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Qui bénéficie de l’extension des accords de branche ?

samedi 9 février 2019

Intéressante l’étude de la DARES présentée en novembre 2018 sur les extensions des accords de branche ! En effet, elle permet de mieux connaître quelles sont les entreprises concernées, dans quels secteurs et qui sont, parmi les salariés, ceux qui en bénéficient le plus. Elle démontre que les salariés des branches les moins bien structurées, souvent des jeunes et des femmes, souvent moins qualifiés, bénéficient de la protection offerte par les accords de branche auxquels ils n’auraient pas droit si cette disposition du code du travail n’existait pas.

L’extension des accords de branches, c’est quoi ?

Depuis les accords de Matignon de 1936, la procédure d’extension permet d’étendre à toutes les entreprises d’une branche professionnelle, y compris celles qui ne sont pas adhérentes à une organisation patronale, l’application des accords signés à ce niveau par les organisations patronales et syndicales représentatives. Cette disposition permet de répondre aux missions de la branche professionnelle qui est de fixer les conditions d’emploi et de travail des salariés, les garanties qui leur sont applicables et de réguler la concurrence entre les entreprises d’un même secteur.

Au moins une des organisations patronales signataires doit en faire la demande auprès du ministère sans que les organisations patronales représentant au moins 50 % des salariés des entreprises adhérentes s’y opposent. C’est à la suite d’un travail d’enquête et une consultation des partenaires sociaux réunis dans la sous-commission d’extension de la Commission nationale de la négociation collective que le ministre du Travail rend un arrêté d’extension.

Le nombre d’entreprises et de salariés concernés par l’extension varie suivant le taux de couverture des branches

En moyenne, 24 % des entreprises sont adhérentes à une ou plusieurs organisations patronales d’une branche. Elles emploient 66 % des salariés de la branche. Cela veut dire concrètement qu’en moyenne sur l’ensemble des branches les procédures d’extension concernent 76 % des entreprises et un tiers des salariés. Les entreprises adhérentes ne sont majoritaires que dans 10 % des branches.

Dans les trois quarts des branches, une seule organisation patronale est représentative et quand il y a plusieurs organisations représentatives, dans 82 % des cas, la première organisation représente plus de 50 % des entreprises adhérentes.

Des différences notables de couverture existent entre les branches professionnelles

Dans les secteurs ou l’emploi est très concentré sur quelques grandes entreprises, la couverture patronale est forte. Il en va ainsi des branches à statut, des secteurs financiers, de l’assurance ou encore des industries chimiques et pharmaceutiques où le taux de couverture patronal dépasse les 75 %. Sont concernés aussi des secteurs moins concentrés mais où la culture professionnelle et les organisations patronales sont très puissantes tels que la métallurgie ou le BTP. Dans les branches où le taux de couverture approche les 100 %, 8 % des salariés seulement sont dans des entreprises de moins de 10 salariés.

À l’inverse, dans les secteurs du tertiaire où l’activité est très atomisée, le taux de couverture est très bas. Il en va ainsi, par exemple, des professions juridiques et comptables, du commerce de détail non alimentaire ou encore du commerce de gros et import-export. Plus généralement, dans les branches dont le taux de couverture patronal est inférieur à 25 %, 50 % des salariés travaillent dans des TPE.

Des inégalités flagrantes en fonction du taux de couverture

L’étude de la DARES constate des différences notables sur les catégories professionnelles entre branches à faible taux de couverture et celles au taux de couverture plus fort. Ainsi, on retrouve dans ces dernières une proportion plus forte de professions intermédiaires alors que dans les premières on dénombre plus d’employés. C’est aussi dans ces branches à faible taux de couverture que l’on trouve le plus de jeunes et de femmes.

C’est là aussi que les conditions d’emploi sont les moins bonnes : précarité plus forte, salaires plus faibles, bas de grilles proches du SMIC, etc... Dire qu’il y a une relation de cause à effet entre taux de couverture et conditions d’emploi serait probablement exagéré mais la plus faible structuration de ces branches, la présence de petites entreprises, donc le plus souvent sans représentation syndicale, rendent le dialogue social moins productif.

L’importance de l’extension

On le voit, pour les branches à faible couverture patronale ou salariale, l’extension concerne une majorité d’entreprises et de salariés. Elle joue donc un rôle fort de régulation interne à la branche même si elle n’arrive pas à combler les inégalités qui existent avec les branches mieux couvertes par des entreprises adhérentes à des syndicats patronaux. À l’inverse, là où la couverture est forte, l’extension a moins d’impact dans la mesure où les entreprises adhérentes sont déjà couvertes par l’accord. Par ailleurs, elles appliquent souvent en interne, par la négociation d’entreprise et la présence syndicale, des conditions d’emploi plus favorables aux minimas fixés par la branche. Certaines de ces branches ne demandent même pas l’extension.
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En conclusion, l’extension des accords et conventions de branche reste un dispositif important de régulation sociale dans notre pays et de lutte contre le dumping social entre les entreprises d’un même secteur. Le renvoi vers l’entreprise de nombreux thèmes de négociation sociale va-t-il remettre en cause l’impact de l’extension des accords de branche ? La question mérite d’être posée. C’est en tous cas un enjeu important pour les branches professionnelles qu’il faut lier aussi à leur regroupement pour qu’elles conservent leur rôle dans le paysage social français. Cela concerne de nombreux salariés, souvent moins favorisés, qui n’ont pas de représentation syndicale dans leur entreprise et dont celle-ci n’est pas adhérente d’une organisation patronale représentative.

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