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Interview du directeur du club des directeurs de sécurité

jeudi 28 mars 2013

Les grandes entreprises ont étoffé leur fonction sécurité, sécurité qui est devenue une préoccupation importante et qui doit prendre en compte différents aspects dans la protection de l’entreprise. Aussi avons-nous posé quatre questions à Olivier Hassid,
directeur du Club des directeurs de sécurité.

Que recouvre la fonction sécurité de l’entreprise ?

Dans son acception générale, la fonction sécurité recouvre à la fois les problématiques de gestion de la malveillance et de gestion des incidents. Dans cette perspective globale, une direction sécurité peut traiter de protection des salariés à l’international, de sécurisation de l’information ou encore d’hygiène et sécurité. On observe néanmoins que cette fonction se scinde dans un grand nombre d’entreprises en deux entités autonomes. D’une part, la direction sûreté en charge de la malveillance et de l’autre la sécurité en chargé des problématiques de sécurité au travail. Le CDSE (Club des Directeurs de Sécurité des Entreprises www.cdse.fr ), s’intéresse plus particulièrement au premier volet à savoir la gestion de la malveillance. Dans ce cadre, les principales préoccupations sont la sécurité à l’international et la protection de l’information.

Son évolution depuis 10 ans ?

Au sens de la sûreté, la fonction a considérablement évolué en dix ans. Il y a dix ans, elle était quasiment inexistante dans les entreprises françaises, voire européennes. Ce n’est pas absolument plus le cas aujourd’hui. Il y a dix ans, le directeur de la sécurité avait surtout pour tâche d’assurer la sécurité « bâtimentaire », la sécurité du siège. Il faut voir qu’avec l’internationalisation rapide des grandes entreprises françaises et le développement des nouvelles technologies d’information et de communication (NTICs), les entreprises, notamment les plus grandes, doivent assurer la sécurité de leurs salariés en mobilité, en particulier dans les zones à risques (prise d’otages, attentats, attaque de sites…) et la sécurité de l’information. La fuite d’informations est devenue un enjeu récent pour les entreprises. Dans le cadre d’un sondage réalisé avec Opinion Way en décembre 2012, la cyber-menace est considérée par 50% des directions sécurité-sûreté comme une préoccupation prioritaire. Parmi les cyber-risques, 84% de ces dernières considèrent que le vol d’informations concerne leur entreprise.

A cela il faut ajouter un nouveau volet à la sécurité, la gestion de crise. Ce sont en effet les directions sécurité qui ont de plus en plus la charge de gérer au niveau de leur entreprise les crises, qu’il s’agisse de crises sanitaires, technologiques (exemple Fukushima) ou encore humaines (prise d’otage) ou informationnelles (fuite d’informations).

Dernier point que je voudrais aborder, l’éthique. Il ne peut y avoir de direction sécurité si conjointement il n’y a pas un contrôle de celle-ci. L’exemple de Renault est en ce sens fort intéressant. Après la crise d’espionnage que Renault a rencontré et un audit réalisé, on a modifié les périmètres de la fonction de la sécurité en l’étoffant, mais conjointement on a créé une direction de l’éthique qui assure le suivi des activités. Le binôme créé a, d’après les retours, des résultats étonnants et participe à la performance globale du groupe.

Les salariés sont-ils méfiants ou partisans d’une politique de sécurité ? Obstacles ou appuis ?

C’est une excellente question. A l’aune des affaires médiatiques qui ont secoué les directions sécurité ces dernières années, on aurait tendance à croire que les salariés sont méfiants. Or c’est le plus souvent faux. Si le directeur fait bien son travail et parvient à bien communiquer en interne sur sa fonction et les missions de sa direction, les salariés pour leur grande majorité sont favorables. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils aspirent à travailler sereinement sur leur lieu de travail. Quand il y a des problématiques de harcèlement sur le lieu du travail, qui appelle-t-on sinon la direction sécurité ? Quand on a peur de se faire agresser sur son lieu de travail, les salariés sont généralement rassurés de pouvoir échanger avec la direction sécurité. Quand vous partez à l’étranger, vous êtes plutôt content d’avoir des séances de sensibilisation aux problématiques de sûreté… D’ailleurs, ce sont souvent les salariés eux-mêmes qui demandent un renforcement des mesures de prévention. Par conséquent, si la démarche est bien expliquée, les salariés peuvent devenir un appui. Il faut bien voir qu’il ne peut y avoir de sécurité au niveau de l’entreprise sans une culture partagée sur le sujet. Vous connaissez bien l’assertion « la sécurité est l’affaire de tous ». C’est aussi bien le cas de manière générale que de manière particulière pour les entreprises.

Les représentants des salariés sont-ils mis dans le coup de la politique de sécurité ? Est-ce qu’on demande leur soutien ? Sont-ils opposés ? Y a-t-il une charte interne publiée sur le contenu de la politique de sécurité ?

Il m’est difficilement de vous répondre de manière précise à ces questions, n’ayant pas d’études à ce sujet. Toujours est-il que la mise en place d’une sécurité au sein de l’entreprise ne peut fonctionner que s’il y a une politique de sécurité clairement édictée et signée par la direction générale de l’entreprise. Elle doit être ensuite connue des salariés. Cela peut se faire dans le cadre d’une charte, cela peut se faire également dans le cadre de séances de sensibilisation ou d’informations sur l’intranet de l’entreprise. Enfin, une politique de sécurité a intérêt à être co-construite en partenariat avec le CHSCT. Dans ce cadre, les syndicats sont naturellement impliqués. Qu’il s’agisse de mettre en place de la vidéoprotection ou de créer des procédures de traçage de salariés quand ils partent à l’international dans des zones compliquées, cela ne peut être mis en place qu’avec l’aval des instances représentatives de l’entreprise. D’ailleurs, ces dernières, d’après mes informations, jouent très souvent le jeu.

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Notes :

[1Olivier Hassid, Directeur du CDSE
Auteur de « Gérer les risques criminels en entreprise », Deboeck 2012