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Les migrations intra européennes, l’autre versant de la question migratoire

mercredi 17 juillet 2019

C’est une autre migration, plus silencieuse, dont on parle moins que celle des Syriens ou des Africains sub-sahariens mais qui entraine des mouvements importants et a des conséquences pour de nombreux pays européens. La migration des jeunes diplômés des pays du Sud et de l’Est de l’Union qui partent travailler et souvent s’installer dans les pays de l’Ouest et du Nord. L’Institut Bruegel décrypte les conséquences de ces mouvements. Ainsi la migration intra-UE des jeunes de 2013 à 2017 a entrainé des gains nets cumulés pour l’Allemagne de 492 000, le chiffre le plus important, loin devant les gains en Suède (24 000). Les pertes nettes les plus importantes ont été enregistrées en Pologne (–268 000) et en Espagne (–136 000).

Une étude de l’Institut Bruegel

Basé à Bruxelles, l’institut Bruegel est un centre de réflexion pro-européen créé en 2004 et dont les travaux couvrent l’ensemble du champ des politiques économiques européennes. L’étude souligne que l’histoire récente de la construction européenne est intimement liée à la question des migrations. Celle-ci ponctue régulièrement l’actualité, voire la sature lors des séquences électorales et tend aujourd’hui trop souvent à associer l’Europe des migrations aux seules présence et circulation dans l’espace européen de migrants originaires de pays tiers.

Or l’Institut veut souligner que l’Europe des mobilités internationales est aussi celle des « citoyens européens mobiles ». Si elles ne concernent que 3 % de la population européenne environ, elles sont concentrées dans certaines zones de départ. Ainsi les jeunes (âgés de 20 à 24 ans) émigrent d’Europe méridionale, orientale et centrale et arrivent en Europe occidentale et septentrionale avec des conséquences sociales et économiques.

Les conséquences des migrations « de nécessité »

Quand la migration des jeunes devient une nécessité, « elle représente une perte pour les pays d’origine, qui ont dépensé de l’argent public pour leur éducation et leur formation. Et elle est un gain pour les pays d’accueil, où ils paient des cotisations sociales et des impôts, et comblent les pénuries du marché du travail », pour l’Institut Bruegel.

Les « perdants »

Ils sont d’abord à l’Est dans les anciens pays communistes, dont les économies ont durement souffert lors des changements de système. Le mouvement a commencé dès la chute du Mur de Berlin mais ne s’est pas arrêté là. La Pologne a perdu 268 000 jeunes de 20 à 34 ans sur la période 2013-2017. La Lituanie en a perdu 85 000 sur la même période, alors qu’elle enregistre à peine 30 000 naissances par an. En Hongrie, les enseignants sont âgés parce que nombre de jeunes sont partis, notamment vers l’Allemagne. Sur la période 2013-2017, la Hongrie a « perdu » 62 000 jeunes de 20 à 34 ans dans ces échanges de population à l’intérieur de l’Union européenne. Dans le même temps, l’Allemagne en a gagné 492 000.

Les perdants sont aussi au Sud à cause de la crise de l’euro en 2010. Cette date a marqué une rupture dans l’histoire récente de ces pays qui étaient parvenus depuis leur entrée dans l’Europe à inverser les flux migratoires. L’Espagne a ainsi perdu 136 000 jeunes de 2013 à 2017. En Grèce, où ces statistiques par âges ne sont pas disponibles, le solde migratoire total a été négatif de 183 000 sur la période. Et, malgré l’amélioration de la situation économique de l’Europe, le flux ne tarit pas, toujours plus important en provenance de l’Est que du Sud.

Les pays qui gagnent

Il s’agit des riches pays du Nord de l’Union. L’Allemagne, mais aussi le Benelux, la Suède, ou encore l’Autriche : ce pays accueille plus de 360 000 citoyens d’Europe centrale, pour une population inférieure à neuf millions d’habitants. Tous ces pays ont en commun d’avoir également une balance des paiements positive. En clair, ils gagnent sur tous les tableaux – humain et financier.

Des cas particuliers, le Royaume-Uni et la France

Le Royaume-Uni, comme toujours, est un peu à part. Il avait ouvert son marché du travail dès le premier jour de l’élargissement, le 1er mai 2004 et il est ainsi aujourd’hui, avec l’Allemagne, le premier bénéficiaire des migrations venues de l’Est : 1,74 million de citoyens d’Europe centrale vivent au Royaume-Uni, dont 930 000 Polonais (chiffres de 2016). Mais cette réalité a sa face sombre et a sans doute facilité la campagne du Brexit et le départ annoncé du Royaume-Uni.

En France, sur les dernières années, le solde des échanges migratoires au sein de l’Union est négatif. La situation du marché de l’emploi français est une première explication. Mais, sur une période plus longue, la France est pourtant le premier pays de destination des Espagnols et des Portugais alors qu’elle accueille peu de ressortissants des pays de l’Est. Sa démographie, qui reste dynamique, explique aussi en partie ses moindres entrées. Car les migrations internes à l’Europe s’effectuent sur fond de crise démographique quasi générale dans les pays d’accueil comme de départ.

En conclusion, cette crise nourrit une forme « d’anxiété démographique », selon l’expression du politologue bulgare Ivan Krastev, dans certains pays européens. « La démographie est en passe de devenir une question cruciale », expliquait-il récemment au Monde.

Sources