétravail ou l’intégration des propositions dans une renégociation de l’accord Qualité de Vie au Travail de 2014. Du côté syndical, on souhaite une renégociation de l’accord de 2005, du côté patronal on semble beaucoup plus réservé. Le rapport prétend nourrir aussi les réflexions du gouvernement donc une éventuelle évolution législative ou réglementaire à la suite de la concertation sociale de cet été.

Entre répondre à une demande de plus de liberté réclamée par certaines entreprises ou certains télétravailleurs cadres de haut niveau pour la plupart et volonté d’accompagner le développement du télétravail tout en assurant des protections pour les salariés et les entreprises, la marge est étroite.


Sources

  • Liaisons sociales quotidien - L’actualité, nº 17342, 9 juin 2017