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L’intéressement impacte négativement la rémunération fixe

mercredi 1er juillet 2015

Peu d’études évoquent les effets de l’intéressement sur la rémunération des salariés. On est souvent tentés de penser implicitement que la rémunération fixe augmente moins vite dans les entreprises qui ont mis en œuvre des systèmes d’intéressement. Le travail réalisé par deux chercheurs, Noelie Delahaie (IRES) et Ricgard Duhautois (CEE), se penche justement sur cette question.

La revue de la littérature montre que les études ont pu être biaisées : il est en effet important de bien prendre en compte que les entreprises mettant en œuvre des pratiques d’intéressement peuvent être plus performantes que les autres, ou appartenir à des segments particuliers (grandes entreprises avec un part importante d’encadrement). Aussi il n’est pas surprenant que la rémunération globale y soit plus élevée, faisant croire ainsi à un effet positif de l’intéressement sur la rémunération. Une étude française des années 80 montre ainsi que la rémunération totale est de 4,3% supérieure dans les entreprises distribuant de l’intéressement. D’autres études au Canada montrent un effet de 15% sur la rémunération liée à l’introduction de systèmes de partage du profit.

Afin d’aller plus loin, l’étude des deux chercheurs de l’IRES et du CEE a ainsi utilisé un modèle économétrique pour mesurer l’effet de l’intéressement sur la rémunération et l’entreprise en France entre 2000 et 2007. Plusieurs résultats sont intéressants :

  • ce ne sont pas les entreprises les plus profitables qui mettent en place l’intéressement : celui-ci est davantage mis en œuvre dans les entreprises qui souhaitent améliorer leur rentabilité. Les entreprises qui distribuent déjà de la participation obligatoire sont moins enclines à payer des bonus en plus comme de l’intéressement, suggèrent les auteurs.
  • les entreprises de plus de 500 salariés sont davantage concernées par l’intéressement que les plus petites entreprises, ce que confirment d’autres observations statistiques.
  • les entreprises mettant en place l’intéressement comprennent davantage de cadres (managers) et moins de femmes que la moyenne des entreprises.
  • l’introduction de l’intéressement augmente la rémunération de 6,9% par rapport aux entreprises ne mettant pas en œuvre d’intéressement. Néanmoins, après correction des facteurs observés plus haut (profitabilité, part des managers et des femmes, taille des entreprises), l’effet de l’intéressement disparaît. On n’observe pas d’impact négatif de l’intéressement sur la rémunération fixe juste après l’introduction de l’intéressement.
  • en régime de croisière, à moyen terme, les entreprises avec intéressement continuent de mieux rémunérer globalement leurs salariés de 4,2% sans effet sur la rémunération fixe.
  • mais après retraitement des caractéristiques des entreprises (profitabilité, part des managers et des femmes, taille des entreprises), le résultat s’inverse : l’intéressement a peu d’effet sur la rémunération globale (+0,1%) mais on observe bien des salaires fixes inférieurs de 4% aux entreprises sans intéressement.

Les auteurs suggèrent que les entreprises et les salariés se mettent d’accord pour passer de la rémunération fixe vers l’intéressement à moyen terme afin de moins payer de taxes ; l’intéressement n’est pas soumis à des cotisations sociales standards mais à un forfait social et peut être exonéré d’impôts sur le revenu s’il est placé pendant un certain temps.

Cette conclusion est quelque peu surprenante : pour justifier des exonérations de cotisations sociales et d’impôts, de nombreux observateurs et certaines organisations syndicales souhaitent que l’intéressement et la participation soient bien bloqués plusieurs années et constituent ainsi une épargne salariale. Celle-ci sert alors à former une épargne de précaution pour le salarié qui participe en plus au financement de l’économie, et est souvent socialement responsable ou solidaire. Mais elle ne doit en effet pas mener à une diminution de la progression du salaire fixe, élément sur lequel l’étude attire notre attention, ni être soumise à des déblocages anticipés comme le font régulièrement les gouvernements, entraînant une confusion sur le rôle de l’épargne salariale.


Source (en anglais) :

Profit-Sharing and Wages : An Empirical Analysis Using French Data Between 2000 and 2007 / Partage des profits et salaires : une analyse empirique à partir de données françaises portant sur la période 2000 à 2007