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Absentéisme : peut-on réellement parler de désengagement ?

samedi 19 novembre 2022

Deux enquêtes récentes émanant d’organismes de prévoyance ont présenté leur baromètre annuel sur l’absentéisme. L’enquête réalisée pour AG2R - La Mondiale par Ayming [1] porte sur 2021 et traite aussi de l’engagement des salariés. L’autre enquête réalisée par Malakoff-Humanis [2] traite de l’absentéisme en 2022, sans évidemment recouvrir toute l’année, vu des salariés et des dirigeants. Si le baromètre de l’AG2R constate un léger recul de l’absentéisme en 2021, celle de Malakoff-Humanis constate une reprise en 2022 probablement provoquée par les arrêts de travail pour le covid (+22% par rapport en 2021).

S’il existe des différences d’engagement suivant les générations, ou des différences d’appréciations entre employeurs et salariés sur les causes de l’absentéisme, peut-on pour autant parler de « désengagement » quand 9 salariés sur 10 se considèrent comme engagés dans leur travail et quand les deux tiers jugent leur travail intéressant ?

Les caractéristiques de l’absentéisme en 2021 et des compléments pour 2022
Pour Ayming - AG2R La Mondiale, le taux d’absentéisme se situe à 6,19 % en 2021 contre 6,87 % en 2020 mais plus élevé qu’en 2019 (5,54 %). Ce taux est plus élevé chez les femmes (7,49 %), dans les secteurs de la santé (7,35 %) et des services (6,74 %), des secteurs plus touchés par le covid. Il se situait à 5,41 % dans l’industrie et le BTP.

37 % des salariés ont été arrêtés au moins une fois en 2021 (41 % en 2020 ; 35 % en 2019). Les cadres ont moins d’arrêts de travail que les autres salariés (34 % contre 40 %) et les moins de 45 ans sont plus souvent arrêtés que leurs ainés (45 % contre 31 % pour les plus de 45 ans). Pour Malakoff-Humanis, en 2022, 42 % des salariés ont été touchés par un arrêt de travail depuis 12 mois (+4 points par rapport à 2021). Cette hausse est plus particulièrement sensible chez les femmes, les familles monoparentales, les salariés des entreprises de plus de 250 salariés et les secteurs de la santé.

Le nombre moyen de jours d’arrêt par salarié calculé par Ayming - AG2R La Mondiale est de 22,6 jours. Il est en baisse par rapport à 2020. Les arrêts de plus de 30 jours se maintiennent à un niveau plus élevé qu’avant la crise sanitaire (75 %). Cette tendance semble s’être confirmée en 2022. En effet, d’après Malakoff-Humanis, 90 % de ces arrêts sont restés stables ou ont progressé dans les douze mois qui ont précédé l’enquête.

Un quart des absences en 2021 sont liées au covid et aux personnes à risque, constate l’AG2R La Mondiale. En 2022, sur des bases différentes, l’étude de Malakoff-Humanis a repéré que 22 % des arrêts étaient liés au covid. Ils progressent de 10 points par rapport à 2021. On peut penser que cette progression est probablement liée à l’explosion des cas du début de l’année 2022 avec l’arrivée des variants Delta et Omicron. Les arrêts pour COVID sont essentiellement d’une durée de 4 à 30 jours.

Plus largement, 45 % des arrêts ont des origines professionnelles (accident du travail, maladies professionnelles, épuisement professionnel ou burn-out). En dehors des maladies ordinaires (grippe, rhume, angine, gastroentérite, ...) qui représentent, en 2021, 21 % des arrêts, les arrêts pour troubles psychologiques et burn-out (16 %, +1 pt par rapport à 2020 et 2019) passent devant les TMS ou les accidents du travail ou traumatismes. Ces arrêts pour troubles psychologiques représentent 27 % des arrêts de longue durée.

Globalement, trois quarts des salariés s’estiment en bonne santé. Cet état diminue avec l’âge. Ainsi 81 % des moins de 31ans le pensent alors que les plus de 50 ans ne sont plus que 69 %. Plus de la moitié des salariés considèrent que le travail a un impact sur leur santé : 19 % un effet positif ; 36 % un effet négatif.

