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Se reconvertir, c’est du boulot !

samedi 16 avril 2022

Un titre rigolo mais un dossier sérieux présenté par le CEREQ sur les reconversions professionnelles entre 2015 et 2019. Et un enjeu qui reste d’actualité lorsque l’on évoque les changements du marché de l’emploi et ses tensions à la suite de la pandémie. Qui veut changer de métier ? Le résultat d’une reconversion est-il le même que l’on soit cadre ou travailleur non qualifié ? Enfin et surtout une reconversion conduit-elle à retrouver un emploi ? Réponses dans l’enquête.

Quatre ans d’observation entre 2015 et 2019

On sait que les reconversions sont au centre des enjeux actuels dans un marché de l’emploi malmené. Mais, c’était aussi un sujet dans « le monde d’avant » et beaucoup n’ont pas attendu la crise pour vouloir changer de métier ou de profession. L’enquête Défis du CEREQ explore une fenêtre d’observation de 4 ans, entre 2015 et 2019. Elle dresse un bilan des parcours de reconversion, les replace dans le contexte des entreprises d’origine, recherche la dynamique où se fabrique l’idée d’une reconversion et enfin nous éclaire sur les ressorts, les contraintes et les résultats des reconversions en 2019.

Changer de métier

En 2015, selon l’enquête, changer de métier est le souhait de 33 % des salariés. Ce sont les salariés dans les emplois peu qualifiés qui aspirent le plus à ce changement (39 %) contre 32 % des ouvriers et employés qualifiés et 29 % des cadres et professions intermédiaires. Ces souhaits marquent une insatisfaction commune devant la situation professionnelle mais cette insatisfaction est de portée et de nature différente selon la catégorie socioprofessionnelle et la personne concernée. Elle peut être une réponse aux aléas professionnels (fermeture d’entreprise, crainte de licenciement…), un refus du déclassement et des conditions d’emploi dégradées mais elle peut aussi révéler une quête de sens et des aspirations plus fréquentes à laisser davantage de temps à sa vie personnelle.

Choisie ou contrainte ?

Plusieurs signaux tendent à montrer que c’est quand l’emploi est en jeu que la reconversion s’impose, c’est-à-dire comme l’écrit le rapport « dans une situation contrainte, une position défensive. Se lancer dans une reconversion est plus rarement pensé de manière préventive, en dehors de toute menace, ou en réponse à des conditions de travail dégradées ».

Cependant, les auteurs indiquent que c’est d’autant plus facile de se projeter dans une reconversion que l’entreprise a établi un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) intégrant un plan de reclassement. Du grain à moudre pour les syndicats ! Le plan pour être efficace doit contenir des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience (VAE) ou de reconversion pour faciliter le reclassement interne ou externe des salariés.
C’est plus souvent dans un tel contexte que les ouvriers ou les employés non qualifiés sont amenés à envisager une reconversion. C’est aussi le cas dans l’hôtellerie-restauration ou la construction.

Cependant le rapport fait émerger une différence avec les ouvriers et employés qualifiés et les cadres et professions intermédiaires. Le souhait de reconversion intervient moins souvent de manière brutale pour ces catégories. Comptent en particulier le sentiment de déclassement et pour les cadres la recherche d’un travail plus intéressant, moins souvent en flux tendu, ainsi que la volonté de mieux concilier vies personnelle et professionnelle. Ce sont des raisons qui ne s’imposent pas comme priorités absolues pour les salariés en emploi peu qualifié.

Pour quel résultat ?

En 2015, selon l’enquête du CEREQ, sur 100 salariés, 33 souhaitent changer de métier ou de profession. Quatre ans plus tard, 10 d’entre eux réalisent leur reconversion, 9 occupent un emploi, 7 sont en emploi stable et 4 dans leur entreprise d’origine. En fait, on l’a vu, ce sont les salariés en emploi peu qualifié qui ont le plus d’aspirations à se reconvertir mais leurs taux de réussite sont plus bas que ceux des cadres et professions intermédiaires sans que la différence soit imposante. Ainsi 39 % des cadres et des professions intermédiaires aspirant à une reconversion réalisent leur reconversion entre 2015 et 2019, contre 29 % des ouvriers et employés qualifiés et 31 % des ouvriers et employés non qualifiés.

Le CESE (Conseil économique, social et environnemental) avait déjà pointé un accès inégalitaire aux dispositifs de reconversion longue et avait plaidé pour un renforcement des droits réels à des formations ambitieuses dans une logique préventive, déconnectée du droit au licenciement.

En conclusion, les auteurs attirent l’attention sur une des évolutions récentes de notre législation sociale. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018 et le Plan d’investissement dans les compétences (PIC) ont déployé des instruments que le Plan de relance a renforcés. Ainsi, depuis l’été 2020, les reconversions vers les métiers en tension ou les métiers d’avenir représentent un enjeu fort pour accompagner la sortie de crise provoquée par l’épidémie de Covid-19 et faire face aux mutations numérique et écologique.

Or pour le CEREQ, de telles orientations sont ambivalentes car « elles oscillent entre volonté de faire plus de place à l’initiative et à la liberté et le souci d’orienter les reconversions vers les métiers d’avenir ou en tension ». Pour les auteurs cela crée un climat d’incertitudes pour les personnes et les services ayant à traiter des reconversions.


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