Changements technologiques, numérique, etc. transforment l’organisation et les formes du travail et permettent le travail à distance, et le travail rémunéré « à la pièce ». De nombreuses innovations sont faites par des start up, des indépendants. Les statuts intermédiaires entre le salariat classique et le travail indépendant se multiplient dans de nombreux secteurs, tels les transports de personnes, le numérique, l’édition, etc. prenant des formes variées telles le portage, les autoentrepreneurs, le système uber, vtc… Une vraie question est celle de l’indépendance réelle du travail ou de la subordination économique et non plus juridique à un donneur d’ordre, ce qui a pour effet de supprimer la protection sociale. Or, dans beaucoup de ces réalités de travail, l’autonomie est très limitée. La question cruciale reste bien, celle de la protection sociale de ces travailleurs, alors que le système est encore complètement cloisonné entre la protection sociale des salariés et celle des indépendants.
Subordination, protection sociale, formation
L’existence de professionnels autonomes n’est pourtant pas nouvelle : dans les fonctions de formateurs, de consultants… par exemple. Les mêmes peuvent avoir été salariés, ou le (re)devenir ensuite, ou le vivre en parallèle. Mais, dans les formes récentes de travailleurs indépendants, aux qualifications différentes, se posent les problèmes de subordination, implicite mais totale, avec souvent un seul donneur d’ordre, dépendants d’une plateforme numérique, avec des tarifs trop faibles : les liens de subordination juridique sont souvent remplacés par des liens de subordination commerciale. Et ces plateformes se donnent le droit de sanctionner sans recours un ou des indépendants en les déconnectant. Aussi, ces derniers mois, les conflits se sont multipliés, de Uber, aux USA et au Canada, aux VTC chez nous. Les premières requalifications en emplois salariés (Californie, Angleterre) ont été accordées en justice.
Ces nouveaux travailleurs concentrent donc de gros problèmes de protection sociale, sans allocations de chômage en cas d’arrêt de leur activité, un manque de protection sociale pour la santé et la retraite, il n’y qu’à penser à la faiblesse du RSI, régime social des indépendants. Ils buttent aussi jusqu’à présent sur la difficulté d’accéder à des formations continues, à des actions de qualification. Ils doivent financer une assurance professionnelle… Et quid en cas d’accident au travail ? Ces nouveaux travailleurs n’ont jusqu’à présent accès à aucune forme de dialogue social pour traiter ces questions.
Face à cette complète insécurité, la question de leur organisation collective pour se défendre et pouvoir négocier des garanties collective devient évidente.
Syndicalisation
Aussi, face à ces travailleurs sans protection, les premières associations de défense des chauffeurs ont été créées, mais rapidement des syndicats ont vu l’utilité de commencer à apporter à ces travailleurs un soutien, une structure d’aide. Existent maintenant l’UNSA VTC et la CFDT VTC, l’ouverture du syndicat des services à la personne de la CGT de Paris aux non salariés du secteur et l’« Union », service que vient de lancer la Fédération communication conseil culture de la CFDT.
Si cela pose le problème de la légitimité des syndicats de salariés pour des travailleurs officiellement indépendants, ce n’est pas une pratique totalement inexistante : depuis longtemps la CFDT syndique les artisans pêcheurs et les patrons pêcheurs artisanaux, les correspondants locaux de presse (non salariés du journal), la CGT les taxis, salariés ou indépendants. Le développement du syndicalisme auprès de ces nouveaux travailleurs, encore embryonnaire, est officialisé.
Au niveau européen du syndicalisme, la CES se mobilise aussi pour travailler cette question et vient de lancer un plan d’action pour 2017-2018 car, dit-elle « Un des principaux défis du mouvement syndical en Europe est de mieux couvrir et protéger ces travailleurs qui se situent dans une frange (sans doute grandissante) du marché du travail. Nous devons nous assurer que ces travailleurs indépendants aient le droit de négocier et d’être couverts par des conventions collectives, tenant compte des structures existantes de négociation collective. Une meilleure protection doit leur être garantie. »
Ainsi, face aux changements du monde du travail, toutes les structures sociales sont questionnées sur leur coupure traditionnelle entre celles qui s’occupent des salariés et celles qui gèrent les indépendants alors que les formes de travail se multiplient, se chevauchent, s’interfèrent. La réforme du droit et le développement de négociations sociales sont indispensables.
Les premières rencontres des plateformes et des représentants des VTC viennent de se dérouler. Nous n’en sommes qu’au début !