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Assurance chômage et lettre de cadrage

mercredi 10 octobre 2018

La lettre de cadrage du gouvernement demande aux partenaires sociaux (syndicats et employeurs) de renégocier avant fin janvier 2019, conformément à la loi « Avenir professionnel » du mois d’août 2018, les modalités de plusieurs éléments : activité réduite, activité permittente (salariés multi-employeurs qui peuvent être indemnisés quand ils en perdent un), calcul du salaire journalier de référence, mécanismes pour inciter à la baisse des contrats courts, refondation de l’articulation entre assurance et solidarité... La lettre réclame en même temps un désendettement de l’assurance chômage soit plus d’économies (1,3 milliard d’euros par an).

Les partenaires sociaux ont 4 mois pour négocier une réforme systémique de l’assurance-chômage adaptée aux réformes du marché du travail : « Il est nécessaire de créer pour les personnes au chômage les conditions d’un retour à l’emploi plus rapide, vers des emplois de meilleure qualité et de permettre aux entreprises de trouver sur le marché du travail les compétences dont elles ont besoin. ». Le gouvernement s’appuie sur sa réforme de l’apprentissage, de la formation, du plan d’investissement compétences et pense que les règles du chômage ne sont pas adaptées à une incitation vers la recherche d’un emploi durable. Il demande aussi une plus grande responsabilité des entreprises.

Revoir les règles d’indemnisation pour inciter à la reprise d’un emploi durable : les conventions chômage successives se sont attachées à protéger les salariés pauvres à temps partiel qui sont de plus en plus nombreux (29,6 % de femmes, 7,2 % d’hommes).

  • Les règles actuelles permettent aux chômeurs d’être indemnisés au titre de la perte d’un emploi à temps partiel, tout en se maintenant dans un ou plusieurs autres emplois à temps partiel. Et, selon le chef du gouvernement, elles permettent à certaines personnes de bénéficier d’un revenu global très proche d’une activité à temps plein. Près de 2 millions de demandeurs d’emploi travaillent en activité réduite tout en restant inscrits à Pôle emploi (catégories B et C). Et, parmi eux, 865 000 cumulent une faible allocation (540 euros en moyenne avec un salaire de 700 euros). De plus les droits rechargeables ont été mis en place pour inciter un chômeur à reprendre un emploi, même court et mal payé, sans perdre ses droits acquis au chômage.
  • Difficile, en pénurie d’emplois, de ne pas « optimiser certaines règles du chômage » que ce soit par les intéressés mais aussi par les employeurs. À chaque renégociation de l’assurance chômage, les partenaires sociaux, après un bilan approfondi, ont pris conscience des dérives du système et ils ont modifié en conséquence les règles dans leur nouvelle convention tout en continuant à protéger les salariés précaires (voir l’indemnisation du chômage saisonnier, des intérimaires, des pigistes, des intermittents). Le document de cadrage déplore que la combinaison entre une activité réduite illimitée dans le temps et la possibilité de recharger ses droits en travaillant 150 heures au cours d’une période indemnisée, incite les personnes à se maintenir en situation de précarité. Le gouvernement demande « de revoir les règles en cause ».
  • Revoir les modalités de calcul du salaire journalier de référence (SJR) : la lettre de cadrage demande aux partenaires sociaux d’aller plus loin que la convention de 2017, pour accentuer les modalités de calcul du SJR et éviter l’intérêt de fractionner les contrats courts. De plus, le texte incite à mettre en place un « mécanisme réellement incitatif pour responsabiliser les entreprises ».
  • Créer des règles d’indemnisation différentes selon le niveau de qualification. Il existe de fortes disparités de taux d’indemnisation de chômage entre les niveaux de qualification. Pour le gouvernement « les mêmes règles d’indemnisation ne produisent pas les mêmes incitations pour tous les demandeurs d’emploi et, sous l’apparence d’égalité, elles ne tiennent pas compte des différences de capacité à trouver un emploi ». Les partenaires sociaux sont invités à corriger cette situation.
  • Inciter les branches à négocier. Elles doivent accélérer les négociations pour mettre à disposition des entreprises les outils créés par les ordonnances Macron afin d’améliorer la qualité de l’emploi (accords type TPE/PME, évolution des règles sur les contrats à durée déterminée et les contrats de travail temporaire, développement des groupements d’employeurs...)
  • Créer de nouveaux droits pour les salariés démissionnaires et les indépendants. Dans le prolongement de la loi Avenir professionnel, il est demandé aux partenaires sociaux de fixer à 5 ans la durée continue d’activité antérieure ouvrant droit à l’indemnisation chômage pour les salariés démissionnaires et de déterminer les règles d’articulation entre la nouvelle allocation « travailleurs indépendants » et l’allocation de retour à l’emploi.
  • Créer les conditions d’un accompagnement plus efficace et plus précoce :
    • Une négociation Etat – Unédic - Pôle emploi aura lieu.
    • Possibilité de créer une allocation chômage de longue durée : l’article 57 de la loi Avenir professionnel incite les partenaires sociaux à revoir l’articulation entre assurance et solidarité en créant une allocation de chômage longue durée (ACLD) et « proposer une nouvelle articulation entre l’allocation de retour à l’emploi, et l’ACLD et à définir les paramètres de chacune de ces deux allocations » avec possible participation de l’État (à négocier).
Tous les partenaires sociaux ont accepté de rentrer dans la négociation malgré un délai très court de 4 mois, même si certains y vont à reculons. Plusieurs défis sont à relever avec des intérêts divergents pour chaque négociateur. En premier lieu on peut se demander si l’objectif de 1,3 milliard d’économie est réalisable ou acceptable notamment pour les organisations syndicales. Un changement d’indemnisation du chômage aidera-il à la diminution de l’emploi précaire ? Les employeurs joueront-il le jeu pour créer des emplois stables ? Face aux décisions gouvernementales, les organisations syndicales pourront-elles continuer à articuler les régimes de solidarité des minima sociaux et le régime assurantiel pour éviter les ruptures de parcours des plus fragiles ?

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