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La fraude sociale aux cotisations

mercredi 1er février 2023

La France renforce ses connaissances sur le travail dissimulé avec le dernier rapport du HCFIPS (Haut conseil du financement de la protection sociale), créé en 2012, chargé d’établir un état des lieux du système de financement de la protection sociale, cinq ans après les avancées statistiques du rapport du CNIS (Conseil national de l’information statistique). Ce système a vocation à mesurer l’impact du travail dissimulé du point de vue des cotisations éludées mais aussi des prestations servies dès lors qu’elles sont impactées par la dissimulation de tout ou partie de revenus.

Travail dissimulé, fraude sociale et manque à gagner : le travail dissimulé est une des composantes du travail illégal en violation d’obligations commerciales, fiscales ou sociales. Les infractions de travail dissimulé se répartissent en deux grandes catégories : la dissimulation totale ou partielle d’emploi salarié. Le travail dissimulé est défini comme « une dissimulation d’activité ou une dissimulation d’emploi salarié intentionnelle » :

  • Qu’il s’agisse de l’exercice à but lucratif d’une activité ou une dissimulation d’emploi salarié intentionnelle,
  • D’une activité économique non déclarée,
  • Pour un employeur, de ne pas faire la déclaration préalable à l’embauche, de ne pas délivrer un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

D’autres champs plus larges que le travail dissimulé peuvent être envisagés : la fraude ou le manque à gagner, l’économie non observée…

  • Le manque à gagner pour les finances publiques (en termes de recettes sociales ou fiscales ou en termes de prestations).
  • La fraude quand elle requiert le caractère intentionnel, comme pour le travail dissimulé mais peut résulter aussi d’activités n’entrainant pas de dissimulation d’activité économique ou d’emploi (résultant du choix de majorations des provisions comptables).
  • L’économie non observée (ENO), concept qui vise à repérer la part de l’activité économique qui échappe aux statisticiens et qui doit faire l’objet de redressements pour assurer l’exhaustivité des agrégats de comptabilité nationale, dont le produit intérieur brut (PIB).

L’évaluation des cotisations éludées pour le secteur privé non agricole : les résultats reposent sur la base d’une évaluation « tous secteurs » réalisée en 2011-2012. En 2021, Le montant des cotisations éludées en lien avec la seule fraude relative au travail dissimulé est, quant à lui, estimé entre 1,7 % et 2,1 % des cotisations déclarées.

  • Hors travail dissimulé de 0,5 % à 0,6 % dont redressements de 0,7 % à 0,8 % et restitutions de -0,2 % à -0,1 %.
  • La difficulté d’auditionner un nombre de salariés suffisants pendant la pandémie 2020-2021 a entraîné deux ans de suspension.
  • L’augmentation en 2021 du travail dissimulé ne doit pas être analysée comme une intensité de la fraude mais comme le simple reflet de la dynamique de la masse salariale.
Année de références En taux En montant
Montant total des cotisations éludées /
Montant total des cotisations déclarées et éludées
Milliards d’euros
Régime général Régime général et Unedic
2012 2,2 % à 2,6 % 4,5 à 5,5 5,2 à 6,3
2019 2,2 % à 2,7 % 5,2 à 6,5 5,7 à 7,1
2020 2,2 % à 2,7 % 4,7 à 6 5,2 à 6,6
2021 2,2 % à 2,7 % 5,1 à 6,4 5,6 à 7,1

En complément du tableau ci-dessus, l’intégration des retraites complémentaires AGIRC-ARCO dans le périmètre de l’extrapolation conduirait à une évaluation comprise entre 7,3 et 9,2 milliards en 2021 (source Urssaf).

Le secteur privé agricole : sur le secteur agricole, la CCMSA (caisse centrale de la mutualité sociale agricole), avait estimé en 2019 le manque à gagner en cotisations à 0,5 Md€. Ces travaux se sont poursuivis en 2022.
La caisse centrale a fait le choix de méthode d’estimation économétrique à partir de contrôles ciblés, pour limiter les coûts liés à la mobilisation des contrôleurs.

Les travaux sur le secteur privé ont été complétés en 2020 par les premiers résultats sur les travailleurs indépendants (les classiques et les micro-entrepreneurs). Depuis 2021 une analyse spécifique porte sur les utilisateurs de plateformes. Selon la dernière évaluation, la part de cotisations éludées serait comprise entre 17 % et 26 % en 2020, soit un montant de cotisations éludées de l’ordre de 570 M€ à 1 Md€ en 2020 (entre 1 Md€ et 1,5 Md€ en 2021).

Les résultats sur les micro-entrepreneurs : depuis 2011, plusieurs campagnes de contrôles ont eu lieu. La forte augmentation entre les estimations 2020 et 2021 est liée au dynamisme du nombre de micro-entrepreneurs (2,23 millions en 2021 soit près de 300 000 de plus sur un an) et du chiffre d’affaires afférent, ce dernier ayant fortement baissé en 2020 dans le contexte de la crise sanitaire.

  • En 2021, le chiffre d’affaires déclaré par les micro-entrepreneurs s’établit à 21,66 milliards d’euros, soit 34 % de plus qu’en 2020.
  • Les résultats sont significativement plus élevés dans la construction, quel que soient le niveau du chiffre d’affaires.

Le chiffrage sur le champ des micro-entrepreneurs utilisateurs de plateformes : il y a obligation pour les opérateurs de plateformes d’adresser annuellement à l’administration fiscale un document récapitulant l’ensemble des opérations réalisées par les utilisateurs de ces sites (loi d’octobre 2018) :

  • Les données collectées par la DGFIP sont transmises annuellement à l’URSSAF. Celle-ci procède à des comparaisons de données avec le système d’information de la branche du recouvrement.
  • Comme évoqué en 2021, la qualité des données transmises par les plateformes est insuffisante même si la qualité des données s’améliore chaque année. Lorsque l’activité ne nécessite pas l’obtention de SIREN, certaines données sont manquantes.
  • Sur la population des utilisateurs de plateforme avec SIREN en 2021 et 2022, les deux-tiers de la population a un chiffre d’affaires déclaré à l’URSSAF inférieur aux montants des transactions enregistrées par les plateformes. Près de la moitié d’entre eux n’ont rien déclaré (90 % pour les VTC et 73 % pour les livreurs à domicile).
  • Les montants non déclarés représentent 814 M€ en 2021, soit 144 M€ de cotisations. Il y aurait intérêt d’étudier la systématisation d’un précompte par les plateformes. L’analyse de l’augmentation des fraudes en 2020 nécessite des travaux complémentaires qui seront lancés en 2023.

La connaissance des résultats est biaisée par la crise sanitaire, car le plan 2021 a consisté à contrôler essentiellement les chiffres d’affaires 2020. La campagne 2023 portera sur un plus vaste ensemble de secteurs permettant de mieux renouveler les données. Plusieurs modifications seront introduites pour mieux contrôler les micro- entrepreneurs (échantillon plus grand, non exclusion des entreprises ayant déclaré un chiffre d’affaires nul, modification du plafond…). Mais, on le voit, la fraude sociale pèse lourd !


Références