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Congrès CGT : La ligne Martinez devrait être reconduite

samedi 11 mai 2019

Au dernier congrès en 2016, Philippe Martinez et la direction confédérale de la CGT, sous la pression de son extrême gauche, avaient tourné le dos définitivement à une ligne plus réformiste en revenant à une stratégie contestataire. Qu’en sera-t-il lors du prochain congrès qui aura lieu du 13 au 17 mai 2019 à Dijon alors qu’il doit faire face à son opposition la plus radicale ? La question posée à la CGT est toutefois existentielle : Comment enrayer un déclin qui se traduit par une perte continue de ses adhérents et la perte de sa première place sur l’échiquier syndical au profit de la CFDT ? Pas sûr que les textes et les futurs débats de ce congrès apportent réellement la réponse.

Ligne contestataire réaffirmée mais priorité au débat avec les travailleurs

Pour la CGT, « la mondialisation capitaliste s’est imposée à marche forcée » dont l’objectif est plus d’insécurité sociale pour la majorité des travailleurs et plus de sécurité et de dividendes pour les tenants du capital. Cela conduit à pousser les peuples dans les « dents acérées » des nationalismes. Le rapport d’activité dresse un bilan particulièrement noir de toutes les politiques menées par les gouvernements Hollande et Macron mais il fait aussi le constat amer que la CGT n’a pas été en capacité de s’y opposer ni d’avancer sur ses propres revendications (32 h ; le code du travail du XXIème siècle).

Pour la CGT, la lutte des classes reste d’actualité. Il y a d’un côté les rentiers et de l’autre ceux qui subissent. Dans ce contexte, la CGT est l’outil des salariés pour organiser les luttes. Fidèle à la Charte d’Amiens, elle doit réaliser les deux besognes du syndicalisme : défendre les intérêts immédiats des travailleurs et transformer la société.

Mais là où les tenants d’une ligne dure de la CGT demandent qu’elle élabore un projet global de transformation de la société, la direction oppose sa volonté de construire le rapport de force par le débat et l’écoute des travailleurs sur le terrain. On retrouve, là, la préoccupation de Philippe Martinez, qu’il avait développée déjà lors du dernier congrès, de revenir à une plus grande proximité avec les salariés. Ainsi, il est dit « qu’une analyse nationale, si pertinente soit-elle, ne peut suffire à ancrer une mobilisation sans qu’elle ne s’appuie sur des réalités vécues et exprimées ».

Travail, sécurité sociale professionnelle et nouveau statut du travailleur salarié au cœur du projet revendicatif de la CGT

Il n’est pas anodin que ces sujets soient les deux premiers thèmes abordés dans la résolution et constituent en tant que tels une base aux débats de ce congrès. Alors que ces thèmes étaient pratiquement absents de la résolution du précédent congrès, ils reviennent en force cette fois comme pour signifier que le projet revendicatif de la CGT doit répondre aux préoccupations concrètes des salariés sur leur lieu de travail et dans la société.

Par exemple, pour ce qui concerne le travail, le texte aborde la question de l’impact du numérique sur le travail des salariés. Contestant le pseudo « déterminisme technologique », le numérique pourrait être « une opportunité pour ouvrir des voies nouvelles pour repenser le travail ».

D’autre part, pour ce qui concerne la sécurité sociale professionnelle, de façon assez étonnante par rapport aux repères revendicatifs de la CGT, elle affirme que la protection sociale doit être prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale. Le mouvement mutualiste devrait apprécier… Enfin sur le nouveau statut du travailleur salarié (NSTS), on retiendra que la CGT souhaiterait supprimer le « S » de salarié pour intégrer dans ses revendications les travailleurs indépendants et les auto-entrepreneurs en prenant en compte la notion de dépendance du travailleur plutôt que le simple lien de subordination.

Retour sur la stratégie d’action syndicale

Le rôle de la CGT dans la construction des luttes, l’implication des militants de base de la CGT au-delà de leur lieu de travail, l’implication de toutes les organisations de la CGT dans les actions interprofessionnelles sont des questions qui sont abordées de façon récurrente dans les textes. Ainsi, la CGT est l’outil des salariés pour organiser les luttes. La construction du rapport de force par la lutte est indispensable pour faire aboutir les revendications.

Finalement rien de changé sous le ciel de la CGT ? Sauf que les constats effectués dans le rapport d’activité ou la résolution sont amers. La CGT dans son ensemble peine à mettre en œuvre sa stratégie revendicative. Syndicalisme souvent trop institutionnalisé dans les entreprises, faible participation des élus et mandatés CGT aux actions interpro, des organisations qui gèrent leur calendrier revendicatif sans se soucier des autres, etc… Bref la qualité de la vie syndicale selon la terminologie CGT n’est pas au rendez-vous.

La CGT s’interroge sur les moyens de remédier à cette situation. Cela passe par le développement de la « culture du débat et de la démocratie » sur les lieux de travail. « Il faut transformer le mal-travail en action collective ». Il faut créer les conditions favorables à la mobilisation des travailleurs en s’appuyant sur leurs réalités vécues pour élargir, amplifier et généraliser les luttes. Il est précisé que la grève n’est pas la seule forme de lutte et que l’on peut proposer des mobilisations progressives. Par ailleurs, les élections professionnelles sont un élément du rapport de force et la CGT doit se « déployer » davantage pour créer de nouvelles bases sur les lieux de travail.

