Le parcours de cette réforme a été heurté, de son élaboration à son entrée en vigueur.
Il y a d’abord eu les rebondissements liés aux différents recours juridiques déposés devant le Conseil d’État, puis les adaptations de la réglementation pendant et après la crise liée au Covid-19 qui, en plus de sa dimension sanitaire et au-delà des adaptations de la réglementation, a eu d’importantes conséquences économiques et sociales, dont certaines se font encore sentir et dont les effets sur le travail et l’emploi restent en grande partie à analyser.
Il apparaît cependant que les bouleversements du marché du travail des peu qualifiés sont beaucoup plus influents sur le quotidien de ces travailleurs que la réforme d’assurance chômage.
La réforme avait vocation à structurer les arbitrages des acteurs du marché du travail, or, celle-ci intervient dans une période où les réformes d’assurance chômage s’enchainent à un rythme extrêmement rapide (2017 / 2018 / 2019-201 / 2023).
Une nouvelle réglementation d’assurance chômage qui réduit cette fois la durée des droits à indemnisation est entrée en vigueur en février 2023, soit à peine plus d’un an après une mise en œuvre complète de la réforme et le démarrage de cette étude.
Le contexte de crise sanitaire, ces changements incessants ainsi que la complexité de réglementation conduisent à mettre en doute la lisibilité de réformes qui cherchent à orienter des comportements.
Cette configuration est marquée à la fois par de nouvelles règles d’indemnisation, de nouvelles façons d’effectuer le calcul des allocations, mais également une nouvelle conjoncture économique post-Covid.
- 1. Effets sur les employeurs
Le bonus-malus
La réforme a introduit un système de bonus-malus qui ajuste les cotisations en fonction de leur recours aux contrat courts. Un mécanisme qui vise dans ses principes à inciter les entreprises à privilégier les contrats plus durables et réduire le recours aux contrats courts. Le taux de cotisation chômage des entreprises peut varier en 3% et 5,5% en fonction du nombre de séparations donnant lieu à une inscription au chômage. Ce dispositif s’applique dans les entreprises de 11 salariés ou plus et 7 secteurs d’activité.
L’étude, conduite sur une pluralité de secteurs professionnels, montre que l’efficacité du bonus-malus reste mitigée et que les incitations à privilégier l’emploi durable ne sont pas toujours correctement perçues par les entreprises qui continuent à utiliser des contrats courts malgré les pénalités.

Pratiques d’embauche
Certaines entreprises ont adapté leurs pratiques d’embauche en réponse à la réforme, notamment en réduisant le recours à des contrats courts pour éviter des pénalités financières.
- 2. Effets sur les salariés
Ouverture de droits et durée d’indemnisation
La reforme a modifié les conditions d’ouverture des droits, avec pour conséquences de réduire la durée d’indemnisation des nouveaux entrants à l’assurance chômage de 25%, avec un plancher de 6 mois d’indemnisation. C’est particulièrement le cas pour les personnes ayant des parcours professionnels discontinus et des périodes de travail de courtes durées, les conditions d’ouvertures des droits ayant été modifiées : il faut désormais avoir travaillé 6 mois au cours des 24 derniers mois (contre 4 mois dans les 28 derniers mois avant la réforme) pour ouvrir un droit à indemnisation.
En 2023 le nombre d’ouverture de droits a baissé de 14% par rapport à 2019, soit environ 30 000 ouvertures de moins par mois. Une baisse consécutive à une conjoncture favorable et la montée en charge de la modification des conditions d’ouverture de droits.
Une diminution particulièrement marquée parmi les personnes en intérim et en fin de CDD qui sont les plus impactées par la mesure. La modification de la formule de calcul de l’allocation chômage entrée en vigueur en 2021 a conduit à des allocations en moyenne moins élevées de 16% au montant des entrants avant 2021.
Parmi les nouveaux entrants, un allocataire sur deux est concerné par le nouveau mode de calcul.
Dégressivité des allocations
Pour les hauts revenus, majoritairement des cadres, la réforme introduit une dégressivité des allocations à partir du 7ème mois, ce qui signifie que leurs allocations peuvent être réduites jusqu’à 30%, et incite dans la majorité des cas ces demandeurs d’emploi à retrouver plus rapidement un emploi. Dans les faits, une faible proportion d’allocataires a été soumise à la mesure de dégressivité, environ 90 000 personnes en 2023, soit environ 3%, dont la moitié d’entre eux perçoivent une allocation dégressive (45 000). Il s’agit majoritairement d’hommes (66%), diplôme supérieur (76%), cadres (74%), dont le revenu perdu était en moyenne de 7 000€ brut.
Impact sur les séniors
La réforme inclut des ajustements spécifiques pour les salariés séniors, notamment en ce qui concerne les conditions d’affiliation et la durée d’indemnisation, des changements qui affectent dans de nombreux cas la capacité des séniors à bénéficier de l’assurance chômage sur des périodes prolongées.
Impact sur l’emploi discontinu
Les effets les plus marquants de la réforme concernent les demandeurs d’emploi ayant des parcours professionnels discontinus. Elle touche prioritairement les intérimaires, les personnes en fin de CDD et les jeunes. En effet 9 intérimaires sur 10 et la moitié des jeunes ont été impactés par ces réformes. La modification du calcul de l’allocation a aussi des effets sur les allocataires qui travaillent en cours de droits. Ils sont plus nombreux à travailler, mais comme ils perçoivent une allocation calculée à partir d’un salaire journalier de référence (SJR) plus bas, ils sont moins souvent indemnisés par l’Assurance chômage.
- 3. Adaptation des demandeurs d’emploi
Les demandeurs d’emploi doivent s’adapter à ces nouvelles règles en acceptant plus rapidement des offres d’emploi, même si elles sont moins stables ou moins bien rémunérées que leurs emplois précédents. Entrainant une augmentation des emplois précaires ou des contrats courts.
Effet sur la qualité de l’emploi
La réduction de la durée d’indemnisation incite les demandeurs d’emploi à accepter des emplois de moindre qualité ou moins bien rémunérés pour éviter une perte de revenus avec, dans certaines situations, un impact sur la stabilité financière et professionnelle des salariés concernés.
En conclusion
L’étude vient confirmer que la réforme de l’Assurance chômage 2019-2021 a eu des conséquences importantes sur la situation financière et professionnelle des demandeurs d’emploi, les incitant à retrouver un emploi plus rapidement mais bien souvent au détriment de la qualité de celui-ci.
Référence