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La Grande-Bretagne et l’Union européenne - Brexit : what a mess ! (Brexit : quelle pagaille !) 2

samedi 29 septembre 2018

Sortir de l’UE, oui, mais comment être à la fois dedans et dehors : le dilemme britannique

Le rêve des Britanniques du Brexit est de pouvoir bénéficier de tous les avantages du Marché intérieur sans en avoir les obligations de normalisation et de solidarité. C’est la quadrature du cercle ! La Grande-Bretagne a toujours eu une conception européenne limitée au libre échange, refusant ou limitant tout pouvoir supra national européen et surtout toute vision fédéraliste de l’Europe. Quelles peuvent être les solutions de sortie ? Mais regardons d’abord le calendrier des mois qui viennent, qui est déterminant.

Après le référendum du 23 juin 2016, la Grande-Bretagne a activé le 29 mars 2017 le fameux article 50 introduit en …2009 dans le Traité de Lisbonne
 [1] . Cet article prévoit un mécanisme de retrait volontaire et unilatéral d’un pays de l’Union européenne. L’activation de cet article 50 entraine donc une sortie de l’UE en mars 2019.

Dans une première phase l’UE et la Grande-Bretagne doivent conclure un accord sur les conditions de sortie de la Grande Bretagne de l’Union (facture des engagements financiers souscrits - environ 40 milliards d’euros -, statuts des citoyens britanniques dans l’UE et des citoyens européens en GB, « frontières » entre l’UE et UK avec le cas particulier de l’Irlande…). Attention, ce premier accord est préalable à la négociation d’un deuxième accord sur les relations futures, en particulier économiques, entre l’UE et la Grande Bretagne. Cela ne veut pas dire que des travaux ne sont pas déjà en cours en parallèle sur les éléments de deuxième accord mais il ne peut pas exister avant le premier accord. Les négociateurs britanniques voudraient d’ailleurs conclure les deux accords en même temps avec un chantage déjà exprimé par le nouveau ministre du Brexit qui menace de ne pas payer la dette de la Grande-Bretagne s’il n’y a pas d’accord conjoint entre les modalités de sortie et les relations économiques futures. Chantage inacceptable pour l’UE. Là où il y a urgence c’est que le premier accord doit être conclu avant la fin de l’année 2018 pour pouvoir procéder aux consultations en Grande-Bretagne et dans les pays de l’UE sur le résultat des négociations… S’il y a accord sur les conditions de sortie de l’UE alors, le 29 mars 2019, commencera une période de transition, demandée par la Grande-Bretagne [2] , qui durera un an.

Durant cette période la Grande-Bretagne reste sous l’autorité des directives et règlements communautaires y compris ceux adoptés durant cette période de transition, ainsi que des accords conclus par l’UE et reste sous l’autorité de la Cour de justice européenne. Elle ne participe ni aux négociations ni aux votes mais elle doit contribuer au budget communautaire… Cette période doit permettre la négociation d’un accord sur les relations commerciales futures entre UK et l’UE.

N’oublions pas qu’en 2019 il y aura des élections européennes (23/26 mai) et un renouvellement de la Commission dont le Royaume Uni sera exclu (suppression des 73 sièges britanniques et répartition de 27 de ces sièges entre 14 pays de l’UE sous-représentés au Parlement européen, plus de Commissaire européen, exclusion des ministres dans les différents Conseils, suppression des membres britanniques du Comité économique et social et du Comité des Régions…)

Si aucun accord n’intervenait au 29 mars 2019 la Grande Bretagne deviendrait automatiquement un pays tiers et cela serait un grand saut dans le vide… Cette hypothèse catastrophe n’est plus invraisemblable…

Si un premier accord est conclu, la nouvelle échéance est donc le 29 mars 2020 à la fin de la période de transition. Avec ou sans accord « commercial » la Grande-Bretagne devient alors automatiquement un pays tiers. Pendant cette période de transition la Grande-Bretagne pourra commencer à négocier avec d’autres pays tiers [3] pour ses relations commerciales mais des accords bilatéraux ne pourraient entrer en vigueur qu’après la fin de la période de transition.

Quelles solutions possibles ?

Trois hypothèses possibles : La « Norvégienne », la « Canadienne » et le non-accord.

La « Norvégienne » c’est l’accord pour un Espace économique européen (EEE) conclu entre les pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE) [4] et les pays de l’UE : libre accès au Marché européen mais obligation de respecter les règles de l’UE et respect de la libre circulation (pas de participation à la politique agricole ni à la politique européenne de pêche) mais aucune part aux décisions communautaires, participation à des budgets communautaires… Cela serait la solution idéale pour les milieux d’affaires et les syndicats britanniques ! C’est ce qui serait aussi la meilleure solution pour l’UE. Mais c’est une hypothèse inimaginable pour le gouvernement conservateur de Theresa May.

