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Déploiement rapide de l’intelligence artificielle et dialogue social

samedi 23 mars 2024

L’IA est déjà présente dans l’économie et la société et affecte tous les domaines d’activité. Et le passage à l’IA générative crée une très forte accélération. Mais la France n’en n’a pas la maitrise jusqu’à présent. Une commission de l’intelligence artificielle (15 membres) a eu comme mission de formuler des préconisations pour relever ce défi en France et dans l’UE. Pour elle, l’IA peut être un vecteur de croissance et de prospérité. Le rapport apporte 25 recommandations, incluant un objectif d’humanisme et de mettre l’IA au service d’un projet de société. Parmi celles-ci, tout un pan concerne ses répercussions sur les tâches, le travail et l’emploi.

Les effets sur l’emploi

Contrairement à ce qu’on craint et écrit beaucoup, après avoir consulté 7 000 entreprises, la commission pense que l’IA ne menace que 5 % des emplois. D’ailleurs, selon l’OIT dont la prévision est identique (5,5 %), le travail de bureau est la catégorie la plus exposée avec près d’un quart des tâches considérées comme très exposées. Aussi, la part de l’emploi féminin pouvant être affecté par l’automatisation est plus de deux fois supérieure à celle des hommes, vu leur surreprésentation dans les métiers de bureau. Dans d’autres catégories professionnelles - notamment les cadres, les professionnels et les techniciens – seule une petite partie des tâches est considérée comme très exposée. La CFDT cadres, dont un membre – la seule d’origine syndicale - participait à la commission, cite notamment les métiers qualifiés des consultants, les métiers du secteur juridique, la recherche académique, les métiers de la création, de la presse, les médecins, les acteurs, les scénaristes comme exposés aux progrès de l’IA.

La grande majorité des métiers comporte des tâches que l’IA ne peut remplir. Mais ils connaitront des transformations, la suppression de certaines tâches, en particulier l’automatisation de tâches ingrates, et l’arrivée de nouvelles. L’IA génèrera aussi de nouveaux métiers, donc de nouveaux emplois. La commission comme l’OIT pensent que le solde d’emplois ne sera pas négatif, mais que l’emploi global augmenterait par le développement de la productivité et des activités des entreprises se servant de l’IA. Soyons prudents : les effets sur l’emploi sont encore incertains !



La nécessité d’une vaste politique de sensibilisation et de formation

Face à ces changements, une telle politique est indispensable pour permettre une appropriation collective de l’IA et de ses enjeux. L’objectif est d’en être les acteurs plutôt que de les subir.

La commission propose l’investissement dans la formation à tout âge, depuis la formation scolaire, l’enseignement supérieur, avec des doubles spécialités (IA et …), pour préparer tant l’aisance à l’usage de l’IA que les métiers de demain. Mais aussi la formation des salariés par les entreprises et les administrations pour anticiper les transformations des métiers et de leurs contenus, l’intégrer dans les métiers existants et donner les moyens aux salariés menacés de se reconvertir et de rebondir. L’organisation des transitions professionnelles est fondamentale.



Les effets sur la qualité du travail

Ils dépendent des métiers et de l’usage qui sera fait des systèmes d’IA. La suppression de tâches routinières et l’enrichissement du travail pourront améliorer sa qualité. Au contraire un mauvais usage pourra introduire une charge mentale, créer des risques psychosociaux, allant même jusqu’à l’épuisement. La méthode de la participation amont des salariés, de l’expérimentation et des retours d’expériences, sans oublier la formation des managers, est un moyen d’introduction positive de systèmes d’IA.

Cette recherche de la qualité du travail est aussi à prévoir pour les agents publics pour qui jusqu’ici la dématérialisation des services publics a des effets ambigus, en raison de la qualité très moyenne de beaucoup d’environnements numériques. De plus, en les libérant de tâches répétitives et chronophages, elle peut leur permettre de se reporter vers des tâches plus qualitatives qui amélioreront l’accueil et le service au public et leur propre appréciation de leur travail.



La nécessité du dialogue social

Les lignes précédentes montrent bien en quoi le dialogue social est nécessaire pour un développement de l’IA qui soit positif pour les salariés, d’autant plus que l’OIT craint une augmentation des inégalités. D’autre part l’ampleur des changements va jouer sur les choix d’organisation du travail, les politiques de formation et de développement des compétences dans les entreprises et les services publics : « La participation de l’ensemble des parties prenantes est une condition incontournable du déploiement des nouvelles technologies dans une perspective d’émancipation, d’autonomisation et d’amélioration des conditions de travail » en conclut la commission.

Le rapport préconise donc la co-construction lors de l’introduction et la gestion de l’IA. Cela suppose d’informer, de rechercher l’avis des représentants des salariés et de leurs instances. Et que l’IA elle-même soit utilisée comme outil pour le dialogue social.



En conclusion

Bien d’autres aspects de ce rapport pourraient être développés. Mais la conclusion est d’abord que les impacts sociaux et économiques de l’IA générative dépendront largement de la manière dont sa diffusion sera gérée. Le dialogue social en est une condition, et ce à tous les niveaux, national jusqu’à l’entreprise et le service administratif, afin que son déploiement s’accompagne d’un progrès social.


Le rapport