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Les acquis de mai 68 pour les salariés

mercredi 2 mai 2018

Cinquante ans après, peut-on encore parler des acquis sociaux de mai 68 pour les salariés ? Jusqu’à la fin des années 80, les conditions de vie progressent avec la réduction du temps de travail, le dialogue dans l’entreprise, l’amélioration de la protection sociale. Quels acquis de mai 68 subsistent aujourd’hui pour les salariés malgré le développement massif du chômage depuis 1990, la montée du travail précaire et la crise de 2008 ?

Quels sont les acquis du constat de Grenelle appelé à tort les accords de Grenelle puisqu’aucun syndicat n’acceptera de les signer [1] ? Les organisations suivantes : gouvernement, organisations syndicales et patronales participèrent à la négociation au ministère du Travail dans la salle qui porte désormais le nom des accords de Grenelle.

Des acquis immédiats

Le SMIG augmente de 35 %, et de +56 % pour les salariés agricoles. Les salaires augmentent de 10 % en moyenne. La section syndicale d’entreprise et l’exercice du droit syndical dans l’entreprise sont reconnus par la loi. Le passage par étapes de 48 heures aux 40 heures de travail hebdomadaire est acté. Les conventions collectives sont révisées. La part des primes dans la rémunération diminue au profit de celle du salaire. L’accès au remboursement des soins (ticket modérateur des visites et consultations) par la Sécurité sociale passe de 35 à 25 %.

Un nouveau dialogue social dans l’entreprise

La reconnaissance du droit syndical dans l’entreprise va changer le rapport de force syndicats-employeurs et amplifier les avancées pour les salariés. De nombreuses mesures protectrices sont créées :

  • La garantie de la liberté collective de constitution de syndicats ou de sections syndicales dans l’entreprise à partir des organisations syndicales représentatives à l’échelon national. La protection des délégués syndicaux sera assurée dans des conditions analogues à celle des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise.
  • Les prérogatives de l’organisation syndicale dans l’entreprise et des délégués syndicaux : ses missions sont celles du syndicat dans l’organisation sociale, notamment la discussion et la conclusion d’avenants d’entreprise (addition proposée par les syndicats et le droit de déterminer par accord les règles concernant la structure et le montant des salaires, primes et gratifications).
  • Des moyens d’expression pour l’organisation syndicale avec des délégués syndicaux et des nouvelles heures de délégation. Collecte des cotisations à l’intérieur de l’entreprise pendant le temps de travail, liberté de diffusion de la presse syndicale et des tracts syndicaux à l’entrée des lieux de travail, libre affichage des communications syndicales, mise à disposition des organisations syndicales d’un local approprié. Un crédit est attribué aux délégués syndicaux, aux sections syndicales d’entreprise.
  • Le droit de réunir tous les membres du personnel de l’entreprise à des assemblées générales du personnel, ce droit doit s’exercer pendant les heures de travail, une fois par mois. Bénéfice du congé éducation payé pour les délégués syndicaux. Interdiction, en cas d’exercice du droit de grève, de tout abattement sur un élément quelconque de rémunération : prime, gratification ou autre avantage au-delà du prorata du temps d’absence.

Révision des conventions collectives : Que dit le texte ?

  • 1- Les représentants des employeurs se sont engagés à réunir dès la fin de la présente négociation les commissions paritaires pour :
    • La mise à jour des conventions collectives en fonction des résultats de la présente négociation ;
    • La révision des barèmes de salaire minima afin de les rapprocher des salaires réels ;
    • La réduction de la part des primes dans les rémunérations par leur intégration dans les salaires ;
    • L’étude de la suppression des discriminations d’âge et de sexe ;
    • La révision des classifications professionnelles et leur simplification.
  • 2- Les organisations de salariés et d’employeurs se réuniront à bref délai pour déterminer les structures des branches et des secteurs en vue d’assurer l’application de l’accord-cadre sur la durée du travail.
  • 3- Le Gouvernement s’engage à réunir aussitôt après la fin de la présente négociation la Commission supérieure des Conventions collectives en vue d’examiner les conditions d’application de l’ordonnance du 27 septembre 1967 concernant le champ d’extension géographique des conventions collectives et de procéder à une étude approfondie du champ d’application des conventions collectives.

