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Lutte contre le réchauffement climatique : le Haut Conseil pour le climat appelle la France à augmenter ses efforts

samedi 14 septembre 2019

Le Haut conseil pour le climat a remis son premier rapport annuel au Premier ministre le 25 juin. Il est intitulé « Agir en cohérence avec les ambitions » et son titre sonne comme un rappel à l’ordre pour le gouvernement. La canicule qui régnait à Paris ce jour-là a servi d’arrière-plan à la nécessité urgente de mettre en cohérence les politiques et les objectifs climatiques de la France. Se présentant sous forme de bilan et de propositions, ce premier rapport juge que les actions engagées par la France pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) restent insuffisantes. Il demande d’accélérer les changements structurels et une transition juste et perçue comme juste.

Le Haut conseil pour le climat

Le Haut conseil pour le climat est un organisme indépendant. Il a été mis en place par le Président de la République en novembre 2018, au début de la crise des gilets jaunes, et formellement créé par le décret du 14 mai 2019. Il est chargé d’émettre des avis et recommandations sur la mise en œuvre des politiques et mesures publiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France, en cohérence avec ses engagements internationaux, en particulier l’accord de Paris (COP 21) et l’atteinte de la neutralité carbone en 2050.

Pour la présidente du Haut-conseil, la climatologue franco-canadienne Corinne Le Quéré, « Il nous reste un peu moins d’une génération pour accomplir l’essentiel des mutations qui permettront à la fois d’atténuer et de s’adapter au changement climatique ».

Des actions insuffisantes et éloignées des engagements

Ce rapport renforce et confirme les conclusions de plusieurs évaluations récentes. La France n’est pas sur une trajectoire d’émission de gaz à effet de serre compatible avec ses engagements internationaux. Les onze experts du Haut conseil, constatent d’abord que le premier objectif ciblé, le « budget carbone 2015-2018 », n’a pas été respecté. La baisse annuelle des émissions sur la période (1,1 %) est deux fois moindre que l’objectif fixé. Et si l’objectif atteint par la France cette année correspond à celui de l’Accord de Paris, il ne tient pas compte de tous les domaines de sa responsabilité, en particulier les émissions liées aux transports aériens et maritimes internationaux ainsi que celles liées aux importations.

Les premiers efforts fournis sont réels, mais ils sont nettement insuffisants et n’engagent pas les transformations socio-économiques profondes nécessaires pour aller vers la neutralité carbone.

Trois grands chapitres de propositions

Accélérer les changements structurels
Parmi ceux-ci, le document note les transformations nécessaires du système d’infrastructures et de transport, les investissements vers les options bas carbone et l’efficacité énergétique, les désinvestissements dans les filières intensives en émissions de GES, l’adaptation des chaînes d’approvisionnement, l’éducation et la formation. Le Haut conseil prône une approche systématique pour couvrir tous les secteurs, tous les grands projets et toutes les entreprises gouvernées par l’État.

Pour l’énergie, le Haut Conseil demande à augmenter les puits de carbone par un accroissement des forêts et par une meilleure utilisation des sols. Quant à la finance, si les investissements climat ont augmenté sur la période du premier budget carbone, ils restent à un niveau insuffisant.

Une transition juste et perçue comme juste

Très justement, le Haut conseil souligne l’importance de la prise en compte des implications sociales et économiques de ces politiques. Cela s’est vérifié dans la crise des gilets jaunes. Il faut savoir tenir compte des impacts hétérogènes sur les secteurs d’activité et surtout pour être acceptée la transition doit à la fois être juste et « perçue comme juste ».

Le rapport considère que les conséquences de ces transformations sur l’emploi et la formation doivent être impérativement prises en compte. Il s’agit en effet d’assurer la reconversion professionnelle des salariés des secteurs très émetteurs de GES dans des secteurs compatibles avec la neutralité carbone.

Peu d’indicateurs permettent de suivre la dimension sociale de cette stratégie de réduction et son appropriation par la société, et ceux-ci ne sont pas suffisamment évalués ou intégrés. Les indicateurs d’orientation comme l’accompagnement des citoyens dans leur propre transition ou l’adaptation de la formation initiale et continue doivent être construits et une évaluation permanente est nécessaire.

Mettre les lois en cohérence

Le Haut Conseil s’intéresse enfin à la cohérence entre politiques publiques et objectifs. Dans cette perspective, il a passé en revue les lois cadre – comme les lois LOM, (loi sur les mobilités), ALUR (sur le logement)… - et la manière dont elles intègrent la lutte contre les gaz à effet de serre.

