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Augmenter les salaires : les patrons se défaussent-ils sur les primes ?

mardi 13 juin 2023

Les primes mises en place par l’État depuis 2019 pour répondre à la crise du pouvoir d’achat, avec la PPV (prime du partage de la valeur) en juillet 2022 qui succède à la Pepa (prime exceptionnelle de pouvoir d’achat) permettent aux entreprises de pouvoir verser jusqu’à 3 000 euros de primes par année et par salarié (6 000 euros en cas d’accord d’intéressement) exonérées de cotisations sociales et défiscalisées. Entre juillet et décembre 2022, plus de 30 % des salariés (près de 6 millions de salariés) en ont bénéficié. Le salaire mensuel de base (SMB), première ligne sur la feuille de salaire, correspond au salaire brut avant déduction des cotisations sociales, il ne comprend pas les primes. Son faible dynamisme au 4ème trimestre 2022 est-il la conséquence du choix d’un effet d’aubaine de la part des employeurs ? C’est ce que soutient la note de conjoncture de mars 2023 de l’INSEE.

Les dispositifs de Pepa et de PPV : au premier trimestre 2019, tous les employeurs pouvaient verser jusqu’à 1 000 euros de primes désocialisées et défiscalisées par salarié ayant une rémunération annuelle inférieure à 3 fois le Smic.

  • Le dispositif Pepa a été réactivé au premier semestre 2020 (avec un plafond relevé à 2 000 euros) uniquement pour les entreprises ayant un accord d’intéressement, avant d’être étendu fin mars 2020, dans le contexte de la crise sanitaire, à l’ensemble des entreprises.
  • Entre juin 2021 et mars 2022, le dispositif Pepa a été reconduit.
  • Depuis juillet 2022, la prime du partage de la valeur (PPV) remplace la Pepa. Elle étend le dispositif à l’ensemble des salariés (mais la prime est défiscalisée uniquement pour les salariés ayant une rémunération inférieure à 3 fois le Smic).
  • La PPV triple les plafonds de versement (3 000 euros de prime maximum par année civile dans le cadre général et 6 000 euros en cas d’accord d’intéressement), sur une période allant jusqu’à décembre 2023.

Les montants massifs de PPV versés ont contribué à l’accélération du salaire moyen par tête (SMPT) en fin d’année 2022 : dans les branches marchandes non agricoles, il a augmenté de 1,7 % au 4ème trimestre 2022, après +0,7 % au trimestre précédent. Les employeurs du privé (hors secteur agricole) ont versé 4,1 milliards d’euros aux salariés durant cette période (dont 3,5 milliards rien qu’au quatrième trimestre) avec ce dispositif, soit environ 800 euros par salarié bénéficiaire en moyenne.

  • La prime PPV ne peut pas, en théorie, se substituer à des augmentations de rémunération ni à d’autres primes.
  • L’analyse des dispositifs passés montre qu’en l’absence de cette mesure, des employeurs auraient sans doute versé, sous forme différente, une partie de la prime PPV à leurs salariés.
  • L’impact du dispositif sur la hausse des salaires au 4ème trimestre 2022 est sans doute inférieur au montant versé par les entreprises au titre de cette prime (effet d’aubaine).
  • C’est ce que suggère le faible dynamisme, au regard des trimestres précédents et du contexte de forte inflation, du salaire mensuel de base (SMB) en fin d’année qui ne comprend pas la PPV ni les autres primes versées aux salariés.
  • Les salaires de base (comptabilisés sans les primes) augmentent plus faiblement.
  • Le salaire a augmenté de 0,8 % au quatrième trimestre 2022 après +1,0 % au trimestre précédent. En 2022, les augmentations de salaires sont restées inférieures à l’inflation.
  • On estime que les versements de PPV se seraient substitués, à hauteur d’environ 30 % en moyenne, à des revalorisations du salaire de base.

L’ampleur des versements de PPV qui auront lieu en 2023 ainsi que le potentiel effet d’aubaine associé constituent un fort aléa pour la prévision des salaires au premier semestre 2023 : dans le scénario central retenu par cette note de conjoncture de mars 2023, qui s’appuie sur les premières observations des versements du mois de janvier, l’hypothèse retenue est celle d’une forte baisse des versements de PPV au premier trimestre 2023 (vu l’ampleur des montants au quatrième trimestre 2022), puis d’une relative stabilisation au quatrième trimestre 2023. En fin d’année, les versements de PPV en 2023 permettront d’y voir plus clair.

La structuration des salaires doit se négocier dans les branches professionnelles. Selon le ministère du Travail, près de 45 branches ont des grilles de salaires de rémunération avec des minimas de branches inférieurs au Smic. Même si l’employeur est obligé de compenser l’écart, cet écrasement des premiers niveaux de branche a une incidence sur l’évolution des rémunérations salariales de la grille :

  • Les récentes hausses successives du SMIC (+2,2 % en octobre 2021, +0,9 % en janvier 2022, +2, 65 % en mai 2022) nécessitent des négociations des grilles de classifications de salaires des branches professionnelles. Si les revalorisations automatiques du Smic ont pu faire progresser le salaire minimum de 5,6 % entre les troisièmes trimestres 2021 et 2022, les salaires de base ont progressé seulement de 3,7 % pendant la même période.
  • Afin d’inciter les branches à négocier sur les salaires, le gouvernement menace de les fusionner si elles ne le font pas (impossible aujourd’hui en l’état actuel du droit).

L’accord sur le partage de la valeur de février 2023 (signé par la majorité des syndicats et du patronat) réaffirme que le salaire est l’élément principal de la reconnaissance du travail et des compétences mises en œuvre par les salariés. Il confirme le principe de la non-substitution du partage de la valeur (participation, intéressement, PPV) aux salaires.

  • On ne peut substituer ces revenus aléatoires aux augmentations de salaire.
  • Concernant la prime de partage de la valeur (anciennement Pepa), l’accord propose que les sommes versées puissent se retrouver sur un PEE ou un PER.

Certains syndicats demandent à l’État de conditionner les aides publiques à une négociation dans les branches professionnelles afin d’obtenir, pour l’ensemble des classifications de la grille, des minimas sociaux au-dessus du Smic. La CFDT, signataire de l’accord ANI sur le partage de la valeur avec la CFTC, FO, CGC (la CGT refusant de signer), déclare

« La question du pouvoir d’achat au quotidien se résout par le salaire. Les dispositifs sur la valeur ajoutée permettent aux salariés d’avoir une épargne longue. Nous serons vigilants pour que ces dispositifs souples et défiscalisés ne se substituent à une véritable politique salariale de moyen et long terme, seul gage d’amélioration pérenne du pouvoir d’achat ».


Références