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Baromètre dialogue 2022 : une année morose pour les syndicats et le dialogue social

mercredi 5 avril 2023

Après deux années d’amélioration, dans un contexte plutôt morose, l’image des syndicats et celle du dialogue social s’est un peu dégradée pendant la fin d’année 2022. C’est ce qui ressort du baromètre [1] réalisé par l’institut de sondage Ipsos pour le compte de l’association Dialogues et le Cevipof (Sciences Po). Mais l’action des syndicats pendant ce conflit social sur la réforme des retraites a très nettement réinversé la tendance.

Un contexte morose

Plus positif depuis 2019, l’état d’esprit des salariés est passé à la morosité en cette fin de 2022. Ainsi, quand on leur demande de caractériser leur état d’esprit dans la période, ce sont plutôt les qualificatifs négatifs qui l’emportent à 64 % sur 58 %. Les salariés font état de lassitude (35 % ; +3 pts par rapport à 2021), d’inquiétude (29 % ; +3 pts). Globalement les qualificatifs positifs sont en net retrait : confiance (30 % mais -5pts), enthousiasme (21 % ; -5 pts) ; espoir 19 % ; -3 pts). Seul point positif, ils citent « épanouissement » plus souvent que l’an passé (23 % ; +3 pts). Les qualificatifs méfiance, colère et dépression heureusement moins cités sont stables ou en progression.

Les salariés jugent aussi leur situation dégradée par rapport à 2019. Si pour 52 % d’entre eux elle est restée stable, 39 % la trouvent moins bonne. C’est 5 points de plus qu’en 2021.

L’image des syndicats et du dialogue social au diapason de l’état d’esprit des salariés

Avec 36 % des salariés qui leur font confiance (-3 pts par rapport à 2021), l’image des syndicats reste très en deçà de celle pourtant à la baisse des acteurs ou institutions qui ont la cote des Français (les collègues, les PME, la sécurité sociale, etc.). Elle reste toutefois meilleure que celle des médias (31 %), des réseaux sociaux (16 %) ou des partis politiques (13%).

Cette perception est confirmée quand ils sont 64 % (+2 pts) à penser que l’action syndicale est inefficace pour réformer. De même pour influencer la direction de leur entreprise, ils pensent toujours à 42 % (-2 pts) qu’il est beaucoup plus efficace de s’adresser à la hiérarchie immédiate que d’utiliser les moyens de l’action syndicale tel que le vote aux élections professionnelles (20 %) ou se syndiquer (15 %), avec une exception toutefois sur l’utilisation de la grève (31 %) en progression de 3 points par rapport à 2021.

Les salariés reprochent toujours aux syndicats d’être trop politisés (36 %) ou de ne fonctionner que pour eux-mêmes (27 %). Même si elles sont en baisse de 5 points par rapport à l’an passé, ce sont pour les salariés les principales causes de la désyndicalisation. Loin devant la montée de l’individualisme (20 %) ou la peur des représailles des employeurs (19 %).

Ce qu’attendent les salariés des syndicats et des représentants du personnel

Les salariés demandent avant tout à leurs représentants d’être honnêtes (45 % ; -2 pts), un peu moins que l’an passé de relayer la parole des salariés (33 % ; -4 pts), de tenir leurs promesses (31 % ; +2 pts) ou de bien connaître leurs dossiers (30 % ; +1 pt). Ils souhaitent qu’ils soient proches d’eux (23 % ; +4 pts) et accessibles (19 % ; +1 pt). Ils ne sont que 18 % à leur demander d’être combatifs (-2 pts).

Les travailleurs s’adresseraient principalement aux représentants du personnel pour améliorer leurs conditions de travail (65 %), pour faire face à des licenciements (60 %) ou en cas de problème avec le manager immédiat (50 %).

Plus étonnant, les salariés ne seraient que 43 % à les solliciter pour des augmentations de salaires. C’est d’autant plus inquiétant pour les représentants du personnel que les salariés réclament en priorité cette année des augmentations générales de salaire (66 %) qui est le premier thème de discussion lors des négociations annuelles dans l’entreprise, loin devant l’octroi de primes collectives (31 %) ou plus loin encore de mesures salariales individuelles (28 %).

Proximité pour voter, proximité pour négocier

Quant aux élections des représentants du personnel, 54 % des salariés déclarent avoir participé au vote. Ils votent d’abord parce qu’ils connaissent un ou plusieurs candidats sur les listes (49 %), ensuite en raison de l’étiquette syndicale (37 %) ou moins souvent pour empêcher l’élection d’une autre équipe (9 %).

Quand on les interroge sur le niveau pertinent de dialogue social, les salariés plébiscitent l’entreprise (57 % ; +5 Pts) loin devant la branche (28 %) et encore plus loin devant l’État et le code du travail (15 %). Par ailleurs, ils souhaitent pratiquement tous donner leur avis (90 %) avant ou pendant les négociations qui les concernent.

Des appréciations qui confirment que les salariés ne se désintéressent pas de la vie sociale mais au contraire qu’ils souhaitent y participer soit directement soit par l’intermédiaire de personnes qu’ils connaissent et qu’ils apprécient.



Cette enquête permet de porter un regard lucide sur ce qu’est le dialogue social aujourd’hui et comment il est perçu par les salariés. Elle interroge tous les acteurs. Les organisations syndicales qui doivent pouvoir répondre au défi de la proximité et de l’écoute des salariés. Les employeurs aussi qui, face à une potentielle perte de légitimité des syndicats, en général mais aussi dans les entreprises, se retrouveraient sans interlocuteurs pour négocier, sans « capteurs » pour apprécier la situation de leur entreprise et donc en difficulté à moyen ou long terme sur le plan managérial. Et enfin et peut-être surtout l’État pour qui les syndicats devraient être des interlocuteurs incontournables pour mener sa politique sociale, comme le montre le dernier sondage de Harris interactive qui atteste d’une confiance remontée dès le début de l’année et à 50 % fin mars 2023. Une conclusion qui résonne fortement dans la période.


Source


Notes :

[1Baromètre du dialogue social : 1 710 personnes, constituant un échantillon national représentatif de la population française salariée (du privé et du public hors fonctionnaires) âgée de 18 ans et plus interrogées par Internet du 25 au 30 novembre 2022, exploité selon la méthode des quotas.