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Négociation collective : 2020, une année perturbée par la crise du COVID

mercredi 6 octobre 2021

Comme tous les ans, après concertation avec les partenaires sociaux, le ministère du Travail a publié le bilan de la négociation collective 2020. Après 2018 et 2019, des années fortement marquées par l’application des ordonnances sur le travail de 2017 et la loi sur la formation professionnelle de 2018, 2020 aurait dû marquer le retour à une activité conventionnelle plus normale. Las, la crise du COVID a quelque peu bouleversé la négociation collective dans les branches et les entreprises. Mais 2020 a aussi été marqué par un certain renouveau de la négociation nationale interprofessionnelle avec la signature de trois accords nationaux interprofessionnels, ce qui n’avait pas été le cas en 2019.

Négociation nationale interprofessionnelle

Malgré une légère baisse des signatures d’accords interprofessionnels due à une diminution des accords infranationaux, 2020 a été marquée par la signature de sept textes nationaux, signés en fin d’année (six selon le ministère !).

Il y a eu quatre avenants concernant l’accord sur l’AGIRC-ARRCO du 17 novembre 2017 et surtout la négociation et la signature de trois accords nationaux interprofessionnels : dontl’accord du 26 novembre 2020 sur le télétravail et celui du 9 décembre sur la santé au travail. Ces deux accords de portée générale ont marqué le retour du MEDEF dans le jeu du dialogue social national interprofessionnel après s’en être détaché pendant près de deux ans. Les deux ANI ont été signés par les 3 organisations représentatives patronales MEDEF, CPME et U2P et quatre organisations syndicales CFDT, CFTC, CFE-CGT et FO.

Pour des raisons techniques (une demande d’extension très tardive) le document du ministère du Travail ne fait pas mention de l’accord du 28 février 2020 « portant diverses orientations pour les cadres » dont l’objet était de donner une nouvelle définition de l’encadrement signé par l’ensemble des organisations syndicales et patronales.

Négociation de branche

Après trois années de négociation intenses au niveau de la branche en application des modifications législatives intervenues depuis 2017, la négociation collective de branche a marqué le pas en 2020 : 950 accords enregistrés par le ministère contre 1 227 en 2019. Le ministère invoque l’impact de la crise du COVID qui a retardé les négociations et la parution des chiffres avancée de deux semaines cette année.

Les textes sont de plus en plus négociés au niveau national : 79 % contre de 66 à 73 % ces dix dernières années. On voit les conséquences de la restructuration des branches professionnelles avec la disparition de nombreuses conventions collectives locales ou départementales. Soulignons au passage que la crise du COVID a ralenti sinon stoppé le mouvement de restructuration en 2020.

Même très à la baisse, (-38 % par rapport à 2019) le thème des salaires reste le premier sujet de négociation au niveau des branches avec 279 avenants signés en 2020. Les mauvaises perspectives économiques liées à la crise du COVID, la baisse de l’inflation en 2020 peuvent expliquer cette baisse.

Les textes sur la formation professionnelle et l’apprentissage sont aussi à la baisse même si leur nombre reste nettement supérieur à 2017. Les textes signés en 2020 concernent la mise en application des évolutions liées à la loi du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel et la négociation de mesures d’urgence liées à la crise sanitaire et la mise en œuvre de l’APLD. Le nombre d’accords sur l’égalité professionnelle est aussi à la baisse : 174 contre 247 en 2019.

Quant à eux, les textes sur la protection complémentaire sont plus nombreux que les années précédentes (145 textes contre 137 en 2019). Il s’agit pour la plupart de textes de mise en conformité des accords avec la réforme du 100 % santé ou portant sur les modalités d’adaptation de la protection sociale à la crise du COVID.

C’est le thème du temps de travail qui progresse le plus en 2020 : 108 textes enregistrés contre entre 39 et 64 les années précédentes. Le lien avec la crise du COVID est évident. Il a fallu adapter la durée du travail et les horaires. De même, les textes sur le contrat de travail (76 textes contre 65 en 2019) et les conditions de travail (27 contre 18 en 2019) ont progressé en 2020.

Après une forte activité conventionnelle de branche sur le thème des conclusions d’accords liés à la mise en œuvre des ordonnances de septembre 2017 obligeant les branches à prévoir des clauses spécifiques pour les petites entreprises, les textes signés en 2020 (156), comme en 2019, ont diminué de moitié par rapport à 2018. Ils concernent principalement la mise en place ou le fonctionnement des Commissions paritaire permanentes de négociation et d’interprétation ou l’organisation et le fonctionnement du dialogue social de la branche.

La négociation d’entreprise

La négociation d’entreprise a aussi marqué le pas en 2020 par rapport à 2019 (96 500 textes enregistrés contre 103 700 en 2019). Elle reste toutefois à un niveau supérieur à 2018. Elle est caractérisée par une nouvelle baisse de la part des textes signés par des représentants du personnel (délégués syndicaux, élus ou salariés mandatés) : 64,3 % en 2018, 59,2 % en 2019 et 57,7 % en 2020. Supérieure à 50 % jusqu’en 2018, la part des textes signés par les délégués syndicaux est tombée en 2020 à 40,1 %.

