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L’encadrement des indemnités prud’hommes n’a pas fait chuter le nombre de recours

mercredi 16 septembre 2020

Après bien des débats et des polémiques, le rapport intermédiaire de France Stratégie sur l’évaluation du dispositif amène des premiers enseignements trois ans après son entrée en vigueur. En effet, le barème obligatoire, applicable en cas de licenciement abusif, n’a pas réduit le nombre de recours devant les juges mais a pu entrainer un changement de nature et révèle des profils de demandeurs différents. L’enquête ne mesure toutefois pas l’effet de l’ordonnance de 2017 sur le montant des indemnités et sur la nature des réparations. Cela fera l’objet d’un deuxième volet d’évaluation.

Le contexte

L’ordonnance de 2017 était l’une des mesures emblématiques de la réforme du Code du travail du début du quinquennat (les ordonnances Travail). Elle prévoyait que les juges prud’homaux se réfèrent à une grille pour fixer l’indemnisation des salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse. La réforme appliquée depuis septembre 2017 avait pour objectif affiché de rendre plus prévisible le coût des licenciements pour les entreprises et favoriser les embauches. Depuis, de nombreuses contestations juridiques sont intervenues. Pour finir, le barème introduit il y a trois ans n’a pas découragé les salariés de recourir aux prud’hommes mais en a changé quelques paramètres. Les analyses présentées résultent de travaux et de données pour la plupart antérieurs à mars 2020.

Les questions soumises à l’évaluation de France-Stratégie

  • Quel est le nombre de recours devant les tribunaux prud’homaux ?
  • Le barème est-il source de démotivation s’agissant de la propension des salariés à contester leur licenciement ?
  • Comment interpréter les évolutions du nombre de recours au regard des évolutions du marché du travail et en particulier des ruptures du contrat de travail ?
  • Quelle influence a le barème sur le montant des indemnités attribuées par les juges, tant en première instance qu’en appel ?

Les premiers enseignements, un mouvement de baisse continue sur dix ans

En fait, l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 est entrée en vigueur dans un contexte déjà avéré de baisse du nombre de recours devant les CPH. C’est la conséquence de la loi Macron de 2015 modifiant la procédure de saisine des prud’hommes (baisse du nombre de requêtes -18 % en 2016, -16 % en 2017). Au total, en dix ans, le nombre de recours formé devant les Conseillers Prud’hommes a été divisé par près de deux.

Il faut noter que nous sommes dans un contexte généralisé de baisse des affaires nouvelles devant l’ensemble des juridictions (à l’exception du contentieux devant le juge des enfants).

À partir de 2018, année qui a suivi la mise en place de l’ordonnance, la baisse s’est poursuivie de manière moins soutenue : recul de 5 % en 2018 par rapport à l’année précédente et de 1 % en 2019, par rapport à 2018. Bien sûr cette baisse masque des disparités suivant les territoires, les tribunaux et les sections. Les conseils les plus importants sont les moins impactés, notamment en raison du poids croissant de la section encadrement, ce qui conduit à accélérer la concentration géographique des affaires. En 2017, les trois-quarts des affaires sont traités par un tiers des juridictions prud’homales.

Un changement de nature

Les nouvelles affaires portées devant les conseils de prud’hommes sont de plus en plus de nature contentieuse et l’on constate une judiciarisation croissante à partir de 2010. Mais France Stratégie souligne que parmi les affaires terminées sans décision des prud’hommes statuant sur la demande, par exemple s’il y a un premier échec de tentative de conciliation, on constate ces deux dernières années une augmentation de la part de celles impliquant un accord des parties dans un deuxième temps. Cette part qui était de 48,9 % en 2017 passe à 55,1 % en 2018 et 57,6 % en 2019.

Des profils différents

Le profil des demandeurs évolue tout en accentuant des tendances déjà présentes depuis plusieurs années dans le monde du travail. Les hommes sont toujours majoritaires même si la part des femmes augmente. Les demandeurs sont relativement âgés, surtout chez les cadres. Le taux de recours s’accroît avec l’âge et les niveaux. Les écarts se creusent entre les taux de recours des cadres qui augmente et des non-cadres.

En conclusion, il faut aussi garder présent à l’esprit que d’autres évolutions législatives et économiques ont pu jouer de façon structurelle, notamment la création de la rupture conventionnelle en 2008, dans la stabilité actuelle du nombre de recours aux prud’hommes.


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