La « Canadienne », c’est un simple accord commercial sans obligation et sans droit avec une limitation de l’immigration. Cette hypothèse est celle à minima pour la Grande Bretagne qui souhaite quand même plus d’intégration économique et avoir son mot à dire…

Le « non-accord », la Grande Bretagne se retrouve comme un pays tiers avec lequel il va falloir négocier des accords bilatéraux pendant des années sur chaque sujet. Les conséquences seraient certainement dramatiques tant pour les Britanniques et en particulier les travailleurs que pour l’UE politiquement.
Réintroduire des frontières c’est réintroduire des contrôles aux frontières sur tous les mouvements de biens et de personnes (douaniers, phytosanitaires et sanitaires) avec la réintroduction pour les entreprises britanniques de formulaires administratifs et les encombrements qui seront provoqués au niveau des transports routiers, maritimes, aériens et ferroviaires par tous ces contrôles.

Si on vérifie rapidement les conséquences sociales que la Confédération syndicale britannique craint le plus, il y a bien sûr la remise en cause possible des acquis sociaux de l’UE comme les directives sur le temps de travail, sur l’information/consultation des travailleurs, le congé maternité, la régulation du travail à temps partiel, à durée déterminée et temporaire, les normes de santé et sécurité au travail …par les ultralibéraux conservateurs qui rêvent de faire de la Grande-Bretagne une plateforme de dumping social et un paradis fiscal face à l’UE.

Les syndicats britanniques (TUC) mais aussi beaucoup de secteurs économiques craignent des difficultés pour des secteurs comme l’automobile, les secteurs financiers (des banques ont déjà commencé à déplacer des sièges dans l’UE et en particulier à Paris pour continuer à opérer sur le territoire de l’UE), l’agriculture, la santé…

Les craintes sur le statut des travailleurs européens en Grande-Bretagne [5] et la baisse de la Livre sterling créent déjà des pénuries de main d’œuvre dans les secteurs agricole, de la restauration et de l’aide à la personne. Dans le secteur de la santé, déjà en crise, plus de 200 000 citoyens de l’UE travaillent en Grande-Bretagne. Cela représente 10% des médecins et 7% des infirmières qui commencent déjà à repartir vers leurs pays ou n’assurent plus la relève.
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Conclusion

La négociation est une véritable partie de poker. Le gouvernement britannique, politiquement fragile, peut tomber même si Thérèsa May réussit encore à tenir une faible majorité avec l’appoint de quelques parlementaires travaillistes pro-Brexit mais des parlementaires conservateurs pro-européens demandent plus de contrôle sur la négociation et le vote sur le résultat d’un accord. Les Hard Brexiters comme Boris Johnson, ancien ministre des Affaires étrangères et le ministre du Brexit David Davis, qui ont démissionné pour protester contre la « mollesse » de Thérèsa May face à l’UE, sont prêts à prendre la relève et le Parti travailliste est à l’affut en cas d’élections anticipées.

Pour le négociateur de l’Union, Michel Barnier, il n’y a pas de faiblesse possible car toute concession qui permettrait aux Britanniques de bénéficier du Marché intérieur sans en respecter les règles de libre circulation des biens, services, capitaux et personnes mettrait en cause les fondements de l’Union car elle inciterait d’autres pays de l’UE à bénéficier des mêmes dérogations.

Terminons par cette hypothèse improbable mais rêvée : et si le peuple britannique revotait pour ou contre le Brexit !
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Sujet qui compte deux parties :
[Partie 1]
La Grande-Bretagne et l’Union européenne - Brexit : what a mess ! (Brexit : quelle pagaille !) 1


Notes :

[1-2- Cet article 50 n’existait pas dans les Traités précèdent de l’UE ! Et il n’existe pas de clause identique pour sortir de la zone Euro !!!

[2-3- Cette période de transition a surtout été demandée par les milieux économiques britanniques et par les syndicats. Ils auraient même souhaité une période plus longue. Les employeurs et les milieux financiers s’inquiètent de l’accès aux marchés européens, de leur intégration dans les chaines de valeurs intra-européennes et de leur dépendance des fournisseurs. Les syndicats craignent en particulier une remise en cause de droits sociaux acquis avec l’UE et une crise industrielle avec des conséquences dramatiques sur l’emploi.

[3-4- Actuellement la Grande Bretagne est engagée par 759 traités conclus par l’UE avec 168 pays !

[4-5- Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse

[5-6- Il y a environ 1,6 millions de travailleurs de pays de l’UE en Grande Bretagne