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La concurrence internationale par la fiscalité des entreprises

samedi 12 septembre 2020

La fiscalité des entreprises est un dossier brûlant au niveau international. On connaît l’existence de paradis fiscaux et leur rôle dans le jeu des multinationales quand elles cherchent à échapper à l’impôt, privant ainsi les autres États de moyens pour la vie collective. Pourtant, c’est une recette importante pour les budgets nationaux. Le mécontentement est grand, mais les intérêts divergent, et une régulation internationale bien difficile à obtenir… L’Ocde vient de publier la deuxième édition de statistiques qui permet d’éclairer ces différents points.

La fiscalité des entreprises selon les pays

L’impôt sur les sociétés est très variable d’un pays à l’autre, tant en taux qu’en importance budgétaire. Sur les 109 pays pour lesquels l’Ocde disposait de données, 21 ont aujourd’hui un taux supérieur à 30 %, dont la France à 32 %, contre 12 qui ont un taux zéro (dont les paradis fiscaux britanniques : Jersey, Guernesey, île de Man, îles Vierges britanniques) et 2 en dessous de 10 % (Barbade : 5,5 % et Hongrie : 9 %), soit 14 pays. Deux pays au taux zéro en 2000 ont depuis créé un impôt sur les sociétés : l’Andorre en 2012 à 10 % et les Maldives en 2015 à 15 %.

Mais la tendance commune est un mouvement de baisse dans les 20 premières années de ce siècle. En effet, entre 2000 et 2020 le taux moyen légal de l’impôt sur les sociétés a baissé de 7,4 points, passant de 28 % en 2000 à 20,6 % des bénéfices en 2020. Ce taux est un peu supérieur si on écarte les 12 pays où le taux est zéro, soit 23,1 %. Les 36 pays de l’Ocde ont vu leur taux passer de 32,2 % à 23,2 % entre ces mêmes dates.

Pourtant, l’impôt sur les sociétés est non négligeable dans les recettes fiscales. Pour 93 pays étudiés, il en représente près de 15 %, part en hausse (2000 : 12,1 %, 2017 : 14,6 %), avec une importance particulière pour les pays en développement, Afrique et Amérique latine, et même 8 pays où cette part dépasse 25 % des recettes fiscales alors qu’elle ne représente que 9 % dans les pays de l’Ocde.

L’optimisation fiscale des multinationales

L’Ocde commence à disposer d’éléments précis sur le sujet car, depuis 2016, les multinationales ayant un chiffre d’affaires de plus de 750 millions de dollars ont l’obligation de donner leurs informations comptables pays par pays où elles ont un établissement, avec pour chacun leur chiffre d’affaires, leurs bénéfices ou pertes, leurs effectifs, leurs impôts… L’Ocde a ainsi pu examiner les comptes de près de 4 000 entreprises multinationales dans 26 pays.

Or la discordance internationale des taux d’impôt sur les sociétés est utilisée par les multinationales pour situer leurs bénéfices dans les pays à faible fiscalité. L’Ocde constate ainsi que dans les 14 pays à très faible ou nulle imposition, les multinationales y déclarent 25 % de leurs bénéfices alors qu’on n’y trouve que 4 % de leurs effectifs. Curieux !

De même la part de l’impôt des multinationales dans le total de l’impôt sur les sociétés d’un pays est très variable tant en pourcentage qu’en composition. On trouve en tête l’Irlande dont 65 % de l’impôt sur les sociétés provient des multinationales, toujours étrangères, grâce à un établissement ou une simple antenne dans ce pays. De même le Luxembourg tient 56 % de son impôt sur les sociétés de multinationales, dont 51de ces 56 % sont étrangères. Alors que si la France tire 42 % de son impôt sur les sociétés de multinationales, 35 sur 42 % proviennent de multinationales françaises.

L’Odce en conclut, dans un langage tout en litote, que « les données suggèrent l’existence en 2016 d’un décalage entre le lieu où sont déclarés les bénéfices et le lieu où sont exercées les activités économiques, qui semble attester de la présence de mécanismes employés pour éroder la base d’imposition et transférer des bénéfices ».


Si des progrès ont été accomplis ces dernières décennies par l’établissement de listes officielles de paradis fiscaux et par l’obligation de transparence sur les données bancaires, l’optimisation fiscale demeure grâce aux failles et à la concurrence que ces différences de taux introduisent entre les pays et prive les finances publiques de nombreux pays de recettes légitimes. L’Ocde confirme d’ailleurs que « ces données témoignent néanmoins de la nécessité de poursuivre la résolution des problèmes de BEPS (acronyme anglo-saxon pour l’« érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices ») qui subsistent, à travers une action multilatérale », et ce d’autant plus que la numérisation de l’économie et des administrations pourrait encore faciliter ces pratiques inéquitables. Ceci, même si des réunions internationales (Ocde, G20) existent et en traitent depuis 2 ou 3 décennies.

Selon l’agence Reuters, ces éléments renforcent d’autant plus, pour l’OCDE, la nécessité de conclure les négociations en cours entre près de 140 pays pour réformer de la fiscalité transfrontalière et définir un taux d’imposition minimale des sociétés à l’échelle internationale. Et un accord sur ce point serait censé intervenir d’ici la fin de l’année. À voir !


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