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Evolution de l’emploi et du rôle des cadres

mercredi 8 mai 2013

Changements d’organisation, changements dans le management, évolution du rôle des cadres et de leur emploi : le livre de l’ Observatoire des cadres permet de décrypter les bouleversements intervenus dans l’organisation des entreprises et le management.

1. 30 ans de changements dans les entreprises
 [1]
Des changements d’organisation
Ce livre de l’Observatoire des cadres* [2], suit deux objectifs : décrypter les bouleversements intervenus dans l’organisation des entreprises et le management, analyser les conséquences sur le travail et sur les fonctions de cadres.

Après la fin des « Trente glorieuses » dans les années 70 et la montée du chômage, s’est imposé dans les années 80 un capitalisme actionnarial sur le modèle anglo-saxon, et internationalisé. L’exigence de réactivité, la recherche du rendement maximum, à court terme, amènent à la course au moins-disant, avec de fréquentes restructurations et des externalisations. La conséquence en est la fragilisation du lien social et une tension dans la relation d’emploi.

Plus récemment, l’entrée des entreprises dans l’ère des technologies de l’information et de la communication permet de nouveaux modes d’organisation en projets et en réseaux, avec raccourcissement des lignes hiérarchiques.
Elle s’accompagne aussi d’une reconfiguration des pratiques professionnelles, d’une redéfinition des contenus de métiers et des compétences : le travail devient plus mobile, voire nomade, donc plus difficile à contrôler et évaluer. La « capacité à se disperser » devient décisive pour assumer des tâches complexes, créant souvent un surtravail et une difficulté à prendre des décisions raisonnées à moyen et long terme.

TIC et déconcentration de l’organisation des entreprises ont pour corollaire un accroissement considérable des règles et procédures. Le travail se tend par une organisation en « trio infernal » : process / objectifs et indicateurs de performance / reportings. Les reportings exigés sont permanents, une nouvelle version du fil à la patte.

Les clients rois recherchent toujours plus à moindre coût.
Les administrations publiques sont aussi passées à une gestion orientée vers les résultats, et non plus une gestion par les moyens. Les dernières années, si elles ont amené des modernisations bienvenues pour les citoyens, essentiellement en déclarations et paiements en ligne, ont créé une dégradation de la qualité de service pour les usagers et de travail pour les agents.

Les changements dans le management
Tous ces éléments signifient des changements dans le management des entreprises. Le travail immatériel est souvent développé sur des objectifs peu clairs, incohérents, voire contradictoires quand il faut les mettre en œuvre. Et la difficulté est de penser des modalités nouvelles de la productivité du travail immatériel et d’évaluation de la charge de travail et de son intensité. D’où une impression de travail dans l’urgence.

Pierre Rosanvallon analyse l’économie actuelle comme passée du capitalisme d’organisation, reposant sur des normes, des règles, des prescriptions, à un capitalisme d’innovation où les capacités de réactivité, d’adaptation et de coopération doivent être prioritairement mobilisées.
Dans une telle situation, les connaissances utiles sont celles qui naissent en entreprise , basées sur l’expertise acquise et sont à l’origine de produits nouveaux, de technologies rares, de design et de marketing, de nouveaux usages.

Le management efficace est alors celui qui consiste en un accompagnement du changement, misant sur l’imagination, la fertilisation croisée, le multiculturalisme, les partenariats, la coopération, avec une vision mondiale et une capacité de prospective.
D’autre part, personnaliser les services proposés aux clients repose sur leur écoute, celle de leurs usages, avec analyse personnalisée, empathie et imagination.
Le management devient beaucoup plus diffus, il ne peut s’apprendre en formation initiale que de façon très partielle et les procédures ne peuvent être que de peu de secours. Car le management est maintenant distribué et dilué dans l’organisation du travail. On aboutit ainsi à un management qui se fonde sur l’intériorisation des contraintes et des normes de conduite. La critique est désarmée, car les conflits sont formulés en termes psychologiques et interindividuels.

