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Les résultats de l’enquête PISA pour les Etats-Unis et le Canada : la France peut-elle s’inspirer du travail canadien dans le domaine éducatif ?

mercredi 1er février 2017

Au début de décembre 2016, l’OCDE a publié les résultats de son enquête dite « PISA » effectuée auprès de 540 000 élèves de 15 ans dans 72 pays. Les trois domaines concernés sont les sciences, la compréhension de textes écrits et les mathématiques. Les Clés du social ont déjà présenté les résultats pour la France et pour l’Espagne et ses provinces. Cette dernière présentation portera sur deux pays voisins, les Etats-Unis d’Amérique et le Canada, pays marqués à la fois par une grande décentralisation et par l’importance de leurs populations immigrées. Or, malgré ces proximités, les résultats sont contrastés, le Canada figurant dans le peloton de tête alors que les Etats-Unis, comme la France, occupent le ventre mou du classement. Examinons rapidement les principaux résultats et essayons de voir comment les expliquer. Comment la France pourrait-elle s’inspirer des succès canadiens aussi bien pour le niveau général des élèves dans les trois domaines examinés (compréhension de l’écrit, maths et sciences) que pour la réduction des inégalités, gros point noir du système éducatif français.

Les résultats globaux des USA et du Canada comparés à la France

— Paradoxalement, en termes de résultats dans les trois domaines testés, la France jacobine obtient des scores très proches de ceux des Etats-Unis extrêmement décentralisés. Les deux pays sont à quasi égalité pour les scores en sciences et en lecture, très proches des moyennes des pays de l’OCDE. La France s’en sort mieux en mathématiques que les Etats-Unis. Les résultats canadiens planent au-dessus de ceux de la France et des USA dans les trois domaines testés.

— Au-delà des seuls scores, qui reflètent la moyenne de l’ensemble des élèves, l’enquête permet de voir comment chaque pays se comporte au regard de la dispersion des résultats. Le Canada, par exemple, réalise l’exploit de placer plus de 22% de ses élèves dans les niveaux les plus élevés alors qu’il dénombre moins de 6% des élèves dans la catégorie la plus faible. Autrement dit, le Canada a un taux élevé de très bons résultats et un taux très faible de mauvais scores. Les Etats-Unis comptent presque 10 points de moins de bons résultats et presque 8 points de plus de mauvais résultats. Quant à la France, si elle a plus de bons élèves (18,4%), elle compte aussi plus de mauvais élèves (14,8%). Dernière observation, et pas des moindres, le Canada parvient à réduire fortement les écarts entre élèves quelles que soient leurs origines sociales ; les enfants d’immigrés font aussi bien que ceux des familles plus anciennement installées. Les Etats-Unis, eux, sont parvenus à réduire les inégalités liées aux origines sociales entre 2006 et 2015, même si les inégalités sociales restent une des causes importantes de faibles niveaux scolaires. En France, les inégalités sociales continuent à peser sur les résultats PISA ; l’école française n’arrive pas à combler les difficultés attachées aux origines sociales des élèves.

Comment comprendre ces résultats contrastés ?

Le niveau du PIB par habitant, un des plus élevés au monde pour les USA, ne détermine pas le niveau des élèves. De même, la dépense par élève pendant sa scolarité – les USA sont en tête pour ces dépenses-là — n’est pas non plus une garantie de bons résultats.

— Les scores d’un pays peuvent cacher de grandes disparités entre régions comme l’analyse des résultats des régions espagnoles l’a montrée. Au Canada, les dix provinces montrent un écart important entre les provinces de tête (l’Ontario, la Colombie britannique, l’Alberta et le Québec) et le dernier de la classe, le Saskatchewan souvent relégué à une quarantaine de points derrière, soit l’équivalent de plus d’une année de classe. Aux Etats-Unis, seuls deux États de la côte est publient leurs résultats, le Massachusetts et la Caroline du Nord. Le premier État figure en haut des scores PISA alors que le second reflète la situation moyenne des États-Unis et de l’OCDE.

— Ces classements n’existent pas simplement pour établir un palmarès des bons et mauvais élèves. Ils prétendent fournir aux pays concernés un instrument avec lequel jauger de l’efficacité de leurs systèmes éducatifs respectifs et de fournir un diagnostic des progrès ou des reculs en fonction des politiques publiques. Si un pays fortement fédéralisé comme le Canada, avec une proportion élevée d’élèves issus de l’immigration récente, tire son épingle du jeu, c’est dû à de multiples facteurs. La politique éducative y est décidée au niveau provincial ; depuis le début des années 2000, la plupart des provinces ont profondément réformé leurs systèmes scolaires pour renforcer la qualité des enseignants, pour mettre en place des programmes coordonnés niveau par niveau pour améliorer la qualité des écoles, pour donner à chaque niveau (école, district scolaire, province) une direction cohérente avec les objectifs provinciaux. On a beaucoup travaillé sur la façon d’apprendre des élèves afin que les enseignants puissent travailler efficacement ; on a introduit des moyens d’évaluation destinés non seulement à noter les élèves mais surtout à faciliter leur progression dans les apprentissages indispensables. Les provinces ont souvent créé des soutiens spécifiques pour les populations issues de l’immigration mais aussi, en direction des élèves autochtones traditionnellement délaissés par le système éducatif. Selon plusieurs commentateurs, la province du Saskatchewan n’a pas pris le même virage réformateur, ce qui explique ses moins bons résultats.

— La situation aux Etats-Unis, avec 50 États fédérés et autant de politiques éducatives, est plus compliquée. Globalement, comparés au Canada, les flux migratoires y attirent des populations plus pauvres et moins éduquées donc ayant besoin d’un plus fort effort de soutien, ce qui n’est pas toujours fourni par les États ou les districts scolaires. La ségrégation résidentielle y est aussi très marquée, ce qui donne des districts scolaires très disparates en termes de richesse moyenne des habitants et, par conséquent, des élèves. Enfin, les États ne financent pas leurs systèmes scolaires à la même hauteur ; traditionnellement les États du Nord et de l’Ouest financent davantage leurs écoles que ceux du Sud. Depuis plusieurs années un programme de socle commun (Common Core State Standards) en anglais et en mathématiques tente de mettre en place des standards éducatifs pour améliorer les capacités des élèves. Cette initiative vient de l’association des gouverneurs des États et de l’association nationale des chefs d’établissement ; elle n’est pas un programme du gouvernement fédéral même si l’administration Obama le soutient. Mais la tradition libertaire a de profondes racines aux USA et l’initiative est attaquée par des voix venues de la gauche et de la droite (qui contrôle de nombreux États) comme une atteinte à leur contrôle sur l’éducation au sein de chaque État. Donald Trump a promis d’y mettre fin, ce qui ne sera pas facile là où les États décident toujours de l’appliquer. Dans les nombreux États contrôlés par les Républicains, la tentation existe de limiter les dépenses pour l’éducation publique et de favoriser à la fois les écoles privées et l’enseignement à domicile. Dans un tel contexte, pas facile de hausser le niveau éducatif et de réduire les inégalités sociales et raciales.

— La France peut-elle s’inspirer de ce qui se fait dans ces deux pays fortement décentralisés et aux résultats PISA contrastés ? Les succès des provinces canadiennes semblent concluantes et montrent que des politiques éducatives cohérentes, durables, patiemment mises en place peuvent apporter leurs fruits dans un moyen terme au bénéfice des élèves et, à terme, à la société toute entière.


Sources