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Cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques : quelle exposition des salariés ?

samedi 19 décembre 2015

En 2010, plus de 10 % des salariés, environ 2,2 millions de personnes, ont été exposés à au moins un produit chimique cancérogène, mutagène ou reprotoxique (CMR) pendant la dernière semaine travaillée. Si l’on examine la période comprise entre 2003 et 2010, la proportion de salariés exposés et les niveaux d’exposition (durée et intensité) ont globalement diminué et les mesures de protection ont été renforcées. C’est ce que révèle la DARES dans la dernière enquête Sumer.

L’enquête SUMER

L’enquête Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels (Sumer) dresse une cartographie des expositions des salariés aux principaux risques professionnels en France. Elle s’est déroulée en France métropolitaine et à la Réunion de janvier 2009 à avril 2010 : 47 983 salariés ont répondu, interrogés par 2 400 médecins du travail ou de prévention. 97 % d’entre eux ont accepté de répondre à l’auto-questionnaire. Ces salariés sont représentatifs de près de 22 millions de salariés.

Question de définition

On regroupe sous l’appellation CMR les produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques.

  • Un produit cancérogène est une substance, un mélange ou un procédé qui peut provoquer l’apparition d’un cancer ou en augmenter la fréquence.
  • Un produit mutagène est un produit chimique qui induit des altérations de la structure ou du nombre de chromosomes des cellules. L’effet mutagène est une étape initiale du développement du cancer.
  • Un produit toxique pour la reproduction, ou reprotoxique, est un produit chimique pouvant altérer la fertilité de l’homme ou de la femme, ou altérer le développement de l’enfant à naître.
    Les expositions aux cancérogènes représentent 90 % des expositions aux CMR. En 2010, l’exposition à au moins un agent mutagène concerne 184 000 salariés (moins de 0,9 %). L’exposition à au moins un agent chimique reprotoxique concerne 234 000 salariés (1,1 %)

Des expositions différentes selon les domaines professionnels

Les expositions aux produits CMR concernent surtout les hommes, les ouvriers, les apprentis et plus généralement les jeunes de moins de 25 ans. L’exposition des salariés aux CMR est la plus forte dans le domaine professionnel de la maintenance (43 %). Les ouvriers et les hommes y sont majoritaires.

Les plus fortes expositions aux produits mutagènes concernent également la maintenance et la mécanique-travail des métaux. En revanche, les expositions aux produits reprotoxiques ne concernent pas exactement les mêmes domaines professionnels. Elles touchent non seulement la maintenance et la mécanique-travail des métaux mais aussi les industries de process (5 %) et de l’électricité et de l’électronique (4%).

Une amélioration hétérogène

Les améliorations signalées sont cependant hétérogènes. L’analyse des huit agents CMR qui touchent le plus de salariés montre que l’exposition au formaldéhyde, au plomb, à l’amiante et aux poussières de bois a fortement diminué, tandis que celle à d’autres produits comme la silice cristalline ou les phtalates, important reprotoxique, a plutôt augmenté. Les mesures de protections efficaces contre les produits comme les gaz d’échappement diesel ou les huiles minérales entières ont augmenté mais demeurent très insuffisantes.

Des représentations différenciées des différents produits et une minimisation du risque reprotoxique

L’étude met en évidence des représentations différenciées des produits CMR. Ils sont très souvent réduits aux seuls cancérogènes et ce, même pour les professionnels de santé et les acteurs institutionnels en charge de la santé au travail. De ce fait, les risques toxiques pour la reproduction, occultés, sont très largement sous-estimés et peu considérés. De plus, les effets des produits cancérogènes sont souvent mieux connus et font l’objet d’une réglementation plus stricte que les reprotoxiques.

Les reprotoxiques ne sont évoqués que ponctuellement dans le débat médiatique et ils sont associés quasi systématiquement aux femmes enceintes. Or, considérer le seul risque des reprotoxiques au moment des grossesses véhicule une perception biaisée et genrée de ce risque. Cela revient à circonscrire la santé reproductive à la période de gestation, mais aussi à occulter le fait que l’exposition aux reprotoxiques concerne également les hommes.

Ces représentations différenciées selon le type de produits induisent un manque d’adaptation des mesures de prévention et de protection face aux expositions.


Sources :