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Seniors et tuteurs ?

jeudi 2 avril 2009

Le rapport Masingue : trouver une solution au sous-emploi des seniors et partager/transmettre les compétences : le rapport conjugue ces deux objectifs.

Pourtant, il est évident que si l’on manie de façon simpliste l’équation seniors = tuteurs, et vice-versa, on va à l’échec. Ce fut un temps une tentation patronale, l’un des responsables affirmant que tous les cadres de la métallurgie devraient passer à la formation et au tutorat dès 45 ans ; autant dire que c’était les déclarer inaptes à la production ! Un piège que le rapport démonte : « une fausse évidence », dit-il, tout senior n’est pas a priori un tuteur.

Pourtant, en sens inverse,on a longtemps vu des entreprises perdre leur capital collectif de compétences par une politique non maîtrisée de préretraites et s’apercevoir ainsi de la richesse – perdue – de leurs seniors. Un récent avis du Conseil économique, social et environnemental (présenté par Monique Boutrand, 11 mars 2009) d’ailleurs le précise encore : « les politiques de gestion de l’emploi par l’âge ont contribué à stigmatiser les seniors dans le travail et à les dévaloriser. Développer des fonctions tournées vers le tutorat, la transmission de l’expérience, rendra attractive la fin de carrière, permettra au salarié senior de s’impliquer de façon positive dans sa succession et de s’orienter vers d’autres formes d’activités tournées vers sa future vie de retraité. »

Si tous ne le souhaitent pas ou ne sont pas en capacité de le faire, la transmission de leurs savoirs et compétences sont des fonctions qui peuvent intéresser bien des seniors… dès lors que ce n’est pas une marginalisation. De même les entreprises en ont besoin « dans une période où le départ des baby-boomers va poser des problèmes aux entreprises » (opus cité). Aussi le rapport conseille-t-il de multiplier cet usage, sans que ce ne soit pas une activité à plein temps.

Comment développer le tutorat des seniors ? Actuellement le tutorat ne semble pas exercé majoritairement par des seniors mais surtout par des salariés « d’âge médian ». Les seniors, peu présents dans l’emploi, ne peuvent l’être beaucoup plus dans le tutorat. Cependant, des pratiques existent, notamment dans les métiers où la pérennité des techniques est le plus sensible : BTP, industrie lourde... Le tutorat est surtout développé à l’égard des jeunes en alternance, apprentissage ou professionnalisation.

L’analyse qu’en fait le rapport montre que c’est loin d’être une activité homogène, qu’elle va de la transmission reproductrice à l’expertise, en passant par la professionnalisation et l’aide à l’adaptation aux changements et la gestion des crises : elle concerne donc tous les salariés, de toutes fonctions. Elle peut même être réciproque entre professionnels de deux générations, ou collective. Ce n’est pas non plus une activité limitée à l’accueil des jeunes en entreprises ou pour préparer une succession : elle est utile également lors des changements dans l’activité, dans les process, ou les pratiques de travail... Ce sont ces différentes facettes que le rapport propose de développer.

Aussi, pour réussir le développement du tutorat parmi les seniors, le rapport propose plusieurs pistes pour une « démarche qualité tutorale » :

 la clarification des objectifs donnés au tutorat par l’entreprise,
 le repérage des compétences utiles par l’entreprise et des « héritages » qu’elle tient à pérenniser après des départs en retraite, en vue de sélectionner les tuteurs,
 l’identification et le traitement des freins au tutorat (chronophagie, coûts / dévalorisation, perte de son patrimoine propre /fossé générationnel…),
 la nécessaire mise en visibilité du contenu de son expérience et des acquis qu’elle contient par le senior,
 la préparation du senior à cette fonction pour sa professionnalisation dans ce rôle et un suivi régulier de son activité,
 une organisation du travail du tuteur tenant compte de cette activité dans son planning,
 une valorisation institutionnelle du tutorat dans les politiques de gestion des ressources humaines et un management intergénérationnel des équipes de travail : en termes de reconnaissance professionnelle et de rémunération,
 le développement de modes de financement pertinents de cette activité, en faisant relever par exemple le temps de tutorat du budget alternance pour les contrats de professionnalisation, voire de majorer de 50 % ce financement pour les tuteurs de plus de 50 ans.

Remis au ministre de l’emploi, quel avenir va avoir ce rapport ?

Même s’il dit vouloir doubler le nombre de seniors tuteurs en 2010 – par rapport à un nombre actuel parfaitement inconnu ! - le ministre a peu de possibilités d’intervention sinon quelques mesures réglementaires d’incitation et de facilitation.

L’enjeu principal se situe dans les entreprises : selon qu’elles vont garder les seniors, ouvrir leurs politiques de gestion des ressources humaines à des pratiques innovantes, tant de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) que de transmission et de reconnaissance des compétences et de l’expérience acquise ou pas, le rapport aura ou non un avenir. Des négociations de branches et d’entreprises doivent impérativement s’en emparer. La conjoncture de montée du chômage pose à nouveau la question d’une insertion massive des jeunes et de leur accompagnement : voilà une opportunité à saisir par Martin Hirsch avec les partenaires sociaux. Et de façon permanente, l’allongement de la durée de la vie demande d’assurer des fins de carrière complètes aux seniors, en sachant les mobiliser et en leur permettant d’utiliser et de transmettre leur expérience et leurs savoirs.