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Les programmes d’intégration professionnelle des réfugiés

mercredi 31 mai 2023

En lien avec les programmes européens de 2019, le comité scientifique de l’évaluation du PIC (plan d’investissement dans les compétences) a mené une évaluation à partir de 8 monographies sur des territoires différents, interrogeant la cohérence et la pertinence des programmes d’intégration professionnelle des réfugiés. Les conclusions de cette étude ont été présentées à la journée d’études « Dispositifs d’intégration professionnelle des réfugiés » avec la participation financière du ministère de l’Intérieur.

La politique d’accueil des réfugiés relève de l’autorité du ministère de l’Intérieur mais fait intervenir plusieurs autres ministères (Travail-Emploi, Logement, …) et repose sur de nombreux opérateurs (associatifs) spécialisés ou de droit commun.

  • La présente étude a pour objectif d’observer comment se développe et se coordonne l’ensemble de ces initiatives sur différents territoires en France.
  • Quels sont leurs effets sur le devenir du public des réfugiés ?

Les équipes ont mené l’enquête dans les départements : Bouches du Rhône (13), Gard (30), Ile et Vilaine (35), Nord (59), Haute-Saône (70), Paris (75), Val d’Oise (95) et Somme (80). Les études ont été menées à un triple niveau :

  • Auprès des acteurs de la gouvernance des politiques au niveau régional et départemental, sur l’année 2020-2021 ;
  • Auprès des acteurs des dispositifs d’intégration professionnelle des réfugiés dans les départements ;
  • Auprès des réfugiés eux-mêmes au travers de 20 récits de parcours par département.

Un public qui se transforme : les données fournies par le ministère de l’Intérieur indiquent une augmentation importante du nombre de demandes d’asile entre 2014 et 2019, soit 138 420 demandes déposées en 2019.

  • L’épidémie mondiale a fortement réduit les flux migratoires en 2020.
  • On observe une reprise des demandes d’asile en 2021. La composition du groupe des réfugiés évolue au fur et à mesure des vagues migratoires.
  • Entre 2018 et 2021, les demandes d’asile sont en majorité des Afghans, une majorité d’hommes grandis dans des pays non francophones. Leur niveau scolaire est peu élevé (46 % n’ont pas fréquenté l’école au-delà du niveau primaire).

Le plan national impulsé par le Comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018 a confirmé l’importance de la dimension professionnelle dans la stratégie d’accueil et d’intégration des étrangers en France. Les collectivités locales ont été sollicitées pour des problèmes de logement : Paris a promu une Maison des réfugiés qui facilite la mise en réseau de plus d’une centaine d’associations locales ; Rennes via les CTAIR (contrats territoriaux d’accueil et d’intégration des réfugiés) a financé du personnel…

L’offre de formation linguistique s’est beaucoup développée et diversifiée dans différents dispositifs mais surtout dans le programme HOPE (Hébergement Orientation Parcours vers l’emploi) avec l’Office français d’immigration-intégration (OFII), Pôle emploi et le ministère de l’Intérieur :

  • Lorsque l’offre de formation linguistique est riche, on assiste à un travail de coordination et de cartographie.
  • Les formations linguistiques sont jugées souvent insuffisantes pour démarrer un parcours formation-emploi. Les acteurs identifient une problématique autour des personnes en situation d’illettrisme.

Mobilisation et adaptation du service public de l’emploi : l’accord-cadre Office français de l’immigration et de l’intégration - État – Pôle emploi a été, dans tous les territoires étudiés, déclencheur d’une meilleure interconnaissance des services entre l’OFII et le SPE (service public de l’emploi), malgré des obstacles à la transmission de données personnelles et au repérage.

  • La professionnalisation du SPE sur le public des réfugiés est en marche, il privilégie le droit commun en orientant les demandeurs d’emploi réfugiés sur les modalités d’accompagnement.
  • Les missions locales s’orientent vers le développement de mesures spécifiques pour les réfugiés en répondant à des appels à projet.

L’hébergement et le logement sont la clé de voûte de l’accompagnement vers l’emploi : cela conditionne les possibilités d’installation et d’intégration professionnelle sur le territoire. Les ruptures d’hébergement et les mobilités résidentielles sont fréquentes, compliquant l’accompagnement professionnel. Les projets nationaux d’intégration professionnelle qui négligent la dimension du logement, ne serait-ce que par un partenariat avec des structures d’hébergement, sont susceptibles de rencontrer des difficultés de sécurisation des parcours :

  • Des opérateurs historiques de l’hébergement et du logement de personnes précaires, souvent de taille importante, se sont emparés des différents dispositifs pour développer des actions dans le domaine de l’insertion professionnelle.
  • La formule du binôme de référents comme accompagnement social et conseiller en insertion professionnelle est privilégié.
  • L’offre de dispositifs à destination des réfugiés est très concentrée dans les grandes villes. Dans certaines zones rurales, la mobilité peut être problématique.

Les ressorts de la mobilisation des entreprises au service de l’intégration des réfugiés : les besoins de main d’œuvre sont le plus souvent à la source de l’intérêt des employeurs pour ces dispositifs. Le programme Hope qui dure 8 mois est salué pour sa capacité à intégrer des entreprises et leurs représentants dans la globalité du projet insertion : une formation en français, une formation métier via un contrat de professionnalisation, des prestations d’hébergement, un accompagnement global (administratif, social, professionnel, médical, citoyen…) :

  • Mais le programme est concentré sur quelques secteurs masculins (bâtiment et travaux publics).
  • Le programme Hope est mal connu des employeurs notamment pour le volet apprentissage du français qui les préoccupe.
  • Le statut de réfugié est souvent confondu avec celui de demandeur d’asile ou même de sans papier. Les entreprises qui participent à ces dispositifs formulent une demande d’accompagnement administratif pour lequel elles sont peu outillées.

Des moments critiques dans les parcours d’intégration professionnelle : la période de demande d’asile est déstructurante pour les réfugiés, la désignation d’un référent social pour chaque demandeur d’asile serait de nature à sécuriser les parcours sur le moyen terme. Les difficultés pour suivre les cours de français, vécue comme une période de désœuvrement, sont dommageables. Les droits limités dont disposent les immigrés et leur méconnaissance des dispositifs ne leur permet pas d’accéder à des programmes d’insertion auxquels ils sont pourtant éligibles.

  • Le programme Hope peut être défavorable aux femmes car il ne tient pas compte de leur spécificité, de leurs contraintes familiales (garde des enfants), ni des choix professionnels proposés (bâtiment).
  • Certains départements ont pris des initiatives (cours de français à la maison…).
  • Certaines problématiques comme la santé mentale (difficultés psychologiques et traumatismes subis pendant leur migration) ne sont pas prises en compte.

Au terme de cette étude, il semble que les sujets à traiter prioritairement pour améliorer l’insertion socio-professionnelle des réfugiés sur le territoire sont le renforcement de la coordination linguistique, l’organisation d’une référence « accompagnement social » pour chaque réfugié, une meilleure coordination des différents acteurs, et le renforcement d’un volet emploi-formation, consolidé par un accès au logement.


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