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Pourquoi les employeurs embauchent-ils d’abord en CDD ? Quelles conséquences ?

samedi 23 décembre 2017

87 % des recrutements se sont faits en CDD en 2015. C’est 12 points de plus qu’en 2000. La DARES a mené une enquête auprès des employeurs sur les raisons qui les poussent à privilégier l’embauche en CDD plutôt qu’en CDI. Les craintes suscitées par la réglementation des CDI est souvent évoquée par les organisations patronales ou dans certains milieux politiques. Nous verrons que ce n’est pas la raison principale avancée par les employeurs. Par contre, l’enquête génération menée par le CEREQ montre à quel point la précarité s’est développée chez les jeunes entre 1998 et 2010 alors que ceux-ci aspirent massivement à la stabilité. Manifestement, deux logiques s’affrontent.

Les principales raisons du recours au CDD

En cohérence avec les motifs juridiques du recours au CDD, c’est d’abord le moyen de répondre à un besoin de main d’œuvre limité dans le temps qui est le premier motif de recours à ce type de contrat. En effet, 69 % des employeurs jugent ce motif important dans leur choix. Vient ensuite pour 65 % des employeurs le souhait d’évaluer les compétences d’un salarié avant une embauche plus durable. Réduire les risques d’un retournement de l’activité ou parce que l’on a l’habitude de recruter en CDD sont évoqués comme importants par 58 % des employeurs. Seulement 45 % des employeurs évoquent comme importante pour leur choix de contrat d’embauche la règlementation liée au CDI (coût financier du licenciement, formalités en cas de rupture, incertitudes juridiques en cas de recours).
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Des différences notables suivant la taille des entreprises

Si, quelle que soit la taille de l’entreprise, le besoin limité dans le temps est considéré comme important à la même hauteur, il en est de même, dans une moindre mesure, pour l’habitude de recruter en CDD.

Par contre, plus la taille de l’entreprise est petite, plus la crainte du ralentissement d’activité est élevée. Si ce motif est considéré comme important par 40 % des employeurs de plus de 200 salariés, il inquiète 63 % des employeurs de moins de 10 salariés. C’est le même constat quand il s’agit d’évaluer les compétences : plus l’entreprise est petite plus cette raison est invoquée (50 % pour les plus de 200 ; 70 % pour les moins de 10). Enfin, si la réglementation du CDI inquiète peu les employeurs de plus de 200, elle est évoquée par 55 % des employeurs de moins de 10 salariés.

Des différences suivant le secteur d’activité, le type d’emploi recherché…

Comme la taille des entreprises, pas de différence suivant les secteurs pour le besoin limité dans le temps. Par contre, c’est dans la construction que l’on a le plus peur de la réglementation des CDI (62 % des employeurs). C’est encore le cas pour la crainte d’un ralentissement de l’activité qui est aussi fortement évoquée dans le secteur des services aux particuliers. Le secteur de la construction encore mais aussi l’industrie sont les secteurs qui utilisent le plus le CDD comme moyen d’évaluer les compétences des salariés.

A contrario, c’est dans l’administration publique, l’enseignement, la santé que les craintes de ralentissement de l’activité ou celles liées au CDI sont les moins importantes. C’est aussi dans ces secteurs que l’évaluation des compétences du salarié est la moins évoquée.

Si le CDI ne fait pas peur à l’employeur pour le recrutement d’un cadre (27 % évoque ce motif pour préférer un CDD), il n’en va pas de même pour celui d’un ouvrier, qualifié ou non. De même, on a moins besoin d’évaluer les compétences pour un cadre et l’employeur semble moins craindre que pour les autres catégories le ralentissement de l’activité.

L’enquête « Génération » du CEREQ montre les résultats d’une telle attitude de la part des entreprises

Le CEREQ mène régulièrement depuis 1992 une enquête sur la situation des jeunes, quel que soit leur niveau de qualification, cinq ans après leur sortie de la formation initiale. Le résultat est sans appel : entre 1998 et 2010, la part des jeunes ayant eu un retour rapide et durable a reculé de 72 % à 62 %. Il semble même que les CDD jouent moins le rôle d’accès vers l’emploi durable. Ceux qui restent au bord du chemin sont les moins diplômés mais aussi les jeunes et les salariés avec un profil atypique (les femmes à métiers d’homme, les profils multidisciplinaires ou les jeunes d’origine immigrée).

Pourtant, l’enquête révèle que les jeunes restent très attachés à la valeur travail. Si les plus diplômés parlent de « quête de sens » dans leur travail, pour tous les autres, l’objectif est la stabilité dans l’emploi. Malgré les difficultés qu’ils rencontrent pour rentrer dans la vie professionnelle, les jeunes sont aussi plus optimistes aujourd’hui.

Deux logiques…tous perdants ?

Si l’on peut comprendre que les entreprises hésitent à recruter des CDI compte tenu de leurs craintes liées aux risques de ralentissement de l’activité ,voire pour « tester un futur salarié », on mesure aussi les dégâts d’une telle attitude sur l’avenir des jeunes mais aussi au final pour les entreprises elles-mêmes. En effet, en cantonnant les jeunes dans la précarité, elles se privent d’une main d’œuvre dynamique, inventive et motivée. Comme le dit Virginie Mora, sociologue au CEREQ, dans un récent article du Monde « Innover en 2018 pourrait consister à faire confiance aux jeunes en les recrutant en contrat à durée indéterminée ».


Sources