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Développer la culture du dialogue social : diagnostic et propositions du Conseil économique, social et environnemental.

samedi 18 juin 2016

Répondant à la demande du Premier Ministre, Luc Berille et Jean-François Pilliard ont présenté un avis sur le développement de la culture du dialogue social qui a été voté par une large majorité de l’assemblée consultative malgré quelques abstentions notables (CGT, FO notamment). Une gageure dans un contexte de crise sociale où certains acteurs par leurs actions ou leurs déclarations semblent vouloir démontrer l’inverse. Tensions qui n’ont pas manqué d’apparaître dans les débats et les votes au CESE.

Ce premier article concerne le diagnostic fait par le CESE, un deuxième reprendra les propositions de l’Assemblée consultative.

Des constats en demi-teinte

L’avis du CESE balaie toutes les formes du dialogue social dans l’entreprise, la branche et le niveau interprofessionnel, dans la fonction publique, en ajoutant le paritarisme, les instances de la protection sociale, les assemblées consultatives comme le CESE, jusqu’au dialogue social territorial. Le dialogue social recouvre donc toutes les formes de négociation, de consultation, d’information sur les questions économiques et sociales entre salariés, employeurs et pouvoirs publics, voire d’autres acteurs.

Le dialogue social a vécu des transformations lentes mais continues depuis l’après-guerre

Les lois sur le comité d’entreprise ou la sécurité sociale en 1946, la reconnaissance de la section syndicale d’entreprise en 1968, les lois Auroux en 1982, la loi Larcher de 2007, la loi sur la représentativité de 2008, la loi Rebsamen de 2015, ont modelé et transformé au fil du temps les rapports sociaux. Ces évolutions montrent que la France a fait le choix de la négociation collective en plus de la loi, alors que la régulation sociale s’effectue par le contrat et le juge dans les pays anglo-saxons et qu’en Allemagne on pratique la cogestion.

Une activité soutenue du dialogue social…

L’avis souligne aussi la vigueur du dialogue social à tous les niveaux : 20 à 70 accords par an au niveau interprofessionnel, 1 000 à 1 300 accords de branche par an, 84 000 accords d’entreprise en 2014 ; 90,6 % des salariés sont couverts par un accord de branche ou d’entreprise ; 60 % des établissements de plus de 10 salariés ont une représentation du personnel. Il balaie les cinquante dernières années de dialogue social des trente glorieuses où il s’agissait de répartir les fruits de la croissance jusqu’aux années de crises où les ANI ont souvent porté sur les questions d’emploi, de formation professionnelle avec des déclinaisons dans les branches. Il souligne aussi l’évolution de la place de la négociation d’entreprise et des accords dérogatoires sur les questions d’organisation du temps de travail. Parallèlement, l’avis note la baisse constante de la conflictualité depuis la fin des années 70 « en dehors de quelques moments d’éruptions conflictuelles, comme en 1995 ».

…Mais une méconnaissance du rôle dialogue social, de son utilité et de ses acteurs…

Malgré cette activité soutenue, le CESE note une véritable méconnaissance du rôle et des acteurs du dialogue social. Le rôle des partenaires sociaux et leur contribution réelle à la vie du pays sont mal connus des Français et leur image est souvent limitée à des visions stéréotypées voire caricaturales. Le rôle des grands médias est fortement pointé : ils ne rapportent le plus souvent que les conflits, les petites phrases des dirigeants syndicaux ou patronaux dans les moments de tension notamment avec le gouvernement.

L’avis pointe dans un long développement l’importance de l’éducation dans le développement de la culture du dialogue social. Il promeut l’apprentissage du dialogue social dès l’école au travers du rôle du délégué de classe. L’avis met particulièrement l’accent sur la nécessité de former les futurs dirigeants en introduisant des modules spécifiques de formation au dialogue social dans les cursus de formation.

L’avis constate aussi l’insuffisante information des salariés sur le contenu des accords faute souvent d’y avoir accès, leur lecture souvent difficile avec un contenu qui s’empile par rapport à des textes antérieurs ou d’autres textes conventionnels ou législatifs. L’avis regrette la faiblesse de la culture de l’évaluation dans la mise en œuvre des accords signés, se limitant, quand elle existe, à une vision quantitative des rapports de branche ou des bilans sociaux d’entreprise.

