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Financement des syndicats : rapport Perruchot

jeudi 15 décembre 2011

Les mésaventures de ce rapport illustrent une fois de plus l’incapacité française à établir un diagnostic sérieux, à mettre autour de la table tous les acteurs concernés, à tordre le cou aux procès et médisances, afin de mieux légitimer le rôle des partenaires sociaux dans une société démocratique.

En juin 2011, au nom du groupe Nouveau Centre à l’Assemblée nationale, avait été lancée, à l’initiative du député Nicolas Perruchot, ancien consultant d’entreprise, une commission d’enquête sur les modalités de financement des organisations syndicales et patronales. Comme, depuis cette année, ces dernières doivent rendre publics leurs comptes annuels, certifiés par expertise comptable il paraissait bien prématuré d’en dresser un premier bilan, susceptible de déboucher sur des nouvelles dispositions législatives, à moins d’un an des élections présidentielles, alors qu’il ne reste que peu de mois de session parlementaire.

Il n’empêche : la commission s’est réunie dans des conditions de secret total (aucun compte-rendu public sur le site de l’Assemblée nationale). Elle a, en deux mois (octobre-novembre), tenu 45 auditions, sous serment, entendant non seulement les représentants des organisations nationales, mais aussi des responsables de l’administration, d’entreprises publiques, de comités d’entreprises. Le 30 novembre, le rapport soumis à la commission est rejeté - ce qui est exceptionnel,- et donc il ne sera pas rendu public. Ni sa synthèse, ni ses 29 propositions ou les procès-verbaux d’audition ne seront donc connus. Les députés PS ont voté contre, trouvant que les propositions concernant les organisations patronales étaient insuffisantes, et ceux de l’UMP - sauf exception - se sont abstenus au nom de l’inopportunité en fin de législature et, si l’on en croit F. Chérèque, probablement de la pression d’organisations patronales, comme la CGPME ou le syndicalisme agricole.

Il est impossible de juger si ce rapport était de qualité ou bâclé, puisque seuls quelques rares privilégiés de la presse (AFP, les Echos, Le Figaro, etc.) disposeraient du texte ou d’éléments distillés avant la clôture de la commission. Il faut le dire : tout ceci est malsain en une période de méfiance généralisée à l’égard des dirigeants. Les chiffres globaux lancés allègrement à propos du « pactole » syndical ou patronal (respectivement 4 et 1,5 milliards) méritaient un autre traitement. Mieux valait publier un mauvais rapport - qui, public, peut être critiqué et démenti - que de laisser se développer des « on dit », mélangeant le vrai et le faux. S’il est vrai, par exemple, que la CFDT a des réserves financières, laisser entendre dans la presse qu’il s’agit d’un trésor caché aux origines malsaines est de la malveillance pure et simple : ce fonds nourri des cotisations spécifiques des adhérents de la CFDT a pour usage les indemnités en cas de grève, la défense juridique et le développement de moyens d’action. Les comptes publiés de la CFDT en font état.

Il est bien dommage aussi que l’intégralité des propositions du rapport Perruchot ne soient pas connues, car ce qui en perce est parfois intéressant. En particulier en ce qui concerne les comités d’entreprises, au moment où la Cour des Comptes publie son rapport sur les défauts de gestion de celui de la RATP et où l’on reparle de la CCAS des industries électriques et gazières. En incluant le secteur public, 32 000 comités d’entreprises gèrent 15 milliards d’euros. La certification de leurs comptes par un commissaire aux comptes, avec un référentiel comptable adéquat, doit s’accompagner de leur publication. Le texte du décret rendant ceci obligatoire est toujours attendu. Assurer des procédures formalisées d’appels d’offre est tout aussi nécessaire.

Autre rappel : La publication d’un bilan annuel des moyens affectés au droit syndical dans tous les ressorts des comités techniques des fonctions publiques, comme le prévoient de récents textes, sera un élément majeur de clarification sur leur usage. Reste à obliger aussi les syndicats des fonctions publiques à certifier et publier leurs comptes, comme dans le secteur privé.

Quand ce rapport suggère qu’une part des crédits d’heures dans le privé puisse être affectée à l’exercice de mandats hors du cadre de l’entreprise, ce qui est aujourd’hui interdit, que le gouvernement doit inciter fortement à des accords de financement paritaire du dialogue social, et que les personnels bénéficiant de crédit d’heures à titre syndical ne le soient que pour des mandats limités dans le temps, on ne peut qu’approuver.

Il n’empêche : toute cette affaire a débouché en réalité sur le buzz d’une certaine presse, et la gloire momentanée pour le député Perruchot, suggérant que l’Etat fasse des économies sur les moyens qu’il met à disposition des organisations syndicales.

Le problème est que la non publication du rapport ouvre les portes à tous les amalgames, par exemple entre moyens propres des organisations et coût légitime de l’exercice du droit syndical, fondement des relations sociales. Qu’il puisse y avoir des porosités entre ces domaines ne légitime pas que tout soit mélangé, sans distinction. Au lieu d’avancer vers davantage de transparence - ce qui est indispensable -, la confusion domine. L’examen du financement des syndicats et des organisations patronales mérite autre chose. Les esprits malveillants à l’encontre des syndicats en profitent, comme certains syndicats et organisations patronales, qui ne veulent pas de la transparence pour des raisons inavouables.

Les mésaventures de ce rapport illustrent une fois de plus l’incapacité française à établir un diagnostic sérieux, à mettre autour de la table tous les acteurs concernés, à tordre le cou aux procès et médisances, afin de mieux légitimer le rôle des partenaires sociaux dans une société démocratique.


PS :

Voir dossier clesdusocial de 2009 sur le financement du syndicalisme