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Congé individuel de formation : chronique d’une mort annoncée ?

samedi 11 novembre 2017

La réforme de la formation professionnelle qui s’engage pourrait mettre fin au congé individuel de formation (CIF), imaginé dès 1966 et créé dans sa forme actuelle par la loi du 24 février 1984, par une fusion avec le compte personnel de formation (CPF) lui-même issu de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 et structuré par la loi du 5 mars 2014. Si l’on comprend bien la volonté de simplification d’un système de formation jugé complexe, on peut craindre que ne disparaisse avec le CIF un levier utile de reconversion des salariés. C’est peut-être la raison pour laquelle la Cour des comptes s’est invitée dans le débat…

Le congé individuel de formation est accessible à tout salarié en CDI après deux ans d’ancienneté, dont un an dans la dernière entreprise, pour réaliser un projet de formation sur la base d’un projet personnel. Son employeur n’a à se prononcer que sur l’autorisation d’absence pour réaliser ce projet, son refus ne pouvant être motivé que pour des questions d’organisation du travail. En cas d’acceptation du projet par la commission paritaire, entre 80 et 100 % de la rémunération du salarié est remboursé par le Fongecif (instance paritaire qui gère le CIF) à l’employeur durant son parcours de formation. Le financement du CIF-CDI est assis sur une contribution de 0,2 % de la masse salariale. Un quart de ce financement couvre les coûts pédagogiques, les trois autres quarts portant sur le remboursement des salaires.

Pour les salariés en CDD, la formation est réalisée entre deux contrats et c’est le Fongecif qui rémunère directement la personne en formation. Le financement du CIF-CDD est assis sur une contribution de 1 % de la masse salariale propre aux CDD, ce mécanisme rejoignant le principe du « pollueur-payeur ».

Quarante mille bénéficiaires par an

Ce sont 40 000 personnes qui bénéficient chaque année d’un CIF, pour une durée moyenne de l’ordre de 700 heures de formation. Globalement, 50 % des demandes de CIF-CDI et 70 % des CIF-CDD sont acceptées, avec des critères qui privilégient notamment les bas niveaux de qualification. Ainsi, les bénéficiaires du CIF sont à 44 % des employés et à 35 % des ouvriers, alors que ces catégories représentent respectivement 30 % et 28 % du salariat. Au regard de la critique générale sur le système de formation professionnelle qui bénéficie surtout aux personnes déjà qualifiées, cette particularité du CIF est donc à souligner positivement.
Selon l’étude de l’Observatoire des transitions professionnelles publiée en mai dernier (http://www.paritarisme-emploi-formation.fr/actualites/article/conge-individuel-de-formation-cif-un-tremplin-pour-la-reconversion), le taux de réussite à la certification visée est élevé (93 %). Un an après la formation, la moitié des bénéficiaires du CIF a réussi sa reconversion professionnelle et les trois quarts de ceux initialement en CDD ou en travail temporaire occupent un emploi (en lien ou non avec la formation).

Mais si l’analyse qualitative du CIF est positive, le dispositif ne bénéficie qu’à un nombre réduit de salariés du fait de son coût unitaire élevé. C’est la raison pour laquelle le gouvernement lui préfère le CPF, dont les financements ne prennent pas en charge la rémunération.

Un dispositif utile, avec des faiblesses

C’est alors que la Cour des comptes a remis à la ministre du Travail, le 28 juillet 2017, un référé rendu public le 10 octobre dernier.

Ce document de six pages (https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-conge-individuel-de-formation-cif) se distingue dans sa forme des volumineux rapports de la Cour. Il s’en distingue également politiquement, la ministre étant tenue de fournir à la Cour les suites qu’elle entend donner à ces observations.
La Cour des comptes considère en effet que, en dépit de ses faiblesses et de ses contraintes, le CIF est un dispositif utile qu’il faut consolider à travers cinq recommandations :

  • 1. Recentrer le dispositif du CIF sur les formations orientées vers des activités professionnelles ;
  • 2. Développer dans le cadre du CIF les formations répondant à des besoins de reconversions professionnelles ;
  • 3. Promouvoir les formations du CIF hors temps de travail ;
  • 4. Assurer un accompagnement renforcé vers le CIF dans le cadre du conseil en évolution professionnelle (CEP) ;
  • 5. Mettre en œuvre les conditions d’une unification du réseau de distribution du CIF.

La question du droit à la reconversion

Ce référé de la Cour des comptes permet en fait d’interroger les acteurs de la réforme qui s’engage sur leur capacité à structurer, au sein du système de formation professionnelle, un levier effectif à la reconversion professionnelle pour le plus grand nombre.

La question avait déjà été abordée par le rapport Bonnand-Bras-Pilliard au Premier ministre (http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2016/11/20161121rapportpenibilitepreventionrajout.pdf) sur le droit à la reconversion dans le cadre du C3P (devenu CPP), montrant la nécessité de prendre en charge la rémunération durant les formations de plus de 500 heures et indiquant que seul le CIF offrait cette possibilité. D’autres pistes avaient été évoquées autour d’une « banque de temps » intégrée au CPA. Les travaux du CEREQ et du CESE autour de l’inégalité d’accès à la formation pour les femmes soulignent également les contraintes d’organisation du temps qui pèsent bien plus sur elles que sur les hommes. On observe d’ailleurs qu’elles bénéficient davantage du CIF (53 %, alors qu’elles ne représentent que 46 % du salariat) que les hommes, sans doute du fait de la prise en charge de la rémunération pendant la formation.

Au-delà, une meilleure ingénierie de parcours devrait également permettre de réduire les temps de formation dans la perspective d’une reconversion importante. Des expérimentations existent en ce sens par une mobilisation plus intégrée de la validation des acquis de l’expérience (VAE) dans l’accompagnement des personnes. Encore faudrait-il que les certifications soient vraiment structurées en blocs de compétences pour mieux organiser la transversalité de la reconnaissance des compétences.

Ainsi, ce référé de la Cour des comptes confirme combien il est utile de dépasser les questions de dispositifs CIF/CPF et de poser les enjeux de sécurisation des parcours professionnels en termes systémiques.