2. L’évolution du rôle des cadres
Face à ces réalités, avec la certitude que les entreprises et administrations reposent de plus en plus sur la performance collective, le livre milite pour un management où les cadres peuvent avoir 3 fonctions :
 une mission de coordination, où l’on retrouve le rôle du bureau des méthodes pour organiser le déroulement du processus de production,
 celle d’organiser la collaboration des individus et des équipes, rendue nécessaire par la complexité des organisations, pour échanger les informations, corriger les dysfonctionnements…
 et celle d’organiser la coopération, qui fait que la performance collective est supérieure à la somme des performances individuelles, car entreprises et administrations reposent aujourd’hui sur un mix organisationnel entre ces trois facettes.
Ce qui demande aux cadres de savoir décoder, s’adapter, y compris en termes de comportement, pour « donner un cadre » au travail de chacun. Mais en ont-ils vraiment l’autonomie ?

L’évolution des emplois cadres
Le groupe des emplois cadres s’est beaucoup diversifié, transformant la catégorie cadre.

De nouvelles distinctions apparaissent : avec les cadres dirigeants, par le diplôme, ou par le fait d’être au forfait. L’inégalité hommes / femmes subsiste, tant dans la proportion parmi les cadres, que par les secteurs d’activité où ils exercent, ou par les différences de salaire, les fonctions exercées et les parcours de carrière à partir de la trentaine quand les femmes cadres deviennent chargées de famille.

Responsabilité et l’autonomie sont exigées de nombreux salariés, le lien avec la position statutaire s’est donc réduit. La fonction d’encadrement est diffusée à de nombreux salariés, tandis que de moins en moins de cadres encadrent.

Pourtant, la conviction de ce livre est que ces changements n’entraînent pas la disparition des cadres mais une redéfinition.

Eux-mêmes définissent toujours leur rôle par un haut niveau d’autonomie et de responsabilité, afin de pouvoir maîtriser le pilotage complexe d’organisations aux contours plus flous et aux interactions multiples, tout en se rendant compte qu’ils sont moins les pilotes des entités qui sont sous leur responsabilité et qu’ils ont de moins en moins de possibilités d’intervenir dans la définition de la stratégie d’entreprise.

Mais les nouvelles formes d’organisations des entreprises et des administrations ne diminue en rien le travail d’organisation qu’ils réalisent. La multiplication d’un fonctionnement par process ne peut tout résoudre : il n’y a pas de management sans managers.

Pourtant, là aussi les choses évoluent fortement.
Dans ces organisations plus mobiles, plus floues, moins verticales, décentralisées et utilisant à plein les TIC , ils peuvent passer de projet en projet, changer de fonction, sans parler de changements d’emploi, devenus plus fréquents. Aussi, à la distinction traditionnelle entre cadres managers et cadres experts, les auteurs nous proposent de substituer une analyse où ces deux types de fonctions deviennent plutôt deux « polarités » qui coexistent, à des degrés différents et dans des combinaisons différentes au cours de leur parcours professionnel selon la successivité des missions réalisées.

Trois propositions
Afin que les cadres puissent assumer pleinement ces missions, l’Observatoire des Cadres propose trois voies de progrès :

  1. - Repenser la mesure et l’évaluation de leurs activités, et retravailler le contenu de l’entretien individuel.
  2. - Revoir l’apprentissage du management, qui ne peut plus se réduire aux sciences de gestion pour futurs dirigeants, comme c’est essentiellement pratiqué dans les écoles, mais privilégiant la réflexion sur des retours d’expérience.
  3. - Redonner du sens aux parcours professionnels des cadres. Mais la question du « comment » est posée.

Notes :

[1Note de lecture : À quoi servent les cadres ?, Observatoire des cadres, sous la direction de Jean-Marie Bergère et Yves Chassard, Odile Jacob, février 2013

[2* fondé par la CFDT Cadres en 1996