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Diversité et déficiences du travail de plateforme

samedi 9 septembre 2023

Les entreprises de plateformes numériques et leurs activités sont très diverses : livraisons, transport de personnes, informatique, conseil… Certaines ont beaucoup de travailleurs affiliés, d’autres moins. Les situations de travail et le temps travaillé sont eux aussi divers. Vu le développement rapide du nombre de ces plateformes, une meilleure connaissance des différentes situations de travail est essentielle pour permettre la régulation et la négociation de règles sociales pour ce secteur. C’est ce que tente de faire une note de la Dares.

Un monde hétérogène

Pour bien identifier le travail de plateformes, la première difficulté rencontrée est l’impossibilité d’établir une typologie et une quantification précise : par exemple les professionnels utilisant Doctolib sont considérés comme travailleurs de plateforme, et pas les personnes qui louent un logement sur Airbnb sans en assurer la remise des clés et le ménage. De plus on peut être inscrit sur une plateforme sans y avoir une activité réelle. Quels points communs entre un livreur de repas, soumis à un « management algorithmique » et à des formes de subordination proches du salariat et un freelance informatique ou un expert conseil qui viennent chercher des missions sur une plateforme ? Comment caractériser et compter ? D’autant plus que c’est un secteur en évolution et même en recomposition continue !

Une caractéristique commune cependant est de constituer une « économie de la demande » (on commande une pizza, un véhicule, on prend un rendez-vous…) qui doit offrir des services adaptés. D’où une mise en concurrence qui justifie aux yeux des plateformes de privilégier le droit commercial sur le droit du travail et de la protection sociale, brouillant la frontière entre salariat et travail indépendant.

Un discours souvent inclusif mais des pratiques discriminatoires

Les plateformes emploient souvent des travailleurs en situation précaire, souvent de minorités ethniques, avec des conditions d’emploi et de travail dégradées. Si certaines plateformes, collaboratives, ont un véritable projet social et dans ce cas développent un discours et des pratiques inclusives, les plateformes capitalistiques développent souvent ce discours tout ayant des biais discriminants dans leurs algorithmes, notamment pour l’appariement entre demande et travailleur ou pour le classement des offres et demandes, reproduisant ainsi, voire renforçant, les rapports sociaux existants et les stéréotypes de genre et d’origine.

D’autre part, les conditions de travail et d’emploi sont très souvent de mauvaise qualité. La mesure du temps travaillé est souvent incomplète, ignorant les temps d’attente des commandes, la veille sur la plateforme…, ce qui minore les rémunérations. De même on constate souvent une multiplication des tâches, une intensification du travail et un empiètement sur les temps personnels : la disponibilité temporelle est une contrainte. Également, les travailleurs ont des ressources inégales face aux risques physiques et psychologiques selon le niveau de diplôme, les origines ou le genre.

De plus, le problème de la protection sociale reste entier, car le système des plateformes transfère responsabilité et risques sur le travailleur, qui ne peut pour l’instant qu’assumer le financement individuel, et non collectif, de sa protection sociale comme non salarié et qui se heurte en plus à de fréquentes discontinuités d’emploi. Aussi beaucoup cherchent une solution « bricolée », utilisant des droits antérieurs comme salarié, ou ceux d’un conjoint ou de parents…



Au total, on voit bien le lien avec les interrogations actuelles sur les mutations du travail, des statuts d’emploi et des modes d’organisation du travail et les risques de ces conditions dégradées. Au contraire, les travailleurs des plateformes ont besoin d’une protection sociale rénovée, de nouvelles formes de mutualisation des risques, des modes d’organisation du travail revus et d’un accompagnement dans leurs projets.


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