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Parcours scolaire et accès à l’emploi

mercredi 19 avril 2023

Les descendants d’immigrés ont-ils les mêmes résultats que les natifs sans ascendance migratoire ?


Plusieurs enquêtes s’interrogent sur l’insertion des descendants d’immigrés. Le Cereq enquête régulièrement sur « immigration, accès à l’emploi, discrimination ». Il compare les enquêtes 2007 et 2020 du dispositif génération. Que nous disent les 3 premières années de vie active des jeunes immigrés et descendants d’immigrés sortis du système éducatif en 2020 par rapport à la génération 2017 ? On constate une meilleure intégration sur le plan éducatif avec une augmentation du niveau des diplômes. France Stratégie s’interroge sur les inégalités des chances. Qu’est-ce qui compte le plus ?

En France on compte plus de descendants d’immigrés que d’immigrés. En 2021, 11,2 % de la population française soit 7,3 millions de personnes sont des descendants de 2ème génération. Nés en France, ils n’ont pas connu l’immigration, mais au moins un de leurs parents est lui-même immigré. Il faut ajouter les descendants d’immigrés de 3ème génération, c’est-à-dire de personnes ayant au moins un grand parent immigré, ce qui fait grimper le chiffre global à 12,5 millions de personnes environ, soit près d’un habitant sur 5 vivant en France.

L’enquête 2020 sur la génération des jeunes immigrés et descendants d’immigrés sortis du système éducatif en 2017, et leurs situations des 3 premières années de vie active, constitue le groupe référence de l’enquête du Cereq. Des comparaisons avec les jeunes de la génération 2004 peuvent rendre compte des évolutions de moyen terme. Entre ces 2 cohortes le sujet est devenu plus fréquent dans le débat public, et un nouvel acteur a été créé avec la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, absorbée en 2021 dans le Défenseur des droits.

En 2017, comme en 2004, les jeunes dans leurs 3 premières années de vie active, nés en France de parents eux-mêmes nés en France représentent les ¾ des sortants du système éducatif.

  • La part de la 2ème génération reste stable entre les 2 cohortes autour de 13 %.
  • La part de jeunes immigrés a augmenté : ils représentent 7 % des sortants de 2017, quand ils étaient moins de 4 % en 2004.
  • La proportion de jeunes nés en France de parents français dont l’un au moins est né à l’étranger a reculé, passant de 5 % à 2 %.
  • Le solde regroupe des jeunes nés Français à l’étranger, et des situations mal déterminées du fait d’informations manquantes sur les parents.

Les enfants d’immigrés d’Afrique rattrapent leur écart de niveau de diplôme. En 2017, les enfants d’immigrés d’Afrique représentent presque 7 % de l’ensemble des sortants, et environ la moitié des sortants de la 2ème génération (proportions similaires à celles de la génération 2004). En revanche, les écarts de niveau de diplôme par rapport au groupe de référence se sont fortement réduits d’une cohorte à l’autre.

  • En 2004, 31 % des jeunes de la « 2ème génération d’Afrique » sont sortis non diplômés du système éducatif, contre 15 % des jeunes du groupe de référence.
  • Les jeunes de la « 2ème génération d’Afrique » accèdent également beaucoup plus souvent aux plus hauts niveaux de formation (en 2004, ils étaient 5 % à être diplômés de niveau bac +5 ou plus, soit 2 fois moins que dans le groupe de référence ; en 2017, ils sont 17 % et 19 % dans le groupe de référence).

