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Des syndicats revigorés pour la rentrée 2023

samedi 26 août 2023

Forts du regain de confiance des salariés constaté à l’occasion du mouvement contre la réforme des retraites, les organisations syndicales abordent la rentrée sociale 2023 avec l’intention d’engranger des résultats positifs pour les salariés. Chacune avec sa spécificité, ses objectifs et ses modes d’action, elles veulent peser dans le débat social. Le nouvel agenda social établi entre partenaires sociaux, d’une part, mais aussi celui établi avec le gouvernement devraient permettre de rentrer dans une phase de discussions positives porteuses de résultats tangibles pour les entreprises et les salariés. Avant cette rentrée particulière, nous avons fait un petit état des lieux des forces syndicales, de leurs atouts mais aussi des risques ou des difficultés auxquels ils peuvent être confrontés.

La CFDT

Elle sort indiscutablement renforcée de la période du conflit des retraites. Les sondages et en particulier celui de Kantar (voir Clés du social du 23 août 2023) montrent le poids grandissant de la CFDT chez les salariés. Plus que les autres organisations, elle enregistre un mouvement d’adhésions important (plus de 40 000 en juin 2023). La place qu’a pris Laurent Berger dans le conflit des retraites a largement contribué à renforcer la confiance des salariés envers son organisation.

La CFDT a su montrer à une partie des salariés qui la considérait trop proche des gouvernements ou du patronat qu’elle savait être inflexible dès lors qu’on touche aux questions de justice sociale, de dialogue social et de démocratie. Elle a permis aussi de garder au conflit sur les retraites son caractère social sans céder aux extrémismes et éviter les récupérations politiques.

Reste maintenant à revenir au dialogue social et la recherche de compromis par la négociation qui est la marque de son réformisme. Attitude qu’elle n’a jamais abandonnée et qu’elle a démontrée en œuvrant et signant durant le premier semestre des accords interprofessionnels (ATMP, environnement).

Les déclarations de Marylise Léon le jour de son élection à la tête de son organisation se situant dans la continuité de ses prédécesseurs ont confirmé les orientations de la CFDT. Elle a montré aussi que la CFDT ne s’enfermera pas dans une intersyndicale qui masquerait les divergences de fond entre les organisations réformistes et contestataires et bloquerait tout dialogue avec le patronat et le gouvernement.

Sa position de force devrait permettre d’obtenir des avancées sociales importantes ces prochains mois sur les sujets de l’agenda des partenaires sociaux. Une balle qui doit être saisie par ses interlocuteurs patronaux et gouvernementaux pour sortir par le haut de la crise sociale que nous avons vécue en ce début d’année 2023.

La CGT

Le conflit des retraites a remis en selle la CGT qui a démontré sa capacité de mobilisation et son poids dans les manifestations. L’action intersyndicale et l’entente entre elle et la CFDT lui ont permis de ne pas tomber dans le piège d’un activisme extrême voulu par certaines de ses organisations internes qui aurait certainement rendu le mouvement impopulaire. Piège que Philippe Martinez avait bien identifié mais attitude qui lui a été reprochée lors du dernier congrès de la CGT en avril 2023.

Elle connait comme la CFDT une montée de ses adhésions, qu’elle n’avait pas vécue depuis bien longtemps.

Malgré un congrès difficile qui a montré la profondeur de ses divisions internes, elle a pu désigner une secrétaire générale dont l’objectif principal sera de les diminuer. Ce qui sera un pari difficile à gagner.

Si les premiers pas de Sophie Binet étaient plutôt encourageants dans la recherche d’un équilibre entre syndicalisme de contestation et participation au dialogue social, ses déclarations récentes, le refus de s’inscrire dans l’agenda autonome des partenaires sociaux et sa participation active à la manifestation du 23 septembre avec les partis politiques et organisations d’extrême gauche sont des signaux particulièrement négatifs vers un syndicalisme qui s’inscrit sur un terrain purement politique d’opposition au président de la République et au patronat.

FO

La troisième organisation syndicale française peine à incarner une voie médiane entre l’attachement à la politique conventionnelle et le réformisme traditionnel issu de l’époque Bergeron que soutient le secrétaire général face à ses composantes contestataires. Sans donner de chiffres, elle a toutefois enregistré plus d’adhésions en ce début d’année que les autres années.

