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Les inégalités de l’école

mercredi 4 janvier 2017

Comme à chaque sortie tous les trois ans, l’enquête Pisa (programme d’évaluation internationale des acquis des élèves de 15 ans) de l’OCDE fait du bruit. On s’interroge : les résultats français se sont-ils maintenus, détériorés, ou améliorés ? La publication de cette année n’échappe pas à la règle. De plus, cette enquête n’est pas la seule, faisant suite à la sortie d’autres enquêtes internationales et au dossier français du Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESO). Or, si nos résultats sont dans la moyenne, l’enquête Pisa 2015 de l’Ocde comme le dossier du CNESO mettent l’accent sur la forte inégalité des élèves français.

Des résultats globaux moyens

Sur les trois domaines observés (compréhension de l’écrit, maths et sciences), la France est dans l’ensemble stable depuis 10 ans et proche de la moyenne de l’Ocde.

C’est le cas des mathématiques et des sciences. Les avis divergent d’ailleurs sur leur évolution. Pour l’Ocde (enquête Pisa), les résultats français sont identiques à 2006. Pour l’enquête Timss, qui interroge les élèves à d’autres niveaux (CM1 et terminale S), ils sont marquées par un fort recul au cours des vingt dernières années. L’Ocde constate aussi une hausse du nombre d’élèves en difficulté en sciences et maths. En somme le résultat moyen cache des écarts très forts en termes d’acquisitions : la proportion des élèves très performants et performants est au même niveau qu’il y a 10 ans en sciences. Cependant elle recule en mathématiques.

Au contraire, en compréhension de l’écrit, la France se place au-dessus de la moyenne des pays de l’Ocde, avec « une augmentation importante de la proportion d’élèves très performants et performants (niveaux 4 à 6 sur l’échelle PISA) supérieure à la moyenne de l’OCDE » mais aussi une augmentation du pourcentage d’élèves faibles. Là aussi le résultat d’ensemble, de bon niveau, cache une forte inégalité des résultats. Mais la maîtrise de la langue française n’a pas baissé dans la dernière douzaine d’années.

L’accroissement des inégalités

Il semble y avoir un paradoxe : le nombre de jeunes Français sortant sans diplôme ni qualification a baissé ces dernières années [1]et il y a moins d’élèves en grande difficulté, pourtant l’école française reste la plus inégalitaire parmi les pays observés par l’Ocde. « Inégalités de traitement dans les ressources d’apprentissage dont les élèves disposent réellement à l’école, inégalités dans leurs résultats scolaires, inégalités sociales dans les orientations, dans les diplômes et même dans le rendement des diplômes sur le marché du travail. » dit le Cneso.

Selon lui, la France, qui était moyenne en termes d’inégalités à l’école dans les années 2000, est maintenant en queue de peloton sur cette question. Pour lui, l’école en France continue de « fabriquer de l’injustice scolaire ». Les élèves défavorisés ont un niveau en recul sur 12 ans.

Les analyses se rejoignent entre organismes d’étude. L’Ocde pointe aussi que la France se situe dans le groupe de pays (avec la Hongrie et le Luxembourg) où la différence de score des élèves est « la plus marquée » en lien avec le milieu socio-économique. Selon un de ses responsables, « en France, un élève défavorisé a quatre fois plus de chances d’être en difficulté, contre trois en moyenne dans les pays de l’OCDE ».

Comment l’expliquer ? Plusieurs éléments sont pointés par ces enquêtes

- Une absence de mixité sociale
On en parle souvent pour les collèges, mais elle commence au niveau du primaire, en fonction des quartiers d’habitation : 1/3 des enfants se retrouvent dans des écoles considérées comme « défavorisées » vu le nombre d’élèves dans cette situation. Parmi ces élèves en difficultés, on trouve en particulier ceux qui sont issus de l’immigration, quelque soit la position sociale et l’éducation de leurs parents, expliquée comme l’existence d’une « discrimination négative ». Et la tendance à encourager le libre choix de l’école a encore dégradé cette situation.

- Des pratiques d’enseignement différentes
Un point débattu entre auteurs est celui des résultats de l’éducation prioritaire. Des chercheurs mettent en cause ce que sont devenues les ZEP (zones d’éducation prioritaire) : « Aucune politique, aucune pratique pédagogique ne résiste aux effets délétères de la concentration extrême des difficultés scolaire et sociale dans des établissements ghettos », affirme le Cneso, alors que les moyens attribués sont de plus en plus dilués. D‘autres, pour le CEDRE (cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon) de la Direction études et prospective du ministère, insistent sur la progression des résultats des élèves en éducation prioritaire : le nombre des élèves en grandes difficultés a été divisé par 3,5 en 12 ans.

D’autre part, l’enquête de Timss analyse que les élèves de terminale S sont bien meilleurs en algèbre qu’en géométrie, savent bien mieux « connaître » qu’« appliquer des connaissances », montrant ainsi une école privilégiant toujours le développement de l’élève par l’abstraction, au détriment d’autres modes d’apprentissage. Et le recours au tutorat y est beaucoup plus faible que dans les pays leaders de Pisa (Singapour…).

Enfin, la pratique du redoublement est pointée, par laquelle passent surtout des élèves de milieu défavorisé, « ce qui tire le niveau moyen vers le bas » (Marie Duru-Bellat).

La lecture des résultats de ces travaux n’est ainsi pas simple, d’autant plus que les politiques scolaires ne peuvent avoir de résultats que sur le temps long. Retirons-en surtout l’idée, comme le dit la même auteure, « qu’un des enseignements de l’enquête PISA, c’est non seulement que la stabilité « paye » mais qu’il n’y a pas d’arbitrage : les pays dont les élèves sont les meilleurs sont aussi ceux qui réduisent le plus les inégalités ».

Stabilité des politiques scolaires et lutte contre les inégalités à l’école, on s’y attelle dans cette période particulière qui est la nôtre ?

Et comment font les autres ? Nous poursuivrons cette analyse de Pisa pour d’autres pays.


Sources