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Brexit : Rien ne va plus ! ?

samedi 15 août 2020

Une nouvelle séance de négociation vient de se dérouler à Londres les 22 et 23 juillet pour essayer d’avancer après les blocages de la négociation de fin juin. Les conclusions ne sont pas plus optimistes. Une seule chose est sure, le gouvernement britannique ayant refusé une demande de prolongation des négociations, la sortie définitive de la Grande Bretagne de l’UE se fera au 31 décembre, avec ou sans accord !

Les points de blocage

Les négociations qui ont repris mi-juillet n’ont pas réussi à résoudre les points principaux de blocage, en particulier sur la pêche et sur les conditions « d’une concurrence équitable » c’est-à-dire le respect d’un certain nombre de règles européennes en matière sociale, environnementale et de concurrence concernant les aides d’État, ce que le gouvernement britannique refuse au nom de sa « souveraineté ». Pour le négociateur de l’UE, Michel Barnier, il apparait peu probable qu’un accord puisse être conclu d’ici octobre, si les Britanniques restent bloqués sur l’interdiction totale de pêche des bateaux de l’UE dans leurs eaux territoriales, si les normes essentielles ne sont pas respectées par les Britanniques et s’il n’y a pas de contrôle des aides de l’État qui pourrait entrainer une concurrence déloyale de la part de la Grande Bretagne par rapport à l’UE. Dans le même sens, le Ministre allemand chargé des Affaires européennes a déclaré « …il faut toujours être deux pour danser le tango. Actuellement nous dansons tout au plus sur place ». Le négociateur britannique, David Frost, tente d’afficher un plus grand optimisme même s’il considère qu’il y a des écarts considérables entre les positions. Les négociateurs britanniques sont toujours dans leur partie de poker menteur (certains sortent même la menace d’un non-respect de leur accord financier en refusant de payer les sommes dues à l’UE), en se préparant à une sortie sans accord.

La double peine pour les Britanniques

Bien sûr le prix du Brexit sera supporté par tous les Européens mais les Britanniques vont souffrir plus que les autres. Une étude de la London School of Economics (LES) qui vient d’être publié le 29 juillet prévoit un double choc pour l’économie britannique car les secteurs les plus touchés par la pandémie (tourisme, aviation, Horeca, culture…) ne sont pas les mêmes qui seront touchés par le Brexit (industries…). Il y aura donc un impact simultané du Brexit et du coronavirus qui sera terrible pour les salariés, en particulier dans les régions « rouges » du Centre et du Pays de Galles qui avaient basculé du coté Conservateurs lors des dernières élections…Cette étude s’appuie sur les données collectées par… le CBI (MEDEF britannique). Plus de la moitié du secteur manufacturier envisage des licenciements une fois terminées les aides de l’État liées à la crise sanitaire.

Difficiles préparatifs de sortie…

L’issue fatale du 1er janvier 2021 oblige de toute façon la Grande Bretagne à préparer techniquement les contrôles douaniers avec l’UE qui seront plus ou moins stricts suivant la nature de l’accord conclu ou du non-accord. Dans ce cadre, la situation de l’Irlande du Nord reste toujours très problématique. Pour ne pas remettre en question la paix de « l’accord du vendredi Saint » (Good Friday agreement) d’avril 1998 aucune frontière physique ne devrait être instaurée entre l’Irlande du Nord et la République irlandaise ce qui suppose que les marchandises venant du Royaume Uni vers l’Irlande du Nord doivent être soumis à un contrôle douanier (dans les ports et aéroports nord-irlandais), payer les taxes (comme entre UK et l’UE après la sortie du 31 décembre), récupérer ces taxes si les marchandises restent en Irlande du Nord et les perdre si les marchandises partent vers la République irlandaise membre de l’UE. Le gouvernement de Boris Johnson fera certainement tout son possible pour contourner ces règles car le DUP, parti unioniste irlandais allié de Johnson, ne veut pas entendre parler de « frontière » entre la GB et l’Irlande du Nord qui constituerait une réunification de fait de l’ensemble de l’Irlande…La République irlandaise et l’UE sont extrêmement attentifs au respect de l’accord conclu entre l’UE et la Grande Bretagne face aux, probables, manœuvres dilatoires ou d’esquives du Royaume Uni sur ces contrôles douaniers.
De nouveaux contrôles aux frontières de la Grande Bretagne dans le Kent (Douvres est un point de passage crucial pour le transport maritime et le contrôle du contenu des camions) vont annuler 47 ans de libre circulation des marchandises et le Royaume Uni va ouvrir une douzaine de centres douaniers.
Les syndicats de la Confédération britannique, le TUC, appellent plus que jamais à la conclusion d’un accord entre leur pays et l’UE et au respect des normes sociales héritées de l’Union et dénoncent la possibilité d’un non-accord qui détruirait les droits acquis au sein de l’UE et mettrait en cause des dizaines de milliers d’emplois. La CES demande au négociateur de l’UE, Michel Barnier, de rester ferme sur ce point et d’impliquer les syndicats de l’UE dans la préparation des conditions d’un non-accord.
Les industriels et le patronat britannique (CBI) qui ont fait campagne contre le Brexit s’opposent maintenant à une possibilité de non-accord qui affaiblirait considérablement l’industrie et les services en Grande Bretagne [1].

Qu’attendre du temps qui reste ?

Boris Johnson avait prédit une sortie glorieuse de la Grande Bretagne de l’UE et une ère de développement grâce aux accords bilatéraux que les Britanniques pourraient « enfin » conclure avec les autres pays sans le « carcan » de l’UE. Bien sûr il pensait en premier à un accord UK-US que Trump lui avait fait miroiter. Au mois de juillet une rencontre a eu lieu à Washington entre les ministres du Commerce des deux pays et le résultat a été terriblement décevant pour les Britanniques. Trump ne leur fera pas de cadeau d’autant plus que la balance commerciale est actuellement très favorable aux Britanniques. « America first » pour Trump, c’est d’abord l’ouverture du marché britannique aux poulets chlorés et à la viande aux hormones des Américains ! Le maigre accord, symbolique, qui pourrait être conclu ne compensera jamais le marché de l’UE. Quant à l’accord espéré aussi avec la Chine il est maintenant bien compromis avec la crise sanitaire et le conflit 5G.

La Chancelière allemande qui, en tant que Présidente du Conseil pour le semestre, a géré aussi bien que possible l’adoption du Plan de relance, est maintenant confrontée d’ici le mois d’octobre à la réussite ou non d’un accord entre l’UE et UK. C’est une date limite de négociation pour l’adoption, en cas d’accord, par les Parlements britannique et européen. Sans accord se sera un grand saut dans le vide sans élastique… De nouvelles négociations formelles sont prévues mi-août…


Notes :

[1Le CBI note que sur une voiture produite en Grande Bretagne environ 60% des 30 000 pièces qui la composent sont importées, la majorité de l’UE.