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La mobilité sociale des jeunes

mercredi 15 novembre 2023

Le comité d’évaluation et de contrôle (CEC) de l’Assemblée nationale, depuis plus de 10 ans, a engagé un travail de suivi des politiques publiques en faveur de la mobilité des jeunes. Que dit le dernier rapport demandé à France Stratégie pour établir un diagnostic actualisé de l’état des connaissances ?

Les perspectives de promotion sociale se sont améliorées depuis 35 ans pour tous les jeunes, sous l’effet de l’augmentation de la part des emplois de professions intermédiaires, cadres et professions intellectuelles supérieures (CPIS). La diffusion de ces catégories qualifiées a bénéficié aux jeunes de toutes les origines sociales, entre 1983 et 2009, cette part est passée de :

  • 27 % à 45 % pour les jeunes hommes au total (avec une hausse de 10 % à 20 % de la promotion des seuls CPIS).
  • De 24 % à 50 % pour les jeunes femmes au total (avec un bond de 5 % à 18 % pour les seules CPIS).
  • La proportion de jeunes hommes qui, 5 à 8 ans après leurs études, ont accédé à un emploi de CPIS ou de profession intermédiaire est passé de 15 % en 1983 à 26 % en 2019 parmi les fils d’ouvriers et de 66 % à 73 % pour les fils de cadres.
  • Parmi les jeunes femmes, la proportion est passée de 14 % à 34 % pour les filles d’ouvriers et de 57 % à 77 % parmi les filles de cadres.

Cette progression de la mobilité sociale s’est interrompue depuis le début de la décennie 2000, marquée par un léger recul de la mobilité intergénérationnelle ascendante et par une légère progression de la mobilité descendante pour l’ensemble des jeunes. En cause l’augmentation du nombre d’enfants de cadres et de professions intermédiaires dans les décennies antérieures et les crises économiques après 2000 (bulle de l’euro, éclatement bulle internet, guerre en Irak…)

  • Cette détérioration des perspectives de mobilité ascendante concerne surtout les jeunes hommes, alors qu’on observe un mouvement de rattrapage des jeunes femmes qui a concerné tous les milieux sociaux.
  • Les mobilités d’une génération à l’autre sont loin d’être négligeables : sur la période 2003-2009, on compte 24 % de mobilités ascendantes et 32 % de mobilités descendantes, l’immobilité comptant pour 40 % des flux, la mobilité horizontale pour 4 %.
  • C’est vrai au regard de l’échelle des revenus : en 2019, 73 % des jeunes de 29 ans appartiennent à un cinquième de revenu différent de celui de leurs parents (avec autant de mobilités ascendantes et descendantes).

L’origine sociale pèse toujours fortement sur les destinées des jeunes en France et la reproduction sociale reste marquée : les jeunes occupent souvent la même position que leurs parents à la fois dans la hiérarchie sociale et dans l’échelle des revenus. Seulement 12 % des enfants de parents situés en bas de la distribution des revenus se hissent en haut de l’échelle des revenus. Un jeune issu d’une famille parmi les 20 % des revenus aisés a trois fois plus de chances qu’un jeune de famille modeste.

L’origine sociale continue de fortement différencier les diplômes des jeunes : les enfants de parents cadres ou occupant une profession intermédiaire restent beaucoup plus diplômés de l’enseignement supérieur (dans les formations bac+5 et au-delà et dans les formations les plus sélectives)) que les enfants d’ouvriers ou d’employés :

  • 48 % et même 55 % chez les jeunes dont les deux parents sont cadres ;
  • 31 % pour les jeunes issus de famille à dominante intermédiaire ;
  • 20 % pour les jeunes dont la famille est employée ;
  • 10 % pour les jeunes issus de famille plus modeste ;
  • La part des jeunes non diplômés suit une pente inverse, diminuant à mesure que l’on monte dans la hiérarchie sociale.

En 2022, plus de 50 dispositifs peuvent entrer dans le soutien à la mobilité des jeunes : 40 % pour le champ de l’emploi et le reste à d’autres domaines comme la culture ou la citoyenneté. Le total des moyens de l’État est estimé à 13 milliards d’euros en 2022 soit 12,5 % de l’ensemble des dépenses publiques identifiées comme des « politiques en faveur de la jeunesse » estimées à 105 milliards d’euros.

Le rapport propose 5 politiques susceptibles de corriger les inégalités sociales, celles ayant fait l’objet de réformes significatives depuis 10 ans avec évaluation. Ils n’ont pas retenu les dispositifs faisant l’objet de réformes en cours comme les bourses du supérieur ou le lycée professionnel.

Les mesures visant la mixité sociale et scolaire dans l’enseignement ont un effet positif. Un certain nombre de mesures expérimentées ont montré leur efficacité pour accroitre la mixité sociale et scolaire au collège et en lycée, mais leur ampleur reste trop limitée pour conduire à une baisse globale de la ségrégation scolaire (agir sur la sectorisation dans chaque académie).

Mieux articuler l’obligation de formation pour les 16-18 ans et les dispositifs de deuxième chance : « pour une école de la confiance », l’obligation de formation pour les 16-18 ans vise à garantir aux décrocheurs de l’éducation nationale une seconde chance sous forme d’intégration, soit dans un parcours scolaire classique ou en apprentissage, soit dans un dispositif d’accompagnement ou d’insertion dans l’emploi. Cette politique vise les NEETs (ni en emploi, ni en formation), elle suppose un meilleur repérage et une meilleure coordination.

Favoriser l’accès à l’enseignement supérieur par l’’instauration de quotas de boursiers dans l’accès aux formations du supérieur. Malgré l’augmentation du nombre de boursiers grâce à « Parcoursup », la proportion de boursiers dans le supérieur n’a pas augmenté. En cause, peut-être le très fort développement de l’apprentissage qui ne peut être cumulé avec une bourse. L’apprentissage permet aux familles populaires de financer leurs études.

Faire de l’apprentissage un levier de mobilité sociale. Les boursiers issues de familles défavorisées s’orientent vers des formations courtes. Les pistes d’améliorations :

  • Revoir le mode de calcul des quotas. Renforcer l’’anonymat du lycée d’origine.
  • Une nécessité de politiques volontaristes et non passives des établissements.
  • Recalibrer les aides pour qu’elles bénéficient aux jeunes en ayant le plus besoin.
  • Mieux accompagner les jeunes apprentis pour réduire les ruptures d’apprentissage.

Encourager les recours à la formation continue des jeunes les moins qualifiés, cela passe par le droit à une deuxième chance. La formation doit être certifiée. Le Plan d’investissement dans les compétences (PIC) et le compte personnel de formation (CPF) doivent être renforcés :

  • Augmenter et réorienter vers des formations améliorant le niveau de qualification des bénéficiaires.
  • Soutenir les politiques d’abondements.
  • Revoir les modes de rémunération des organismes de formation.

« Ceci plaide à la fois pour une vision systémique des enjeux de mobilité sociale qui se donne pour objectif de réduire le poids des héritages sociaux dans les trajectoires des jeunes, et pour un meilleur suivi des dispositifs existants ».


Références