Formation et emploi
Avant octobre, CNPF et organisations syndicales se réuniront en vue de rechercher un accord en matière de sécurité de l’emploi et portant notamment sur :

  • Les mesures de nature à assurer les reclassements nécessaires en particulier en cas de fusion et de concentration d’entreprises.
  • L’institution de commissions paritaires de l’emploi par branches professionnelles et les missions qu’il convient de donner à ces commissions devant fonctionner en principe au niveau national et le cas échéant aux niveaux territoriaux.

Ils ont convenu également d’étudier les moyens permettant d’assurer, avec le concours de l’État, la formation et le perfectionnement professionnels. En ce qui concerne les cadres, il a été convenu que la recherche d’un accord particulier sera menée par le CNPF et les organisations syndicales.

Par ailleurs, le Premier ministre s’engage à développer les crédits affectés aux services de l’emploi, à mettre en place de manière prioritaire les moyens d’un développement d’une formation adaptée des jeunes.

Malgré l’accord CGT-CFDT, il y avait une divergence latente et parfois explicite dans la hiérarchisation des revendications, la nature et le contenu même de celles-ci. En mai 1968, la CGT était le premier syndicat, elle revendiquait l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés, la CFDT était évidemment sensibilisée sur le pouvoir d’achat, mais aussi sur deux autres revendications plus particulières : le droit syndical dans l’entreprise et les conditions de travail posées, non pas essentiellement sous l’angle de la compensation financière, mais pour elles-mêmes.

Les négociations par branches et entreprises continueront d’amplifier les acquis de Grenelle avec, en 1970, l’accord sur la formation professionnelle et, en 1982, la promulgation des lois Auroux : protection des libertés individuelles et collectives dans l’entreprise, encadrement des pouvoirs disciplinaires du chef d’entreprise, obligation annuelle de négociation collective sur les salaires, la durée et l’organisation du travail et la création du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
D’une certaine manière, la loi sur la représentativité de 2008, la loi El Khomri et les ordonnances sur le travail de 2017 ont poursuivi la logique de développement du dialogue social au niveau de l’entreprise initiée par la reconnaissance de la section syndicale d’entreprise en 1968.

Les acteurs du constat de Grenelle

- Les représentants du gouvernement
 Le Premier ministre, Georges Pompidou le ministre des Affaires Sociales : Jean-Marcel Jeanneney, le secrétaire d’État aux affaires sociales : Jacques Chirac, pour le cabinet de G. Pompidou : Edouard Balladur.

- Les syndicats de salariés
 CGT : Benoît Frachon, Georges Séguy, André Berteloot, René Buhl, Henri Krasucki et Jean-Louis Moynot1 ;
 CFDT : Eugène Descamps, René Bonéty, Jean Maire, Paul Caspard, François Lagandré et René Mathevet ;
 Force Ouvrière : André Bergeron, Roger Louet, Pierre Tribié, membres du bureau confédéral, ainsi que Robert Degris (cheminots) et Antoine Laval (métallurgie) ;
 CFTC : délégation conduite par Joseph Sauty, Jacques Tessier ;
 CGC : délégation conduite par André Malterre, président de la CGC, Roger Millot ;
 FEN : James Marangé (secrétaire général), Georges Aulong, Jean Gouzy et Jean Simon.

- Les organisations patronales
En l’absence de François Ceyrac hospitalisé le patronat est représenté par :
 Le Conseil national du patronat français (CNPF) : Paul Huvelin, patron de Kleber Colombes, Marcel Petiet de l’UIMM, Henri Faure du Batiment, Jacques Ferry pour la sidérurgie, Jacques Paquette pour le commerce, Jean de Précigot pour le textile et François Peugeot
 Les délégués des PME : Daniel Gauban, Gustave Deleau, Aimé d’Oiron.

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Références