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Les clés du social : Une directive européenne pour protéger les travailleurs des plateformes

Une directive européenne pour protéger les travailleurs des plateformes

Publié le 22 mai 2024 / Temps de lecture estimé : 3 mn

Les eurodéputés ont adopté fin avril 2024 le projet de directive sur les travailleurs des plateformes et institué une présomption de salariat pour mettre fin aux « faux indépendants ». Il reste au Conseil européen à l’adopter à leur prochaine réunion mais cela ne posera pas de problème puisque le Conseil et le Parlement s’étaient mis d’accord en février. Aussi on en connait déjà le contenu définitif.

La place prise par les plateformes

D’après la Commission européenne, il y a actuellement environ 500 plateformes, dont le poids économique augmente très vite, passé de 3 Mds€ en 2016 à 14 Mds€ en 2020, et la progression a continué depuis. En 2021-22 il y avait autour de 28 millions de travailleurs et la Commission s’attend au nombre de 43 millions en 2025. Selon le Conseil européen, ces travailleurs exercent une grande variété de tâches, la livraison et les taxis étant de loin les plus importants, mais aussi celles de traduction, de saisie de données, de gardes d’enfants, de soins aux personnes âgées… Il ajoute que pour beaucoup il s’agit d’une « source secondaire de revenu, venant compléter leur travail habituel ». Des situations multiples.

Les principaux points de la directive

Le contenu en a été largement débattu, certaines législations nationales ayant pris des directions bien différentes. On peut citer notamment l’Espagne qui a opté pour le salariat des livreurs alors que la France en reste au travail indépendant mais avec des syndicats, une Autorité des relations sociales et des négociations collectives pour construire progressivement leurs droits sociaux. Le contenu actuel a été approuvé …avec l’opposition de la France et l’abstention de l’Allemagne.

L’objectif central est d’assurer un statut professionnel à ces travailleurs. La directive oblige les États membres à créer une présomption réfutable de salariat : en cas de contestation ou de plainte, la preuve de l’indépendance, c’est-à-dire d’une relation contractuelle et non d’un contrôle et d’une direction du travailleur, incombera à la plateforme. En effet, pour la Commission, actuellement sur les 30 à 40 millions de travailleurs des plateformes aux alentours de 5,5 millions d’entre eux doivent respecter des règles et des restrictions de même nature que les salariés habituellement. Ils doivent donc bénéficier des mêmes droits du travail et d’une protection sociale en étant requalifiés comme salariés.

D’autre part, un deuxième objectif est d’humaniser la gestion de ces travailleurs. Cela concerne l’interdiction de traiter certaines données personnelles (émotivité, état psychologique, croyances…). Cela comporte aussi d’interdire les renvois ou licenciements par une décision d’algorithme ou automatisée, d’assurer une surveillance humaine sur les décisions importantes affectant ces travailleurs et de les informer, eux et leurs représentants syndicaux ainsi reconnus, du recours à des systèmes de surveillance et de prises de décision automatisées.



Cette directive européenne constitue un vrai progrès pour les travailleurs : quand ils n’ont pas la maitrise de leur emploi du temps, ou du travail qu’ils peuvent ou non effectuer, ou du montant de leurs travaux, et le risque de radiation, ils pourront demander une requalification comme salariés. Après la fin de l’adoption et la publication de la directive, les États membres auront 2 ans pour en faire la transposition. Comment la fera la France ? C’est une question qui va se poser prochainement ! Un premier point de mise en application vient de sortir par un décret du 25 avril qui impose aux plateformes un système de collecte et de transmission des données relatives à leurs activités et de l’activité professionnelle des travailleurs indépendants, qu’elles doivent fournir dans les 3 mois suivant la parution du décret, soit le 28 juillet au plus tard. Ce n’est qu’un point par rapport à la transposition de l’ensemble !


Sources

  • Décret n° 2024-388 du 25 avril 2024 portant création d’un système de collecte et de transmission de données relatives à l’activité des plateformes et à l’activité professionnelle des travailleurs indépendants qui y ont recours :
     https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049477890

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