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Covid et embauche de salariés étrangers

mercredi 2 juin 2021

Les règles de restrictions de mobilité suite à la pandémie du covid, conjuguées à la non-harmonisation des règles européennes en matière de « libre circulation » pour des questions de santé, ont créé de nombreuses difficultés dans les mouvements de main d’œuvre. De plus la pandémie est arrivée quelques mois avant la date limite de la mise en œuvre des changements liés à la révision de la directive européenne sur le détachement des travailleurs. Comment les entreprises vont-elles pouvoir gérer les transferts de main d’œuvre pour l’été 2021 dans un climat de grande incertitude ? Pour faciliter l’embauche dans les régions en pénurie de main d’œuvre, la France essaye de faciliter ses procédures d’embauche de salariés étrangers par le décret n° 2021-360 du 31 mars 2021 et ses deux arrêtés.

Les travailleurs détachés

Ce sont des salariés envoyés par des employeurs d’un État membre de l’Union européenne, dans un autre pays pour faire un travail temporaire. Soit 3 types de détachement :

  • Le détachement dans le cadre d’un contrat de services,
  • Le détachement intragroupe,
  • L’envoi via une agence d’intérim.

Le travail détaché est utilisé dans certains secteurs, en priorité celui de la construction (plus de 40 %), du transport routier, de l’agriculture, de l’installation de machines ou du développement logiciel.

Depuis le 30 juillet 2020, la directive révisée a modifié les conditions de travail en promulguant :

  • Le principe de l’égalité de rémunération au rang de droit pour les travailleurs détachés.
  • L’extension des conditions de rémunération, telles que définies dans les conventions collectives.
  • Le taux de salaire minimum mais aussi la rémunération totale (prime de performance, de qualification, d’expertise, heures supplémentaires…).
  • Toutes les conditions d’emploi prévues par le droit local doivent leur être appliquées, à l’exception de la loi sur le licenciement et de la loi sur le régime de retraite des entreprises.
  • Les frais de pension, de logement, de voyage ou d’hébergement ne doivent pas faire partie du salaire du travailleur mais être comptabilisés séparément.

Face aux mesures de protection du Covid, la Commission européenne a appelé les États à construire une approche coordonnée au niveau européen notamment sur les contrôles sanitaires et sur la possibilité de franchir les frontières pour que les salariés détachés puissent accéder sans entrave à leur lieu de travail. La pandémie a entrainé des inspections nationales intensives et une diminution des détachements de courte durée.

« Si la protection de la santé publique est un objectif fondamental de politique publique, en accord avec les traités et notamment de la charte des droits fondamentaux, il convient de faire preuve de prudence concernant les restrictions nationales limitant la libre circulation des personnes » comme l’affirme la fondation Robert Schuman. On ne peut invoquer la protection de santé pour justifier de mesures restrictives de protection du marché. Selon la juridiction de la Cour européenne, l’argument de la protection de la santé ne doit pas « constituer un moyen de discrimination arbitraire ou de restriction déguisée ».

Les salariés étrangers

Le recours à des salariés étrangers est fortement encadré, l’infraction aux règles existantes sont passibles de lourdes sanctions. Les conditions d’emploi d’un salarié étranger viennent d’être redéfinies par le décret n°2021-360 du 31 mars 2021 (JO du 1/4/21). Le texte est entré en vigueur le 1er avril 2021, à l’exception de l’article 8 concernant les articles du Code du travail se référant au nouveau Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) entrant en vigueur le 1er mai 2021. L’essentiel des dispositions du décret est entré en vigueur le 1er avril. Les deux arrêtés sont eux entrés en vigueur le 3 avril 2021.

Ce décret actualise les listes

  • Des documents et titres de séjour permettant de travailler sans autorisation de travail ;
  • De ceux devant être précédés d’une autorisation de travail ;
  • De ceux permettant, au contraire, d’obtenir une autorisation de travail.

Le décret modifie également

  • Les conditions d’obtention d’une autorisation de travail pour obtenir l’accord de la préfecture.
  • Les critères d’examen pour la délivrance de l’autorisation de travail en recentrant l’examen sur l’opposabilité de la situation de l’emploi, le niveau de rémunération et le respect par l’entreprise de ses obligations légales et sur les causes de refus de renouvellement d’une autorisation de travail.
  • Il clarifie les procédures relatives à la demande d’autorisation de travail, à la déclaration nominative préalable, au renouvellement de l’autorisation de travail, ainsi qu’aux titres de séjour autorisant l’inscription sur la liste des demandeurs d’emploi.
  • L’obligation de publicité de trois semaines auprès du service public de l’emploi pour tout projet de recrutement soumis à l’opposabilité de la situation de l’emploi.
  • Les démarches devant être réalisées ou non par l’employeur en matière de vérification de la régularité de la situation de l’étranger. Le premier arrêté précise les modalités d’embauche et les papiers à fournir au préfet du département.

Le deuxième arrêté précise les métiers en tension, les familles professionnelles et les zones géographiques dans lesquelles la situation de l’emploi ou l’absence de recherche préalable de candidats déjà présents sur le marché de l’emploi n’est pas opposable à une demande d’autorisation de travail formée par l’employeur pour un étranger non ressortissant d’un État membre de l’UE, d’un autre État partie à l’EEE (Espace économique européen) ou de la Confédération suisse. Par exemple sont retenues les régions :

  • Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Corse, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire pour les embauches de carrossier automobile, compte tenu des difficultés des recrutements.
  • Dans le secteur de l’agriculture, les régions Centre-Val-de-Loire, Hauts-de-France et Nouvelle-Aquitaine.

La crise sanitaire due à la pandémie de covid-19 a provoqué une chute de l’immigration, notamment économique. Les nouvelles conditions d’embauche et de travail durant la période de déconfinement sont encore incertaines. Certaines branches professionnelles (hôtellerie, cafés-restaurants), craignent de manquer de main d’œuvre, car la fermeture des établissements et l’opportunité d’une nouvelle formation ont incités certains salariés de ces secteurs à changer d’orientation professionnelle. Autre difficulté, les congés non pris pour les salariés en chômage partiel ou en formation vont accroître les délais de reprise du travail pour ces salariés. Le décret et ses arrêtés visent à assouplir et à encadrer les flux de main-d’œuvre étrangère.


Références