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Faut-il adapter les modes de représentation du personnel et le dialogue social dans les entreprises ?

samedi 23 août 2014

Après l’envoi par le ministre du travail aux acteurs sociaux, fin juillet, d’un document de cadrage [1] leur demandant d’engager des négociations interprofessionnelles à la rentrée et de parvenir à un résultat en fin 2014, avec la perspective d’une loi en 2015, François Hollande vient d’insister sur cette volonté gouvernementale d’améliorer :
 la qualité et l’efficacité du dialogue social dans les entreprises,
 et la représentation du personnel, en particulier dans les PME-TPE, et en traitant y compris les questions de seuils.

Cette demande de négociation est plus adaptée à la situation que des propos provocateurs sur la suspension des seuils sociaux pour la mise en place des institutions de représentation du personnel (cf. « Clés du social du 31 mai [2] ») ! Si adaptation il doit y avoir, elle doit être négociée.
Si le gouvernement n’exclut certes pas d’alléger ou d’aménager les contraintes des entreprises, et notamment les plus petites, en matière de mise en place d’IRP et de pratiques de négociation sociale, l’objectif est aussi de trouver des alternatives aux obligations légales pour aboutir à plus d’effectivité en matière de représentation du personnel et de dialogue social. Pas « moins de dialogue », mais un dialogue qui fonctionne et se développe !

La complexité du système français de représentation du personnel et de négociation n’est pas une fausse question. L’effectivité de la mise en ouvre des règles actuelles non plus quand on voit le nombre d’entreprises de 10 à 49 salariés qui n’ont pas mis en place les délégués du personnel.

En effet, dans les 30 dernières années on a assisté en fait à un double mouvement contradictoire :
 Celui de la complexification croissante des modalités légales de fonctionnement des IRP, avec une stratification des obligations d’information et consultation sur des domaines multiples, saucissonnés et assis chacun sur des obligations de rapports spécifiques de l’entreprise (formation, égalité hommes / femmes, handicapés, emploi, jeunes, bilan social, stratégie de l’entreprise, tableau de marche économique …etc.) …dont les élus du personnel ont du mal à s’emparer, qu’ils peinent à étudier… Sans parler de la multiplication des obligations annuelles ou pluriannuelles de négocier sur des sujets multiples et non articulés (salaires et durée du travail, formation, GPEC, seniors…etc.).

 Celui de la recherche d’adaptation de cette réglementation à la situation des PME, avec des formules adaptées de représentation et de consultation, …mais qui n’ont pas eu les lendemains escomptés. Si la DPU (délégation unique du personnel) dans les entreprises de moins de 200 salariés couvre une proportion non négligeable de 13% des entreprises, les accords de simplification et de rationalisation des consultations du CE dans les entreprises de moins de 300 salariés restent anecdotiques. De même les formes de dialogue social professionnel local permettant de concerner un ensemble de petites entreprises de même activité n’ont pas eu vraiment de lendemains.

Au total :

  1. Les 2/3 des entreprises de 11 à 19 salariés n’ont pas d’IRP ;
  2. Plus d’1/3 des 20 à 49 salariés non plus ;
  3. Les obligations de négocier (sauf les NAO qui sont rentrées dans les mœurs) sont très majoritairement non respectées ;
  4. Les consultations selon les normes légales avec production de rapports multiples et complexes sont souvent formelles voire parfois inexistantes…

Il est bien logique de remettre à plat et d’innover. Mais ce ne sera pas simple. Une fois déjà, les acteurs sociaux s’étaient emparés de la question lors de la négociation d’une délibération sociale sur ce sujet de 2009 à 2012, mais qui s’était arrêtée sans conclusion.

Les pistes proposées sont entre autres de :

  1. imaginer des formes de représentation spécifiques aux petites entreprises et notamment celle d’instances de représentation et de dialogue extérieurs à l’entreprise particulière ;
  2. regrouper la multitude des consultations obligatoires autour de grands enjeux stratégiques et de gestion des ressources humaines ;
  3. développer le potentiel des délégations uniques du personnel dans les PME.
    Il y a bien d’autres pistes possibles, mais la question de fond est politique et non technique… Des tentatives ont déjà été faites pour adapter le dialogue social et les IRP aux réalités multiples des secteurs et des entreprises. Sans réel succès à ce jour. Car :
  4. Les syndicats accepteront-ils la modification d’un cadre légal théorique, mais largement non respecté, au profit de l’invention de processus plus simples d’un réel dialogue qu’ils maîtriseront effectivement et qui feront d’eux de véritables interlocuteurs sociaux ?
  5. Les patrons sortiront-ils d’une volonté de libération de toutes contraintes sociales pour elles-mêmes, pour aboutir à des formes et modes adaptés de représentation du personnel et de dialogue social réel qui non seulement n’affaibliront pas l’efficacité opérationnelle de l’entreprise mais la renforceront ?

Beau pari, car la négociation risque donc fort d’être difficile et tendue, …mais son résultat sera déterminant.

Extraits du document de cadrage :

1. Comment améliorer la représentation des salariés, sous des formes adaptées à la diversité des entreprises ?

 En premier lieu, nécessairement traiter la question des entreprises dépourvues de représentants du personnel, pour des raisons de droit ou de fait.
 En second lieu, dans les très grandes entreprises, l’accord du 11 janvier 2013 et la loi de sécurisation de l’emploi ont fixé le principe de la participation avec voix délibérative de représentants des salariés au sein des conseils d’administration (…). Le gouvernement souhaite que les partenaires sociaux contribuent à ce bilan et le cas échéant, partagent (…) des pistes d’amélioration et/ou de renforcement du dispositif.

2. Comment faire évoluer le cadre du dialogue social dans l’entreprise, en particulier s’agissant des institutions représentatives du personnel et des obligations de consultation et de négociation, en privilégiant une approche plus stratégique, moins formelle et donc simplifiée ?

 Permettre une organisation plus cohérente des obligations de consultation donnant davantage de relief à quelques consultations regroupées autour des grands enjeux stratégiques de l’entreprise et de la gestion des ressources humaines.
 Conforter, simplifier et clarifier les missions respectives des institutions représentatives du personnel (DP, CE, CHSCT) en veillant à l’articulation de leurs interventions… (PME) examiner la voie de la délégation unique du personnel…

3. Comment favoriser des parcours syndicaux valorisants et fluides pour les représentants des salariés ?

 Améliorer et sécuriser les parcours des élus et représentants syndicaux, (avec des) parcours qui favorisent les allers et retours entre des fonctions de représentants du personnel et une carrière professionnelle riche et qui contribuent ainsi au renouvellement des générations.
 Favoriser l’accès aux fonctions représentatives extérieures à l’entreprise (au niveau de la branche ou au niveau interprofessionnel, local ou national).
 Prise en compte accrue de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des IRP élues comme des élus exerçant des mandats professionnels ou interprofessionnels…


 

 

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