…et un manque de reconnaissance de ses acteurs

Malgré l’investissement important des acteurs concernés, l’insuffisance de reconnaissance officielle et publique de leur travail pourrait être la cause de la crise des vocations « qui compromet le renouvellement générationnel et qui affecte la vitalité du dialogue social ». Les compétences et savoir-faire mobilisés pour exercer les mandats pourraient être mieux valorisés dans les formations initiales et professionnelles.

L’avis consacre un long chapitre à la difficile reconnaissance du syndicalisme dans les entreprises et la persistance d’une culture de l’affrontement et de la défiance. Il y a encore trop de discrimination sur l’emploi, la carrière et le salaire des représentants du personnel. Globalement, les directions d’entreprise ont encore une mauvaise opinion des syndicats, même si celle-ci est moins négative là où il y a présence syndicale. Après avoir rappelé le niveau encore élevé de relations conflictuelles, l’avis regrette le peu de recours aux dispositifs de médiations prévus par les textes.

Enfin l’avis aborde la question du prolongement de la carrière professionnelle après l’exercice d’un mandat. Il se félicite de la multiplication des accords sur l’évolution des titulaires de mandats dans les entreprises de plus de 300 salariés. Il approuve aussi les nouvelles dispositions de la loi Rebsamen sur l’entretien de début de mandat pour mieux articuler activité professionnelle et syndicale et à la fin pour valoriser les compétences développées.

L’avis développe ensuite les questions de l’intervention de nouveaux acteurs dans le dialogue social issus du monde associatif et du tiers secteur notamment dans le cadre des instances de consultation tels que le CESE et les CESER. Il souligne, par ailleurs, l’importance du dialogue social au cœur même de la stratégie de RSE de l’entreprise. Celle-ci « se doit de répondre à des attentes sociétales de nouveaux modèles de développement soucieux des responsabilités qui incombent au monde de l’entreprise ».

Le dialogue social est aussi une question d’apprentissage et de maîtrise du dialogue et de la négociation

L’avis évoque la réflexion des partenaires sociaux sur les conditions et les règles de la négociation et suggère quelques éléments de méthodologie.

Il souligne l’importance de la Banque de données économiques et sociales. En donnant une vision claire rétrospective et prospective de la situation de l’entreprise et de sa stratégie, ce support permet de sortir du « du caractère formel du processus d’information-consultation ».

Le texte met en avant la pertinence des accords de méthodologie pour guider la négociation et l’expérience de certaines grandes entreprises de mise en œuvre d’observatoires paritaires et pluridisciplinaires sur la qualité de vie au travail. Mais le CESE considère que « c’est bien l’exécution loyale et sérieuse des stipulations de l’accord qui contribueront à son effectivité et qui conforteront la confiance en vue d’un prochain cycle de négociation ». Pour ce faire, le rôle des DRH et de l’encadrement est central pour créer un tel climat. La formation des responsables de l’entreprise mais aussi des représentants du personnel à la négociation apparaît donc essentielle.

Les changements liés aux évolutions technologiques avec l’arrivée du numérique
L’introduction des nouvelles technologies bouscule considérablement le monde du travail notamment avec l’émergence du travail indépendant. Ainsi, des nouveaux lieux de négociations pourraient être ouverts dans les territoires. Le rapprochement des branches et des filières économiques pourraient aussi être une piste. Les TIC bousculent aussi les pratiques des acteurs dans leur relation entre les organisations et leurs mandants, dans les moyens de mobilisation et pratiques syndicales. Par leur capacité de stockage, de traitement et de diffusion de l’information elles constituent un moyen fort en faveur « d’un dialogue social de qualité et de visibilité des résultats ».

Ce diagnostic effectué par le CESE apparaît tout à fait pertinent. Il pointe les blocages qui existent encore aujourd’hui dans notre société et le chemin qui reste à parcourir pour les dépasser.


Source : Avis du CESE sur la Culture du dialogue social