Les « 2ème génération d’Afrique » sont plus nombreux à avoir arrêté leurs études sur un échec, soit à l’issue dune année scolaire non terminée, soit sans réussir leur diplôme lors d’une année de terminale (47 % contre 36 % dans le groupe de référence) :

  • Presque la moitié d’entre eux déclarent avoir arrêté parce qu’ils avaient atteint le niveau souhaité, contre 63 % pour le groupe de référence.
  • Ils sont nombreux à avoir arrêté leurs études faute d’avoir trouvé un employeur pour une formation par alternance (16 % contre 9 % dans le groupe de référence).
  • Ce résultat fait écho à leur moindre accès à l’apprentissage. Parmi les « 2ème génération d’Afrique » sortant d’un CAP ou d’un bac pro, seuls 17 % étaient en apprentissage, contre 33 % pour le groupe de référence.
  • Par leurs origines sociales et leur lieu de résidence, les « 2ème génération » restent dans une situation moins favorable que le groupe de référence. Ils sont nombreux à vivre dans les quartiers de politique de la ville (29 % contre 6% pour le groupe référence). Leurs pères sont beaucoup moins souvent cadres quand ils travaillent (12 % contre 21 % dans le groupe de référence). Ils sont aussi plus fréquemment absents ou décédés. Leurs mères sont plus souvent au foyer sans avoir jamais travaillé.

L’accès aux ressources culturelles et la qualité des réseaux amicaux et professionnels peuvent jouer à diplôme équivalent sur les conditions d’accès à l’emploi. Parmi les jeunes sortis de formation initiale en 2017, 73 % sont en emploi en février 2020 et 62 % pour les « 2èmes génération d’Afrique », soit 15 % de moins de chance d’être en emploi (moins 23 % en février 2007). Le sentiment d’avoir connu des discriminations dans l’emploi reste élevé mais recule : 38 % pour la génération 2004, 29 % parmi les sortants de 2017. Le recul est plus important chez les hommes (-12 points) que chez les femmes (-6 points).

D’après l’étude de France Stratégie, même si les enfants d’immigrés ne sont pas égaux face à l’école (milieux sociaux défavorisés), toute chose égale par ailleurs, ils réussissent mieux. En prenant pour point de référence la réussite des garçons au baccalauréat dont les parents sont nés en France, les jeunes hommes de parents nés en Afrique subsaharienne ont 1,1 fois plus de chance de réussite, ceux d’origine maghrébine 1,4 et jusqu’à 5 fois pour ceux d’origine asiatique. Avec, pour nuancer le propos, une surreprésentation de certaines origines dans les séries de bacs professionnels. Les femmes sont plus diplômées que les hommes mais dans des filières moins favorables en termes de revenu.

  • Cette ascension « scolaire » se retrouve en partie dans l’ascension « sociale » de la 2ème génération.
  • 64 % des écarts de revenus entre personnes d’origine sociale favorisée et d’origine sociale modeste proviennent d’une différence de niveaux de diplôme.

Les filles réussissent mieux à l’école mais ont une plus faible insertion dans l’emploi : les filles, d’où que viennent leurs parents, ont un taux de réussite scolaire nettement supérieur à celui des garçons. L’origine sociale reste le premier facteur déterminant le niveau de revenus des individus pendant la première partie de leur vie active mais le sexe reste le deuxième vecteur d’inégalités, loin devant le lieu où l’on grandit :

  • Cela tient surtout à leur situation sur le marché du travail, à savoir le poste occupé, le nombre d’heures travaillées et le taux d’emploi.
  • L’impact de la maternité s’accompagne pour les femmes d’une baisse de revenus de l’activité de l’ordre de 20 % cinq ans plus tard, et ce quel que soit leur milieu social.
  • L’écart est très marqué pour les filles d’immigrés d’Afrique subsaharienne et du Maghreb.

L’origine sociale est celle qui a le plus d’effet sur les écarts de revenus à l’âge adulte. Le sexe arrive en 2ème position, en dépit de la baisse tendancielle des écarts de revenus entre hommes et femmes. Le territoire où l’on grandit et, surtout, l’ascendance migratoire jouent un rôle plus limité sur le revenu. C’est par la mobilité éducative que vient l’ascension sociale des descendants d’immigrés. Dès la 3ème génération, l’écart de diplômés du supérieur vis-à-vis des autochtones est comblé.


Références