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Les classes moyennes sont toujours en progression

mercredi 26 février 2020

Dès que l’on évoque les classes moyennes en France, toute une série de jugements tombe de la bouche des sociologues, des économistes et bien sûr des politiques. Délaissées, appauvries, victimes de la mondialisation, rejetées à la périphérie… Mais qu’en est-il vraiment en termes de revenus et de place dans la société ? Pour avancer, le Centre d’observation de la société nous propose une estimation de la place des classes moyennes à partir de la répartition des catégories socioprofessionnelles de l’Insee. Et le résultat indique que les classes moyennes ne sont pas en voie de disparition. Elles continuent de progresser, certes modestement, au fil de l’élévation globale de la qualification des emplois.

Une autre façon de compter

Alors que l’Insee n’utilise pas un découpage en trois grandes classes – « populaires », « moyennes » et « aisées » -, le Centre d’observation de la société propose une estimation de la place des classes moyennes à partir de la répartition des catégories socioprofessionnelles de l’Insee. Il estime qu’utiliser les professions permet une approche plus complète de la position sociale des personnes que les seuls revenus.

Une affaire de définition

L’étude considère que les classes moyennes sont composées des emplois situés entre ceux qui exécutent et ceux qui décident. Elles comprennent l’intégralité des professions intermédiaires (anciens « cadres moyens »), une partie des ouvriers et des employés, une partie des cadres et des non-salariés. Si cette répartition est arbitraire et critiquable, comme le reconnait le Centre d’observation de la société, elle a le mérite de donner des ordres de grandeur.

Résultats des calculs

  • Le poids des classes aisées – principalement des cadres supérieurs – a progressé, de 9 % à 16 %, entre 1982 et 2018, presque un doublement. En dépit du ralentissement de la croissance au milieu des années 1970 et des crises économiques à répétition, l’économie française a continué à créer des emplois, souvent qualifiés. Ce phénomène a marqué une pause entre 2012 et 2016 du fait de la stagnation de l’emploi des cadres supérieurs dans le secteur public.
  • Le cœur des couches moyennes est composé des professions intermédiaires, ex-« cadres moyens ». Entre 1982 et 2018, leur part s’est accrue de 19,5 % à 25,7 % des emplois.

Si l’on y ajoute une fraction des ouvriers, des employés ainsi que des cadres supérieurs, leurs estimations aboutissent à une progression des classes moyennes de 40 % à 43 % de l’ensemble des emplois en trente ans. Et depuis 2012, leur proportion a même dépassé celle des catégories populaires.

Une diminution des classes populaires en parallèle

Pour l’étude, la part des classes populaires – surtout des employés et des ouvriers – a diminué assez nettement, de 49 % à 41 % pendant cette même période. En cause, le déclin de l’emploi industriel et, dans les années récentes, de celui des employés, fortement touchés par la progression du chômage dans les années qui ont suivi la crise financière de 2008.

Répartition en classes de l’emploi par catégories sociales (en %)
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Source : calculs du Centre d’observation de la société d’après INSEE. © Centre d’observation de la société.

Les classes moyennes ne sont pas en déclin
Cette étude est en cohérence avec les études de l’OCDE qui estiment que la part des classes moyennes définies sur la base des revenus a augmenté en France entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 2010, contrairement à d’autres pays.

Les classes moyennes éternel objet d’études
Depuis une quinzaine d’années, des sociologues, économistes, géographes alertent sur le mal-être des classes moyennes et pointent le déclin de leurs conditions de vie : appauvrissement, délaissement, trop taxées, rejetées à la périphérie des métropoles, déclassées… Le récent mouvement des gilets jaunes a alimenté ces théories.

Comme l’indique Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités et du Centre d’observation de la société : « Jusqu’à la fin des années 1990, on la décrivait comme hégémonique, aujourd’hui on la présente comme la martyre de la société contemporaine, c’est sans doute exagéré ». Il convient de rajouter que les classes moyennes ne sont pas un groupe social homogène alors que les jugements à l’emporte-pièces semblent le suggérer.

Classes moyennes et revenus

Entre 1996 et 2016, le revenu médian, autour duquel elles se répartissent, a augmenté de près de 20 %, autant que le revenu des 10 % les plus pauvres mais un peu moins que celui des 10 % les plus riches (+25 %). « En France, le revenu disponible de la classe moyenne n’est pas du tout sous pression, contrairement à ce que l’on peut observer aux États-Unis », note Michael Förster, économiste en charge de la distribution des revenus, des inégalités et de la pauvreté à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). De même, cette catégorie intermédiaire a conservé sa position relative (son revenu est 2,2 fois plus élevé que celui des 10 % les plus pauvres, un chiffre quasiment constant) et son poids dans la société.

En conclusion

Les classes moyennes ne sont ni hégémoniques, ni en voie de disparition. Elles progressent modestement au fil de l’élévation globale de la qualification des emplois. Elles connaissent malgré tout ce que le Centre qualifie de « fragilités internes » : qu’il s’agisse de l’école, de l’emploi ou des revenus. Mais les dernières mesures gouvernementales les avantagent. Pour Claire Leroy, économiste à l’Institut des politiques publiques (IPP), elles ont bénéficié à plein de la suppression de la taxe d’habitation, de la défiscalisation des heures supplémentaires, de la revalorisation exceptionnelle de la prime d’activité et des baisses de cotisations. Selon des calculs réalisés par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), les mesures du gouvernement auront augmenté leur niveau de vie de 0,2 % à 1,5 % à la fin 2019 (par rapport à 2017).
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Sources