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La curieuse absence de la VAE dans le projet de loi « Avenir professionnel »

mercredi 16 mai 2018

VAE : validation des acquis de l’expérience.
Si on cherche dans l’avant projet de loi « Avenir professionnel » et dans l’exposé des motifs, la VAE est quasi absente, complètement dans l’exposé des motifs, et avec 2 citations marginales dans le projet de loi (son positionnement dans la définition des actions de formation et l’abrogation de l’article fixant des conditions particulières dans le chapitre Outre-mer). Pourquoi ne pas donner une place stratégique à la VAE ? C’est étonnant par rapport aux objectifs affichés de ce projet de loi, présenté dans le but « d’investir massivement dans la formation et les compétences », au service de l’emploi de tous et de développements nouveaux des entreprises.

En effet, la VAE est un outil indispensable dans la reconnaissance des compétences possédées par les salariés, que ce soit dans l’emploi effectué, pouvant alors amener à une revalorisation de l’emploi, comme dans la mobilité professionnelle et la réinsertion dans l’emploi.

 En particulier, son rôle devrait être développé dans l’usage du CPF (compte personnel de formation), tant pour que la personne n’effectue que les blocs de formation qu’elle ne maîtrise pas encore, au lieu de suivre toute une formation, encore plus pour celle qui veut utiliser le CPF de transition professionnelle pour mettre en œuvre un nouveau projet.

 De plus, elle permet d’aller plus loin qu’un bilan de compétences et d’arriver à une qualification professionnelle favorisant l’employabilité et l’accélération du retour vers l’emploi des demandeurs d’emploi.

 Dans le plan de formation devenant « plan de développement des compétences », la VAE est un outil très utile pour connaître les compétences présentes chez les salariés et axer le plan sur les besoins supplémentaires.

Le bilan actuel du dispositif de VAE

Créée en 2002 (loi de modernisation sociale, 17 janvier), la VAE permet d’acquérir une certification professionnelle - diplôme, titre professionnel ou certificat de qualification professionnelle (CQP) - grâce aux acquis de son expérience. Les candidats doivent expliciter ce que leur travail salarié, non salarié ou bénévole leur a fait acquérir en correspondance avec la certification choisie. Toutes les certifications inscrites au Répertoire national des certifications professionnelles peuvent obtenues par la VAE.

Le premier ministère certificateur est l’Éducation nationale (un peu plus de ½), du CAP au BTS. Près des ¾ des candidatures sont celles de femmes. Beaucoup de demandes concernent les métiers du sanitaire et social. Près des ¾ des candidats ont entre 30 et 49 ans. Les ¾ des candidats sont en emploi, ¼ au chômage.

Entre 2002 et 2015, 330 000 personnes ont obtenu une de ces certifications, ce qui est loin d’être négligeable. Mais si le dispositif a eu de plus en plus de candidats et de diplômes délivrés de 2002 à 2008, le nombre s’est érodé depuis (31 628 en 2008 ; 24 642 en 2015), loin de l’objectif de 60 000 par an.

Plusieurs raisons à cela :
 l’accès à la VAE est exigeant et représente un gros travail pour les candidats : trouver la bonne certification correspondant à son expérience, vérifier qu’on est bien dans les règles d’accès (recevabilité du dossier), préparer son argumentaire et réaliser son dossier, être entendu par un jury VAE. Cela suscite un certain nombre d’abandons en cours de démarche ;
 tout ce cheminement prend plusieurs mois ;
 les candidats se trouvent devant un exercice nouveau : savoir expliciter ce que leurs actions professionnelles leur ont appris et permis de maîtriser ;
 l’insuffisante description des diplômes en termes de profils professionnels et de compétences ;
 jusqu’en 2016, il fallait 3 ans d’expérience correspondant au titre de diplôme espéré (la loi Travail l’a réduite à 1 an) ;
 l’insuffisance également de la mobilisation des entreprises vers des stratégies de VAE collectives ;
 une sous-utilisation de la VAE par les demandeurs d’emploi ;
 la VAE a été tournée depuis 15 ans vers la validation totale d’un diplôme, sans chercher une articulation suffisante entre VAE et formation pour associer acquis et apprentissages nouveaux pour développer leurs compétences et aboutir à une certification.

Aller bien plus loin

Une série de propositions a été faite récemment par le think tank Terra nova pour « simplifier et accélérer la démarche ».

Pour éviter les abandons, l’accompagnement est essentiel, dès la première phase du processus pour trouver le bon diplôme et s’assurer que ses compétences peuvent être mises en face, en évitant ainsi les erreurs d’orientation. Raccourcir les délais pour avoir sa demande reconnue comme recevable, ce qui est trop lent aujourd’hui.

Contre la lourdeur actuelle, il faut multiplier les jurys pour éviter un nouveau temps long d’attente pour les candidats (parfois un seul jury dans l’année), assouplir leur composition, les former à la VAE, au rôle d’un jury et à motiver leurs décisions, utiliser les technologies numériques (entretien à distance).

La VAE a aussi besoin d’un meilleur financement, en rendant possible un accompagnement élargi, en forfaitisant un accompagnement global, et en finançant des « VAE de parcours » associant validation et formation.

Un autre point crucial est l’engagement des entreprises. « La VAE présente en effet de nombreux avantages pour les employeurs, car elle permet de consolider l’employabilité des salariés, de fidéliser les salariés et de rendre le personnel polyvalent, de repérer les salariés à fort potentiel et d’anticiper les éventuelles difficultés de recrutement ». Si un certain nombre l’a compris, c’est très loin d’être une majorité.

Les propositions ont aussi pour objectif d’ouvrir un réel accès aux demandeurs d’emploi. C’est là que le raccourcissement des délais est impératif, dans un parcours à plein temps. Un engagement réel de Pôle emploi est tout aussi nécessaire.

Enfin, dans le cadre d’une évolution rapide des compétences nécessaires dans les emplois, la proposition la plus novatrice est celle d’une « VAE de parcours » pour ne pas s’arrêter à une « VAE fin en soi » mais l’inscrire en articulation avec une poursuite de l’acquisition de compétences. Ce qui suppose d’organiser une « hybridation VAE/Formation » au cours même du processus et donc d’organiser des formations par blocs de compétences.
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On le voit : à la suite de la création d’un dispositif où la France a été pionnière, il reste encore beaucoup à faire pour donner à la VAE la dimension qui l’intègrera complètement à l’objectif de développer fortement les compétences pour une progression de l’économie et de l’emploi. Et cet objectif devra être présent dans les débats des CSE.
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Références