Trop discret, Frédéric Souillot depuis plus d’un an secrétaire général a souffert d’un manque de notoriété face à Philippe Martinez et Laurent Berger. Plus ennuyeux pour son organisation, cela semble perdurer face à Marylise Léon et Sophie Binet. Même si l’écart reste encore important, dans le privé, FO pourrait être rejoint à moyen terme par la CFE-CGC.

CFE-CGC

Malgré un président très présent dans les médias, la CFE-CGC pèse peu dans le débat social face aux deux grandes organisations. Sa capacité de mobilisation au-delà de l’entreprise reste faible. Son positionnement depuis maintenant des années sur un registre mi contestataire mi réformiste ne lui permet pas d’être identifiée clairement. D’autant que dans les entreprises elle participe pleinement au dialogue social. Elle garde tout de même l’ambition de rejoindre FO en termes de représentativité dans le secteur privé. Comme les autres organisations, elle a aussi engrangé un nombre important d’adhésions.

Les réserves formulées par ses sympathisants sur l’utilité et la pertinence du mouvement d’opposition à la réforme des retraites (voir sondage Kantar) pourraient l’inciter à une certaine prudence dans le débat social. D’ailleurs, depuis juillet, elle semble vouloir participer plus positivement aux discussions dans le cadre du dialogue social autonome des partenaires sociaux et avec le gouvernement.

CFTC

Cyril Chabanier, président de la CFTC, comme son organisation, n’exerce que peu d’influence dans le débat social. Elle a participé comme les autres organisations au mouvement contre la réforme des retraites mais ses sympathisants sont les plus nombreux à s’interroger sur son utilité. Elle aussi fait état de nombreuses adhésions depuis le début de l’année. Elle reste toutefois un des acteurs du dialogue social interprofessionnel et participera donc activement aux négociations qui s’engageront à partir de septembre 2023.

UNSA

Tentée l’an passé de se rapprocher du camp contestataire après l’arrivée de Laurent Lescure à sa tête, à la suite du congrès de juin 2023 l’UNSA devrait réintégrer pleinement le camp réformiste. Cette organisation, confrontée aux prises de position pour le moins anti-républicaines de sa branche Police, a tenté avec un succès discutable de remettre au pas son organisation dans la police. La direction de l’UNSA est ainsi confrontée aux limites d’une organisation basée sur l’autonomie de ses composantes internes.

En dehors du champ conventionnel national puisque non représentative, elle ne participera pas au dialogue social autonome des partenaires sociaux, ce qui est pour elle un véritable handicap pour peser dans le débat social et faire entendre sa voix.

Solidaires

Avec le retour à une période plus normale dans les relations sociales, Solidaires, toujours sur une stratégie uniquement contestataire, devrait être plus à la peine maintenant que durant le conflit des retraites où elle a montré une certaine capacité à mobiliser dans les manifestations. Le rejet par le congrès CGT d’un rapprochement avec elle et la FSU devrait cantonner ses organisations dans un rôle confidentiel même si ces dernières années elle a enregistré des progressions électorales dans certaines entreprises.

FSU

De même, la FSU a probablement été déçue de l’abandon du rapprochement avec la CGT pour renforcer le camp contestataire dans le paysage syndical. Elle reste très puissante dans son fief historique de l’Éducation nationale. Comme Solidaires et la CGT, la FSU participera à l’action du 23 septembre certainement sans enthousiasme et consciente qu’elle sera peu suivie par ses sympathisants et même ses adhérents.



On le voit, le syndicalisme sort renforcé de cette période de crise sociale. Malgré les divergences, les discussions et les contacts entre elles devraient perdurer sans pour autant faire de l’intersyndicale l’alpha et l’oméga des rapports sociaux en France, ce que souhaiterait au moins officiellement la CGT.

Après la période de tension sociale que nous venons de vivre durant ce premier semestre 2023, le syndicalisme français n’en a pas moins à démontrer son efficacité. À la fois pour mettre en valeur les véritables enjeux économiques, sociaux et environnementaux de la période mais aussi pour dégager des diagnostics communs entre lui et avec les autres acteurs (patronat et gouvernement) et engranger des résultats visibles au bénéfice des salariés par le dialogue social et la négociation. C’est un enjeu fondamental pour consolider la confiance que les salariés semblent vouloir accorder aux syndicats. Mais réussir est aussi de la responsabilité de l’ensemble des acteurs concernés, des syndicats eux-mêmes au patronat et à l’exécutif. Voudront-ils tous relever le défi ?


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