Le constat est très mauvais : « Hormis les lois spécifiques sur le climat, la question n’est pas prise en compte, ce qui engendre inévitablement un manque de cohérence systémique à l’intérieur de notre corpus juridique et jurisprudentiel. De nombreux textes votés aujourd’hui ne tiennent pas compte de leur impact sur le climat ».

Le rapport remarque en particulier que les lois sur les finances ne sont pas à jour sur la question du changement climatique : la loi de 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, par exemple, ne tient pas suffisamment compte de la contrainte climatique concernant l’isolation et les matériaux utilisés.

Quels instruments utiliser pour assurer la réussite de cette politique ?

Les instruments de la politique gouvernementale, comme la taxe carbone, « doivent être réglés au bon niveau d’incitation ou de contrainte ». Le Conseil soutient l’instauration de cette taxe qui a déclenché en partie les évènements de cet automne. Pour le Haut conseil : « C’est un instrument efficace pour réduire les émissions de GES, mais son assiette, ses modalités et les mesures d’accompagnement doivent faire l’objet d’une réflexion approfondie » qui doit être guidée par la transparence et l’équité.

Enfin, le rapport demande que les plans climat territoriaux et locaux deviennent des leviers forts. Il souligne que c’est dans les territoires que se construit de manière effective la transition et salue les dynamiques émergentes dans certaines régions qui ont déjà mis en place des plans climat-énergie (Région de Loire, Aquitaine, Bretagne Ouest).

Les réactions du gouvernement

Tout en répétant que la lutte contre le changement climatique est « une priorité du gouvernement », le Premier ministre a reconnu dans un communiqué que l’action doit « être amplifiée au regard de l’urgence ». Il a indiqué que certaines recommandations seront d’ores et déjà prises en compte lors de l’examen parlementaire du projet de loi relatif à l’énergie et au climat qui a lieu actuellement.

Le gouvernement a six mois pour répondre au rapport, devant le Parlement et le Conseil économique, social et environnemental. La présidente du Haut Conseil estime que la neutralité carbone d’ici à 2050 est parfaitement réalisable. Mais cela implique une transformation profonde de la société où chacun doit participer, et des efforts politiques conséquents.

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D’où proviennent les émissions de gaz à effet de serre de la France ?

L’empreinte carbone moyenne d’un Français est équivalente à 11 tonnes d’équivalents CO2.

Les émissions nationales de la France sont estimées à 445 MtCO2e pour 2018. En plus des émissions nationales, la France est responsable d’une partie des émissions liées aux transports internationaux (aviation et transports maritimes), et son empreinte carbone comporte les émissions liées aux importations.

  • Le secteur transport compte pour 31 % des émissions nationales en 2018 (137 MtCO2e en 2018). Ses émissions proviennent du transport de voyageurs (60 % des émissions de ce secteur), du transport des marchandises (21 %), et des véhicules utilitaires légers (19 %).
  • Le secteur des bâtiments compte pour 19 % des émissions nationales en 2018 (84 MtCO2e). Les émissions directes de ce secteur couvrent le logement (59 %) et le secteur tertiaire (41 %). Les émissions provenant de l’électricité et du chauffage urbain sont exclues, car elles sont comptabilisées dans le secteur de la transformation d’énergie. Les émissions issues de la biomasse (bois-énergie) sont aussi exclues car elles sont comptabilisées dans le poste UTCATF (Utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie).
  • Le secteur de l’agriculture compte pour 19 % des émissions en 2018 (86 MtCO2e). Les émissions de ce secteur proviennent de l’élevage (48 %), des cultures (41 %), ainsi que des tracteurs, engins et chaudières agricoles (11 %).
  • Le secteur de l’industrie manufacturière compte pour 18 % des émissions en 2018 (79 MtCO2e). Les émissions de ce secteur proviennent essentiellement de la chimie (26 %), de la fabrication de minéraux non métalliques (ciments, chaux, verre, etc.) (22 %), de la métallurgie des métaux ferreux (20 %) et de l’agro-alimentaire (12 %). Une partie des émissions est liées aux procédés industriels comme la fabrication de ciment et à l’usage de solvants, en plus de la combustion d’énergie.

(Extrait du rapport du Haut conseil)


Source
Premier rapport annuel du Haut conseil pour le climat - Agir en cohérence avec les ambitions :
https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/194000526.pdf