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Face aux gilets jaunes, des positionnements syndicaux différents

mercredi 27 février 2019

Malgré un contexte qui leur est défavorable, les organisations syndicales tentent d’apporter des réponses syndicales au mouvement des gilets jaunes. Suivant les sensibilités, les réponses et les approches sont quelque peu différentes mais toutes ont pris en compte le message porté par nombre de gilets jaunes d’une demande d’une plus grande justice sociale, tout en condamnant les violences. Certaines organisations, poussées par leurs militants les plus radicaux, tentent la convergence des luttes, sans beaucoup de succès.

Une unité syndicale a minima

Dès le 6 décembre, dans une déclaration commune à l’exception de Solidaires, les syndicats ont considéré légitime la colère exprimée par les gilets jaunes mais ont aussi dénoncé les violences. Manifestation d’unité fragile, toutefois, puisque quelques heures plus tard, sous la pression de son opposition interne radicale, la CGT déclarait soutenir l’action des gilets jaunes. L’approche des organisations vis-à-vis du « grand débat » montre de nouveau le clivage entre contestataires et réformistes.

La CFDT

Tout en reconnaissant les questions posées de pouvoir d’achat, de justice fiscale, de mesures sociales pour la transition écologique, d’accessibilité des services publics, Laurent Berger pour la CFDT a condamné sans ambiguïté toutes les dérives parfois extrémistes de ce mouvement. S’il a appelé les participants sincères et démocrates à rejoindre les organisations syndicales pour lutter contre les inégalités territoriales et sociales, il s’est bien gardé de tenter de se rapprocher d’un mouvement dont certaines revendications et les modes d’action sont contraires aux valeurs de son organisation. Pas question pour lui d’assimiler ce mouvement qui n’a jamais mobilisé en masse « à un corps intermédiaire politique, syndical ou associatif, capable de réunir des gens, de les faire débattre entre eux, de hiérarchiser les revendications, de définir une représentation, de cadrer des manifestations, de limiter les débordements et, in fine, de s’engager dans la recherche de solutions ». Il a rappelé, en regrettant qu’il n’en ait pas été tenu compte, les termes de sa lettre ouverte au nouveau président Macron en juin 2017. Il lui demandait d’engager une véritable politique sociale en faveur des plus défavorisés mais surtout de tenir compte des votes de l’élection présidentielle qui exprimaient « autant de peur et de défiance que d’attentes et d’espoir » et l’a enjoint de partager le pouvoir en lui rappelant que « sans démocratie sociale, la démocratie politique est impuissante ».

À plusieurs reprises, la CFDT, pour sortir de la crise, a enjoint le gouvernement d’ouvrir le dialogue avec tous les acteurs et notamment les corps intermédiaires. La fin de non-recevoir exprimé par le Premier ministre à la proposition d’un Grenelle social dès le début du conflit a choqué bien au-delà de la sphère réformiste y compris dans les rangs de la majorité. Pour l’instant, la proposition d’un « Grenelle du pouvoir de vivre » exprimée par le secrétaire général de la CFDT n’a pas trouvé beaucoup d’échos du côté gouvernemental pour donner une suite positive et collective au grand débat.

Malgré cela, la confédération a appelé les militants CFDT à s’inscrire dans le grand débat et a fourni des fiches pour organiser elle-même des discussions dans ses structures. Sur le plan revendicatif, elle lance une campagne d’action dans les entreprises sur la question des salaires et du pouvoir d’achat.

La CGT

Après avoir fustigé le mouvement à ses débuts en déclarant qu’il ne voulait pas défiler avec le Front national, la CGT de Philippe Martinez, poussée par son opposition interne, a tenté la convergence des luttes en appelant à la grève le 5 février. L’appel concomitant d’une des figures du mouvement Eric Drouet aurait pu donner plus d’ampleur au mouvement. La mobilisation très moyenne de la CGT et des gilets jaunes montrent que la greffe entre le mouvement syndical et les gilets jaunes a du mal à prendre. L’appel à une grève générale n’a pas eu plus de succès. Cela n’empêche pas la CGT d’appeler à une nouvelle journée d’action le 19 mars, ce coup-ci avec le soutien de FO.

Dès le mois de janvier en boycottant une réunion des partenaires sociaux avec le Premier ministre, la CGT a montré son désaccord avec le « grand débat ». Pas question de s’y engager. « Toutes les questions sont pipées et portent en germe la volonté de poursuivre une politique libérale » s’est exprimée Catherine Perret, une des dirigeantes du syndicat. Pour la CGT, le débat doit avoir lieu dans la rue et dans les entreprises.

L’approche du congrès cette année ne va pas inciter la CGT aux concessions vis-à-vis du gouvernement, alors que l’opposition radicale reproche à la direction confédérale d’être « trop réformiste ».

Force ouvrière

Yves Veyrier, le nouveau secrétaire général de FO, déclarait au mois de janvier « ne pas savoir ce que sont les gilets jaunes » et souhaiter garder à l’action syndicale son caractère syndical. Il refuse toute récupération de quelques bords que ce soient y compris de la part du gouvernement au travers du grand débat. C’est aux citoyens de se déterminer pour savoir s’ils doivent y participer ou non, le syndicat n’a pas à servir de « directeur de conscience » vis-à-vis de ses adhérents. FO n’a pas souhaité s’associer à l’action de la CGT du 5 février même si un certain nombre de structures FO étaient présentes dans les manifestations.

Depuis, FO a décidé de participer à celle du 19 mars avec la CGT, Solidaires et des organisations étudiantes et lycéennes. Sa participation à un appel commun, qui pointe la « profonde crise sociale » que traverse le pays, dont le « mouvement des gilets jaunes est l’expression récente », semble montrer que la position d’Yves Veyrier bouge quelque peu. Peut-être pour assurer l’unité de son organisation en donnant des gages à ses militants radicaux après les difficultés internes connues en 2018.

CFTC, CFE-CGC et UNSA

CFTC et UNSA, tout en dénonçant les injustices sociales, n’ont jamais soutenu le mouvement. Ils ont encouragé leurs adhérents à participer au grand débat. Luc Berille pour l’UNSA, s’est toutefois interrogé sur le problème posé au syndicalisme par le rejet des syndicats par la quasi-totalité des gilets jaunes et une partie importante des salariés. Par contre, François Hommeril pour la CFE-CGC a soutenu le mouvement en mettant en avant la question du pouvoir d’achat. Pour lui le mouvement des gilets jaunes c’est l’échec du gouvernement. Il ne croit pas qu’il sortira des solutions du grand débat.

Solidaires

La sensibilité radicale de Solidaires l’a amené à soutenir les gilets jaunes sans pour autant avoir une quelconque influence sur le mouvement. Solidaires n’a pas signé le communiqué commun des organisations syndicales parce qu’il condamnait les violences. Ce syndicat a par ailleurs rejeté la présence de l’extrême-droite dans ce mouvement et plus particulièrement l’antisémitisme.

Même si elles partagent l’analyse des causes du mouvement des gilets jaunes, les organisations syndicales apparaissent divisées sur la manière d’y répondre et sur l’approche qu’elles ont du grand débat et de ses suites. Toutefois, rien n’est encore écrit pour le futur. La méthode employée par le gouvernement pour sortir par le haut du grand débat sera certainement déterminante sur le positionnement à venir des centrales syndicales.