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2017 : Drôle d’année pour le syndicalisme

mercredi 3 janvier 2018

Drôle d’année pour le syndicalisme en France où les deux modèles, l’un contestataire, l’autre réformiste, ont été mis à l’épreuve d’un changement de politique de l’État dans sa relation avec les corps intermédiaires.

Les organisations syndicales sur la défensive

Finies les grandes messes sociales de l’ère Sarkozy et Hollande qui avaient au moins l’avantage de fixer de façon concertée l’agenda social entre l’État et les partenaires sociaux. Le nouveau Président de la République applique la politique pour laquelle il a été élu. De fait, c’est lui qui impose son agenda et cadre les discussions tout en déterminant la place qu’il entend donner aux partenaires sociaux. Même si le gouvernement donne une grande place à la concertation en amont des réformes, il entend bien décider au final. Dans les faits, il ne laisse aux organisations qui jouent le jeu du dialogue comme la CFDT, la CFTC ou l’UNSA et Force Ouvrière, que la possibilité de limiter, parfois avec succès, les excès de propositions largement inspirées des thèses libérales ou patronales. Cela a été le cas, par exemple, de la possibilité de négocier sans les syndicats dans les entreprises de moins de 50 salariés alors que le projet gouvernemental envisageait ce seuil à 300 ou encore sur la place de la branche professionnelle. Cela a encore était vrai sur de nombreuses propositions des ordonnances et des décrets d’application. Cela permettra certainement de ramener à plus de pragmatisme les projets du gouvernement en matière d’assurance chômage par rapport aux promesses de campagne du Président Macron. Reste à voir aussi ce que donneront les discussions et les concertations sur la réforme de la formation professionnelle ainsi que celle de l’apprentissage et, au final, la place qui sera accordée aux différents acteurs (partenaires sociaux, État et Régions).

Cette attitude gouvernementale a de quoi frustrer une organisation comme la CFDT qui par ses propositions avait largement fait évoluer la démocratie sociale (citons notamment la représentativité, les commission paritaires régionales, le mandatement dans les TPE) et obtenu des résultats tangibles pour les salariés les plus défavorisés ces dernières années (par exemple, la complémentaire santé pour tous les salariés, ou encore les droits rechargeables pour l’assurance chômage, etc).

Du côté des organisations contestataires, la méthode gouvernementale les cantonne dans une attitude protestataire sans offrir de perspectives crédibles de résultat au risque de décrédibiliser l’ensemble du mouvement syndical. C’est le cas principalement de la CGT qui a appelé à une série de journées d’action de moins en moins mobilisatrices n’entraînant dans cette fuite en avant que Solidaires et, sur la pointe des pieds, la FSU. FO, contrainte pas sa base militante contestataire était de la dernière action sans que sa participation n’inverse la tendance.

Au grand dam d’un Jean-Luc Mélenchon qui voudrait être le leader d’un grand mouvement social dont il serait le débouché politique, l’heure n’est pas à la mobilisation sociale d’ampleur sur le plan national interprofessionnel offrant une perspective de résultat. Par compte, le dialogue social au niveau national interprofessionnel reste toujours pertinent tant il reste de nombreux sujets de discussions à venir pour les partenaires sociaux : assurance chômage, formation professionnelle, statut des cadres, retraites, mais aussi des sujets tels que la participation des salariés aux décisions de l’entreprise, le développement de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises ou encore la définition de nouvelles protections pour les travailleurs des plateformes numériques par exemple.

Retour sur l’entreprise

Plus que jamais, la légitimité des organisations syndicales à négocier au niveau national interprofessionnelle et à être reconnues et respectées en tant qu’acteurs indispensables viendra de leur présence dans les entreprises et leur capacité à négocier à ce niveau. La première place obtenue par la CFDT aux élections professionnelles est un événement d’ampleur qui montre que les salariés sont aussi prêts à accompagner cette évolution.

Déjà entamé dès 1968 avec la reconnaissance de la section syndicale d’entreprise, qui s’est prolongé par les lois « Auroux » dans les années 80, et en 2008 par la loi sur la représentativité des organisations syndicales, le mouvement vers la négociation d’entreprise se renforce encore aujourd’hui avec les deux lois travail (El Khomri et Ordonnances). C’est à ce niveau que se situe indiscutablement l’avenir du syndicalisme. Dans les entreprises de plus de 50 salariés, la place du dialogue social à ce niveau lui donne plus de responsabilité. Mais même s’il ne faut pas négliger les difficultés, le syndicalisme devra répondre de façon crédible et efficace à de nombreux appels au secours de salariés confrontés à des décisions unilatérales de l’employeur qu’ils voudront combattre ou simplement demander des conseils pour infléchir les projets de leur patron. Les organisations syndicales sont-elles capables de relever le défi ? Certaines s’y préparent parfois depuis longtemps, d’autres auront plus de difficultés.

Quel syndicalisme aujourd’hui et demain ?

L’avenir est assuré pour les organisations syndicales qui sauront capter, accompagner ces demandes probablement avec de nouvelles pratiques qui passent par l’écoute, l’enquête, la capacité à comprendre et traduire en revendications les préoccupations des salariés notamment sur la question centrale du travail. Même si la manifestation et la grève restent des moyens d’action qu’il faut conserver, la création du rapport de force dans l’entreprise passe par d’autres vecteurs tout aussi efficaces parfois. La connaissance des dossiers, la compétence des militants, leur capacité à convaincre, à faire des propositions crédibles et adaptées à chaque situation sont autant de points d’appui pour mener l’action. Rien ne remplacera le débat direct et permanent des militants avec les salariés de l’entreprise. Cela veut dire aussi plus de temps passé auprès d’eux et plus de communication. Cela veut dire également pour les organisations syndicales de consacrer des moyens encore plus importants pour former et accompagner les militants d’entreprise.
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