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Patronat : son rôle

dimanche 10 janvier 2010

Débat de fond sur le rôle et l’organisation

L’Ania, l’association patronale des professions du secteur alimentaire – premier secteur industriel par son chiffre d’affaires et deuxième employeur industriel français- a décidé de se retirer du Medef. Cette décision a été votée par son Conseil d’administration le 17 décembre 2009 par un vote à bulletins secrets (18 pour, contre 12 et 3 abstentions).

Cette fédération réunit 10500 entreprises industrielles, très majoritairement petites et moyennes, ainsi que de grands groupes comme Danone, Pernod Ricard ou Bonduelle.

La présidente du Medef, Laurence Parisot, qui avait annoncé une diminution de 6% de la cotisation patronale pour 2010, n’a pas apprécié la manière : pas de préavis, pas de demande de discussion. On croyait le monde patronal plus policé. D’autant que les critiques de l’Ania ont été mises sur la place publique.

Les explications données par le Président de l’Ania - René Buisson, ancien de Danone, chargé du dossier des retraites et de la protection sociale au bureau du Medef - mettent en avant le rapport coût de la cotisation au Medef / services rendus. Ce n’est pas en soi la hauteur des cotisations (623 000 euros, 16% du budget de l’Ania) que le retour sur cotisation qui est jugé trop faible L’Ania contribuant pour 2,6% au budget du Medef, loin derrière l’UIMM (10,1%) ou la banque (8,2%), ce n’est pas sa défection qui mettra en cause l’équilibre budgétaire du Medef.

Pour la majorité du CA de l’ANIA, trois critiques sont exprimées :

  1. - L. Parisot traite trop souvent des questions sociétales, qui ne préoccupent pas les entrepreneurs de PME.
  2. - Le Medef apparaît représenter le grand patronat.
  3. - Le patronat a une organisation dépassée. Les entreprises préfèreraient des structures plus simples, de proximité, plus à même d’apporter des services.

L’UIMM, l’Union des métiers de la métallurgie, sans menacer le Medef d’une décision semblable, a demandé l’ouverture d’un débat sur la structuration du patronat.

La Présidente du Medef a accepté la discussion. Un débat va être engagé au printemps.

La décision de l’Ania est peut être une manœuvre interne tant vis-à-vis de sa structure qu’à l’intérieur du Medef. On peut la lire en effet comme une tentative de limiter les risques de fragmentation interne créés par le départ d’une de ses fédérations professionnelles, celle des conserves, dont Bonduelle et Fleury Michon. On peut la comprendre aussi comme une manière de peser dans le débat ouvert sur la réélection de Madame Parisot. René Buisson, qui l’avait soutenu, a pris depuis ses distances, critiquant un management trop personnel. Prévoyant, il a provisionné la cotisation 2010 de l’Ania au Medef, au cas où la rupture actuelle déboucherait sur un compromis permettant d’écarter l’actuelle présidente du Medef.

Mais le geste de l’ANIA a aussi valeur de débat de fond sur le rôle et l’organisation du patronat. Ce débat tout à fait nécessaire a quatre entrées :

Celle du rôle du patronat avec la question de l’intervention sur les questions sociétales ou non. Le patronat porte-t-il aussi l’intérêt général ou doit-il se limiter aux seules questions professionnelles ?

Celle de ses structures. Chaque union professionnelle regroupe de nombreuses fédérations professionnelles. Ainsi l’Ania regroupe 26 fédérations de produits. Elle est une fédération de fédérations. Ce modèle est-il encore pertinent à l’heure d’une double attraction : le local pour les services de proximité, le mondial. Un patron d’entreprise estimait que « les organisations de branche n’ont plus de sens dans le monde moderne. C’est une construction historique, mais le découpage par produits industriels ne marche plus ».

Celle de la représentativité patronale qui n’a pas bougé depuis 1950. René Buisson a évoqué la nécessité d’une évolution des systèmes de représentation, leur allégement et la recréation au sein du patronat de relations clients-fournisseurs.

Enfin, celle du rôle d’une structure qui « confédéralise », c’est-à-dire qui mutualise, qui s’efforce d’exprimer l’intérêt général et donc qui ne se limite pas à la seule vision professionnelle ou corporatiste.

Ce quadruple débat est intéresse toute la société. Les associations de toute nature. Les syndicats suivront sans doute avec attention les discussions patronales. En effet, eux aussi ont des débats sur le rapport cotisation et services rendus, sur leur structuration, la portée et les limites d’une confédération.

Ils sont aussi concernés sur les conséquences qu’une fragmentation patronale accrue sur les politiques de négociations contractuelles.