Dans les petites entreprises, le nombre de textes ratifiés aux 2/3 par les salariés progresse notablement : 24,1 % contre 21,6 % en 2019. On voit ici concrètement le résultat des ordonnances de septembre 2017 qui privilégient le dialogue direct entre l’employeur et les salariés dans les petites entreprises. Mais au demeurant, peut-on réellement parler de développement du dialogue social quand on sait que ces textes concernent essentiellement le temps de travail sans médiation syndicale pour équilibrer la relation employeur/salariés ?

Les thèmes de négociation

Le thème « Intéressement, participation et épargne salariale » constitue le thème le plus important de négociation (44,6 % des textes, 4 points de plus qu’en 2019). À l’inverse de la plupart des autres thèmes, ces textes sont ratifiés majoritairement par d’autres voies que la négociation avec un délégués syndical (environ 80 % des accords enregistrés) et notamment par la ratification des 2/3 du personnel dans les entreprises de moins de 20 salariés (plus de la moitié des accords).

Contrairement aux autres années, c’est le thème du temps de travail qui vient en deuxième position avec 23,7 % des textes enregistrés. Ceux-ci concernent essentiellement des adaptations du temps de travail et de l’organisation du temps de travail aux conditions sanitaires durant la crise du COVID.

Vient ensuite le thème des salaires dont le nombre de textes signés en 2020 est en baisse par rapport à 2019. Il faut dire que l’année 2019 avait été marquée par les négociations sur la prime exceptionnelle à la suite de la crise des gilets jaunes. Ces accords sont signés à 85 % par des délégués syndicaux.

5 % des accords concernent les conditions de travail. Un peu plus de la moitié, soit 1900 textes, traitent du télétravail dont plus des trois quarts ont été signés par des délégués syndicaux.

Les autres thèmes de négociation sont très minoritaires y compris le thème du droit syndical, IRP et expression des salariés qui, après deux années intenses liées aux négociations sur la mise en place des CSE, a connu en 2020 un net ralentissement (2,5 % des textes, 15 points de moins qu’en 1019).

De nombreux accords liés à la crise du COVID

La crise du COVID a mobilisé les partenaires sociaux que cela soit au niveau de la branche ou des entreprises. Ainsi, au niveau des branches professionnelles, 68 accords ont été enregistrés en 2020. Ils concernent le fonctionnement de l’entreprise, l’organisation du dialogue social, les congés, l’aménagement du temps de travail et la prévoyance. Par ailleurs 49 textes concernant 31 branches portent sur l’APLD (Activité partielle de longue durée).

6 760 accords repérés par le ministère, liés au COVID, ont été enregistrés en 2020. 70 % ont été signés par des représentants du personnel parmi lesquels 43 % par des délégués syndicaux. Ils concernent essentiellement le temps de travail (63 % des textes) et les salaires et primes (18 %). Par ailleurs, 4 462 accords d’entreprise concernent l’APLD.

Les organisations syndicales signataires des accords

Au niveau interprofessionnel et des branches professionnelles, c’est sans surprise la CGT qui signe le moins de textes : 37,3 % en 2020 contre 40,5 % en 2019 et c’est la CFDT qui en signe le plus, 84,2 % (contre 82,8 %). FO en ratifie 65,6 % (69,1 % en 2019), la CFTC 53,1 % (55,8 %) et la CFE-CGC 60,1 % (59,1 %). Si le taux de signature des accords est à peu près constant ces dernières années chez la plupart des organisations, il est nettement à la baisse pour la CFTC : 20 points de moins depuis 2017 avec une nette rupture en 2018.

Dans les entreprises, c’est aussi la CFDT qui signe le plus d’accords (55,9 %), suivie de la CGT (41,9 %), la CFE-CGC (32,8 %), FO (32,2 %), la CFTC (19,7 %), l’UNSA (9,2 %) et Solidaires (9,2 %). Ces résultats sont à mettre en rapport avec les résultats sur la représentativité. Les syndicats dans les entreprises, à quelques nuances près, sont toujours aussi prompts à signer des accords. Ainsi, CFDT, CFE-CGC, CTFC, FO et UNSA sont signataires des accords à plus de 90 % là où ils sont représentatifs. La CGT signe 84,5 % des accords et même Solidaires 73,6 %.

Indiscutablement, la crise du COVID a marqué la négociation collective en 2020 à la fois sur le nombre de textes tant au niveau des branches que des entreprises mais aussi sur les thèmes de négociation où la question du temps de travail et de son organisation a fait l’objet de plus de négociations que les années précédentes.

Plus globalement, il paraît difficile de porter un jugement sur l’impact des ordonnances de septembre 2017 sur la vigueur de la négociation collective au regard de ce qui s’est passé en 2020. On peut toutefois s’interroger sur la place qu’a prise dans les petites entreprises la ratification au 2/3 par les salariés des textes proposés par les employeurs avec parallèlement la diminution de la part des textes signés par les délégués syndicaux. Peut-on dans ce contexte affirmer, comme le fait le directeur général du travail, que « le bilan de la négociation collective en 2020 s’avère un indicateur très positif de l’état du dialogue social en France » ?


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