Des perceptions différentes sur l’absentéisme entre salariés et dirigeants (Malakoff Humanis)

L’absentéisme est un sujet préoccupant pour 59 % des dirigeants. C’est, pour eux, un facteur de coûts directs et indirects. Alors qu’ils constatent une hausse de l’absentéisme, ils considèrent que cela va durer dans les deux ans à venir. Ils sont 66 % à attribuer cette progression à l’état d’esprit des salariés (diminution de l’engagement des salariés, prise d’arrêt en cas de désaccord avec l’entreprise, etc.) et 36 % à leur état psychologique.

Pour les dirigeants, les arrêts pour motif psychologique sont essentiellement dus au contexte extérieur : situation familiale compliquée (64 %) ou situation générale (43 %). Viennent ensuite les difficultés de conciliation vie personnelle et travail (39 %) et les exigences du travail (38 %). Pour les salariés, c’est d’abord le contexte professionnel qui prime : pratiques managériales (36 %) ; exigences du travail (34 %) ; rapports sociaux au travail (26 %). Les difficultés de conciliation entre vie personnelle et travail viennent ensuite (22 %). Ils notent aussi un conflit de valeur avec celles de l’entreprises (21 %).

Les moyens pour résoudre les problèmes sont évidemment différents. Les salariés demandent des évolutions dans leur travail (organisation et pratiques managériales). Les employeurs veulent être plus à l’écoute des salariés, accompagner les salariés vulnérables ou encore tenir compte des attentes des salariés plus âgés.

Quel est le niveau d’engagement des salariés (Ayming - AG2R La Mondiale) ?

Neuf salariés sur dix se considèrent comme engagés et les trois quarts des salariés s’estiment en bonne santé. L’étude note qu’il y a un lien très net entre état de santé et engagement. Ainsi, 80 % des salariés engagés s’estiment en bonne santé et 92 % des salariés en bonne santé se considèrent comme engagés. Par ailleurs, 65 % des salariés jugent leur travail intéressant.

Les raisons de l’engagement ont évolué avec le covid. Si, avant le covid, les conditions de travail étaient privilégiées devant la rémunération et les relations au travail, ce sont, après la crise sanitaire, les rémunérations qui l’emportent devant les conditions de travail et l’équilibre vie personnelle et vie professionnelle. Des critères plus individuels que par le passé donc, notent les auteurs de l’enquête.

Contrairement à ce qui est souvent avancé, les jeunes sont plus engagés que les autres classes d’âge (93 %) et placent les relations de travail en troisième position (6ème pour les plus 30 ans).

Pour autant, en 2022, 43 % des salariés souhaitent changer de poste ou d’entreprise (la moitié en 2021). Sans surprise, les jeunes sont plus mobiles que les séniors. Ils sont 50 % à vouloir changer de situation en 2022.



Au regard de ces enquêtes, les discours sur le désengagement paraissent quelque peu excessifs tant l’attachement au travail semble très ancré chez les salariés. Toutefois, les acteurs sociaux des entreprises se doivent d’être attentifs aux évolutions du travail. L’organisation du travail, l’écoute des salariés et notamment de leurs représentants peuvent être des facteurs décisifs pour diminuer l’absentéisme et fidéliser davantage les salariés, notamment les plus jeunes. Rien ne pourra se faire sans un dialogue social approfondi basé sur une analyse partagée et objective de la situation.


Sources


Notes :

[1Enquête AG2R - La Mondiale – AYMING. Deux études : une étude quantitative de l’absentéisme en France en 2021, auprès de 54 393 entreprises du secteur privé employant 3 573 595 salariés en CDI, s’appuyant sur les données issues de la déclaration sociale nominative DSN et une étude qualitative réalisée en partenariat avec KANTAR TNS menée auprès de 2 300 salariés en CDI du secteur privé.

[2Baromètre annuel Absentéisme 2022 Malakoff-Humanis Enquête auprès de 1 800 salariés par internet (échantillon représentatif des salariés du secteur privé dans les entreprises d’au moins 1 salarié) et de 400 dirigeants par téléphone du 5 au 30 mai 2022.