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Un rapport de la DARES pose la question des plateformes

mercredi 27 septembre 2017

Un rapport de la DARES de juillet 2017 fait un point exhaustif des questions posées par le développement des plateformes collaboratives qui bousculent l’économie de nombreux secteurs économiques, interpellent les questions sociales et posent des questions redoutables en matière de protection sociale.

Un phénomène difficile à qualifier…
La diversité des plateformes collaboratives, les domaines tout aussi variés impactés, les rapports entre les plateformes, les offreurs et les demandeurs aussi différents d’une plateforme à l’autre ou d’un secteur à l’autre rendent compliquées les tentatives de classifications. Le rapport tente toutefois de faire quelques distinctions éclairantes.

Tout d’abord, il propose de faire la distinction entre une économie de partage basée sur la confiance, l’égalité de statut, la coopération et des motivations non marchandes et les plateformes de biens et services marchands qui ont un but purement lucratif et jouent un rôle de lien actif et rémunéré entre offreurs et demandeurs. C’est cette dernière catégorie qui fait spécifiquement l’objet de cette étude.

Ces plateformes se caractérisent par une relation triangulaire et marchande entre offreurs, demandeurs et la plateforme qui touche une commission, l’implication de cette dernière dans la qualité ou le prix du produit échangé, et son rôle actif de régulation notamment au travers de la notation.

… et à quantifier

Difficile en effet de mesurer l’ampleur du phénomène en raison d’un manque de base de calcul. Quelques ordres de grandeurs sont donnés qu’il faut toutefois appréhender avec beaucoup de prudence.

En France, la part des non-salariés a augmenté notamment avec les autoentrepreneurs souvent membres des réseaux des plateformes. La part des non-salariés reste toutefois très minoritaire chez les actifs : moins de 3 % des personnes déclarant des revenus.

Le rapport constate une hausse forte des créations d’entreprises dans le secteur des « transports et entreposages » (par exemple +45,8 % en 2015). Les logements de tourisme loués à des particuliers ont aussi progressé de 29,9 % entre 2015 et 2016.

Par ailleurs, une étude de l’IGAS indique qu’AirBnB, Uber et Hopwork totaliseraient 174 000 travailleurs collaboratifs en France dont 140 000 hôtes AirBnB. Enfin, même s’il faut prendre ces chiffres avec précaution, l’économie participative fournirait plus de 50 % des revenus à 5,2 % des français (12 % chez les 25-34 ans) et le chiffre d’affaires des plateformes serait de l’ordre de 7 milliards d’euros, soit 0,3 % du PIB.

Les plateformes sont-elles une opportunité pour la croissance ?

En utilisant les équipements des particuliers, elles rentabilisent facilement leur capital. Parallèlement, elles procurent des gains de pouvoir d’achat aux utilisateurs qui peuvent être reportés sur d’autres achats. Elles sont sensées améliorer le fonctionnement des marchés en mettant en relation un grand nombre d’acteurs, en leur facilitant l’entrée et favorisant l’information réciproque de ceux-ci au travers des procédures d’évaluation. Le rapport pointe aussi qu’elles peuvent constituer une alternative à la réglementation publique au risque de la contourner pour le « bien-être collectif ». Le développement des plateformes peut aussi être une source d’innovation et de développement de nouvelles compétences notamment entrepreneuriales.

Mais à contrario, l’essor de ces plateformes vient directement en concurrence, le plus souvent déloyale, avec des secteurs traditionnels faute de réglementation et de régulations nouvelles des secteurs concernés.

En conclusion, le rapport s’interroge : « L’enjeu est bien de savoir si, au final, l’émergence de ces nouveaux acteurs apportent des gains collectifs ».

Impact sur la qualité de l’emploi

Même si les emplois semblent satisfaire certains types de travailleurs intéressés par une plus grande flexibilité, il n’en reste pas moins que la balance pèse en direction d’une dégradation de la qualité des emplois.

Sans surprise, l’auteure du rapport, Olivia Montel, constate que l’économie des plateformes « peut faire voler en éclats le statut de salarié basé sur l’échange entre subordination à l’employeur et en contrepartie nombreuses garanties matérielles ». Ce sont les travailleurs des plateformes qui supportent les risques liés à leur activité (investissement, incertitude du revenu, conditions de travail, etc.). Impossible pour eux de revendre leur outil de travail pour leur retraite. Par ailleurs leurs revenus ne permettent pas faire face aux risques professionnels. Ils échappent bien évidemment aux dispositifs de limitation des risques, normes, contrôles et Instances représentatives notamment en matière de santé et sécurité au travail. Par ailleurs, ils sont le plus souvent dépendants d’une ou des plateformes qui les emploient.

Pour défendre leurs intérêts, les travailleurs des plateformes commencent à s’organiser soit à l’initiative des syndicats (le rapport cite l’implantation de l’UNSA dans les VTC) ou des plateformes elles-mêmes. C’est aussi le cas à l’étranger notamment en Allemagne. La Loi El Khomri a donné à ces travailleurs la possibilité de faire grève et de s’organiser. La circulaire d’application du 8 juin 2017 précise le champ d’application, le contenu et les modalités de mise en œuvre des droits sociaux minimaux dont bénéficient désormais les travailleurs indépendants qui utilisent une plateforme.

Quels défis pour les pouvoirs publics ?

Le rapport propose quelques pistes de réflexion ou d’orientation pour tenter de mieux réguler cette nouvelle économie et en premier lieu adapter les outils statistiques. Les autres propositions sont dans la ligne des précédents rapports parlementaires et de l’administration en matière de situation des travailleurs, de protection sociale, et de médiation des acteurs.

La lecture de ce rapport démontre qu’il y a urgence pour les pouvoirs publics à mettre de l’ordre dans un secteur qui risque de se développer en contournant les règles et au détriment des milliers de travailleurs collaboratifs mais aussi ceux des secteurs traditionnels qui sont impactés.


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