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Les partenaires sociaux généralisent le partage de la valeur

samedi 1er avril 2023

L’expression de partage de la valeur désigne la répartition de la valeur ajoutée entre le travail, c’est-à-dire la rémunération des salariés, et le capital, soit la rémunération des actionnaires ou propriétaires d’entreprises. Le niveau de cette répartition a de tous temps été très débattu entre salariés et employeurs et il a été modifié au fur et à mesure des situations économiques, en montée pour le travail jusqu’en 1985, en baisse ensuite jusqu’en 1990 et resté depuis à ce niveau.

Cette année, en raison de l’inflation et de l’évolution profonde de l’économie, le gouvernement a proposé aux partenaires sociaux d’entrer en négociation sur le sujet. Alors qu’il s’agissait d’un sujet difficile – le nerf de la guerre – entre partenaires sociaux, que le patron du Medef l’avait qualifiée de « négociation impossible » et que beaucoup en prédisaient l’échec, après 11 séances de négociation ces derniers sont parvenus à un accord à la dernière séance le 10 février 2023. Quatre syndicats l’ont signé (Cfdt, Cftc, FO, CGC) ainsi que les 3 instances patronales (Medef, Cpme, U2P). Comme quoi, même sur des sujets délicats, les partenaires sociaux savent trouver des compromis positifs quand on les laisse faire !

Une obligation de partage de la valeur pour les petites entreprises qui font des bénéfices

Alors que le patronat ne voulait pas de généralisation des formules existantes de partage de la valeur pour les petites entreprises, l’accord aboutit à l’obligation, pour les employeurs de sociétés de 11 à 49 salariés ayant un bénéfice net au moins égal à 1 % de leur chiffre d’affaires pendant 3 ans de suite, de mettre en place un dispositif de partage de la valeur, intéressement, participation ou plan d’épargne salariale (PEE ou autre) dès le 1er janvier 2025 (à partir des bénéfices de 2022, 2023 et 2024). L’expérimentation est prévue pour 5 ans, avec une demande de suivi des accords par le ministère du Travail et un bilan paritaire 6 mois avant la fin des 5 ans.

La négociation obligatoire par les branches d’un dispositif de participation clés en mains d’ici le 30 juin 2024 en facilitera la mise en place par les employeurs qui choisiront de s’en servir ; ils pourront aussi négocier un accord dans l’entreprise. Et ces accords pourront déroger à la formule légale actuelle de calcul de la participation, en plus ou en moins. Pour les moins de 11, cela reste une possibilité facultative.

Autres mesures de partage de la valeur

Des simplifications sont contenues dans l’accord. Les règles de franchissement des seuils d’effectifs pour l’obligation de la participation seront assouplies. Et l’accord propose de mettre fin à la règle qui reporte de 3 ans l’obligation de mettre en place la participation quand existe un accord d’intéressement.

Mais aussi, en cas de résultats exceptionnels, l’accord ajoute pour les entreprises de 50 et plus l’obligation de négocier un supplément de participation ou d’intéressement, ou une clause particulière dans une nouvelle négociation d’accord, sauf dans les entreprises au-dessus des règles de calcul de la participation.

D’autre part les primes de partage de la valeur (PPV) pourront être versées sur un PEE (plan d’épargne entreprise) ou PER (plan d’épargne retraite). Il pourra y en avoir distribution de 2 par an, tout en restant dans la limite du montant plafond.

Également l’accord met en avant 4 principes pour une même compréhension paritaire du partage de la valeur dans les futures négociations des branches et entreprises sur ce sujet :

  • Un engagement sérieux et loyal des 2 parties dans ces négociations ;
  • Le principe est affirmé de la non-substitution du partage de la valeur (participation, intéressement, PPV) aux salaires ; essentiel pour les syndicats qui peuvent craindre la substitution de ces revenus aléatoires aux augmentations de salaires ;
  • L’utilisation des informations présentes dans la BDESE ;
  • La possibilité d’attribuer des compléments salariaux par le biais de tickets restaurants, chèques vacances ou autres chèques cadeaux dans le cadre du partage de la valeur.

Les autres dispositions

 Classification et mixité des métiers
Au-delà du partage de la valeur, les branches qui n’ont pas revu leur système de classification depuis plus de 5 ans devront le faire dans l’année, et y introduire l’examen de la mixité des métiers par l’analyse de la rémunération (classifications et aussi métiers repères). Il serait possible de demander aux observatoires de branches sur les métiers (OPMQ) de faire l’analyse de la répartition des salaires selon les niveaux de la grille de classification et de salaires.

 Épargne salariale
L’accord ajoute 3 nouveaux motifs de déblocage anticipé de l’épargne salariale : la rénovation énergétique de son logement, les besoins financiers en tant que proche aidant, l’achat d’un véhicule propre. Il propose aussi la possibilité d’abondement de l’employeur pour un PEE ou PER déplafonné, au niveau de la PPV. Ainsi que l’obligation, pour les gestionnaires de fonds pour l’épargne salariale des salariés, de proposer 2 fonds d’épargne responsable labellisés.

 Actionnariat salarié
L’accord souhaite aussi favoriser et sécuriser l’actionnariat salarié et, en cas de non existence, la négociation d’un « plan de partage de la valorisation de l’entreprise » pour tous les salariés ayant un an d’ancienneté et plus avec versement d’un montant au bout de 3 ans.

La position des syndicats

La Cfdt a la première consulté ses instances et signé. Pour elle, il y a des points positifs, « plusieurs avancées », même si elle reste en désaccord avec le maintien de la PPV, elle insiste sur le caractère « normatif », c’est-à-dire d’obligation, de l’accord, ce qui n’avait pas été le cas depuis assez longtemps. La Cftc confirme la présence de quelques avancées, « même si celui-ci n’est pas aussi ambitieux que la situation du pays ne l’exige ». FO signe également, au vu de l’évolution du texte, « bien qu’il ne réponde pas aux ambitions portées par l’organisation en matière notamment de salaire ». La dernière, la CGC apporte à son tour sa signature (avancée pour les salariés des PME, fléchage de l’épargne salariale vers des investissements responsables…) mais continuera à défendre les questions de salaires, de fiscalité et d’investissements des entreprises.
Pour la CGT ce sera non : « Nos propositions n’ont pas suffisamment été prises en compte, notamment concernant les salaires et le partage réel des richesses ».

Ainsi, l’accord est validé car les organisations signataires sont majoritaires au niveau de la représentativité. Aussi les signataires tiennent-ils à ce que le futur projet de loi respecte le texte de l’accord, ce que la Première ministre a assuré.
En effet, en plus du contenu avec l’extension du partage de la valeur aux sociétés de 11 à 49 salariés, de négociations supplémentaires en cas de résultats exceptionnels, l’importance de l’accord est de montrer, à un moment de conflit social et d’opposition des syndicats au gouvernement sur la réforme des retraites, que le passage par la négociation sociale permet d’aboutir à des accords sociaux même sur des sujets difficiles.


Sources