Sur le plan de l’action intersyndicale, la CGT regrette la division syndicale qui pèse sur sa capacité à intensifier le rapport de force. Réaffirmant les principes du syndicalisme rassemblé, le texte va un peu plus loin sur cette question en regrettant le trop grand nombre d’organisations syndicales en France qui « nuit au rassemblement du monde du travail » et propose de réfléchir aux moyens de lutter contre l’éclatement du syndicalisme…

Enfin, la CGT doit rechercher des convergences avec le milieu associatif. Elle précise que « les convergences de luttes ne doivent être ni une incantation, ni une fin en soi ». Il s’agit de rassembler les travailleurs(es) pour des avancées sociales. Comme pour répondre semble-t-il aux convergences possibles avec certains mouvements, le rapport d’orientation insiste « fédérer les colères sans perspectives ni revendications ne peut être favorable au rapport de force ». De quoi certainement provoquer quelques polémiques durant le congrès.

Renforcer la CGT

Comme pour l’efficacité de sa stratégie d’action, ses résultats en termes d’adhérents et de résultats aux élections professionnelles sont tout autant amers. Ainsi, la CGT a perdu aux alentours de 10 % de ses adhérents depuis 2012. On le sait depuis décembre 2018, elle est maintenant deuxième organisation syndicale juste derrière la CFDT. Un séisme pour elle. Son syndicalisme est interrogé sur sa capacité de transformation sociale. Il n’est pas « inscrit dans le marbre » et « les constats sont là, ils ne peuvent être rejetés ni ignorés ».

Pour renforcer la CGT, il faut donc donner la priorité à la syndicalisation, gagner les élections professionnelles (elle a mis en place un dispositif « élections professionnelles ») et s’adresser à tous les travailleurs et notamment les ingénieurs, cadres, techniciens et agents de maîtrise, les jeunes et les retraités.

Il faut faire aussi évoluer les structures. Ce thème n’est certainement pas nouveau et est abordé à chacun des congrès. Fédéralisme oblige, la CGT rencontre de grandes difficultés à aborder cette question et essaie d’avancer à petits pas. Sur les syndicats, elle réaborde la question des syndicats multi-professionnels ou de site. Sur le plan territorial, elle veut renforcer l’implication des syndicats dans les UL et expérimenter des nouvelles formes d’animation, sujet traditionnellement polémique dans la CGT.

Tout aussi polémique, le sujet du rôle des Comité régionaux dont elle veut renforcer le rôle en demandant notamment aux fédérations de s’y impliquer davantage. Enfin, tout aussi explosive, la question des fédérations qui devraient être organisées autour des activités et des filières et dont il faudrait diminuer le nombre.

L’appartenance au syndicalisme international

Tout en souhaitant qu’elles soient plus offensives et plus contestataires, la CGT ne remet pas en cause son appartenance à la CES et à la CSI alors même que certaines de ses organisations adhérent encore à la FSM aux côté des syndicats cubain, vénézuélien ou encore nord-coréen. Les opposants à la ligne confédérale réclament toujours le départ de la CES et la CSI au point même que, fait exceptionnel, Bernard Thibault est monté au créneau dans une tribune publiée dans Le Monde pour enjoindre la direction confédérale de tenir bon sur ce sujet.

Un congrès qui s’annonce donc animé !

La crise des gilets jaunes qui perdure pose à la CGT la question de son positionnement vis-à-vis d’un mouvement avec lequel il existe des convergences revendicatives mais qui, mis à part à quelques endroits (Toulouse par exemple), refuse majoritairement toute alliance avec le mouvement syndical. L’attitude plutôt frileuse de Philippe Martinez sur les gilets jaunes devrait faire l’objet de nombreuses critiques au-delà même de son opposition radicale.

Mais au-delà, la CGT apparaît divisée sur sa stratégie syndicale. Les réformistes ne devraient pas ou peu se faire entendre durant le congrès. Par contre, l’aile radicale de la CGT, que Philippe Martinez avait largement conforté lors du dernier congrès, devrait s’exprimer avec force. Si l’on s’en tient au document qui a été publié en décembre 2018 par quelques organisations, elle demande un retour aux « principes de la charte d’Amiens et d’un engagement massif de notre syndicat en faveur de la lutte des classes ». Elle ne va pas manquer de faire entendre sa voix. Quitte à soupçonner la direction confédérale de cédétisation, ce qui, en langage CGT, constitue la pire des accusations.

Malgré tout, le secrétaire général de la CGT et son équipe devraient être élus largement, forts d’avoir réussi à redonner un semblant d’unité à la centrale après la crise de l’après Thibault. Toutefois, alors même que les questions du travail et du débat avec les salariés sur leur lieu de travail sont mises en avant, l’enjeu pour la CGT est qu’elle dégage de ce congrès une stratégie suffisamment claire et partagée pour parvenir à enrayer son déclin. Pas gagné !


Sources