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De nombreux dossiers attendent les nouveaux députés européens

dimanche 25 octobre 2009

Au moment où le nouveau parlement européen se met en place, avec une majorité conservatrice, alors que le résultat du référendum irlandais redonne du souffle au projet de traité de Lisbonne et à la mise en place du nouveau dispositif institutionnel, il est utile de jeter un regard sur l’état des lieux en matière sociale.

La précédente mandature a vu le Parlement s’affronter sur des dossiers délicats avec la Commission.

Certes, en décembre 2007, le Parlement européen a présenté une série de principes de flexicurité, basés sur la création d’un emploi de qualité et sur le renforcement des valeurs du modèle social européen. Mais la mise en œuvre concrète fut une autre paire de manches.

La Commission avait lancé une "mission pour la flexicurité",. Son rapport final présenté le 9 décembre 2008, a fait diverses propositions encourageant la mise en œuvre de principes communs œuvrant en ce sens, mais sur lesquels CES et Business Europe s’opposent. (http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=118&langId=fr).

La directive sur la libéralisation des services – connue sous le nom de Bolkenstein - qui élimine certains obstacles à l’établissement et à la libéralisation des services transfrontaliers, après un vif débat, a été finalement profondément modifiée par le Parlement pour assurer que, même en cas de prestation occasionnelle d’un service, le prestataire devra se soumettre au droit du travail et au droit social de l’Etat où il exerce son activité. Les employés envoyés temporairement par leur entreprise à l’étranger auront les mêmes droits que leurs homologues locaux. Cela concerne les règles de sécurité et d’hygiène, le temps et les conditions du travail, le salaire minimum. Les droits nationaux, les conditions de travail et les règles de sécurité sociale restent inchangés.

On attend sa transposition en droit français d’ici fin 2009.

Conciliation vie privée et vie professionnelle

La proposition de directive du 3 octobre 2008 vise à améliorer la sécurité et la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitant. Le texte propose, notamment, de faire passer la durée minimale du congé de maternité de 14 à 18 semaines sans perte de revenus. Les Etats membres auront toutefois la possibilité de fixer un plafond de paiement. Durant cette période, la protection contre le licenciement sera renforcée, de même que le droit de retrouver un emploi équivalent à la fin du congé de maternité.

Ce texte fait actuellement l’objet d’un débat en commission au Parlement, approuvé par la CES mais pas par Business Europe.

La proposition de directive travail maritime

En janvier 2009, le Parlement européen a approuvé une proposition de directive sur le "travail maritime", portant sur des standards a minima de travail dans cette profession. Ce texte découle de l’accord conclu entre l’Association des armateurs de la Communauté européenne (ECSA) et la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF).

Cette proposition, très consensuelle, transpose en droit communautaire certaines dispositions de la Convention de l’OIT de 2006 sur le travail dans le secteur maritime. L’objectif est de réduire le dumping social et de faciliter la création d’emplois de meilleure qualité dans le secteur maritime.

La proposition de directive a été transmise pour approbation au Conseil européen.

L’égalité hommes-femmes : à mi-parcours

En 2006, la Commission européenne a communiqué aux institutions européennes (Conseil, Parlement...) une "feuille de route" pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Celle-ci décrit six domaines prioritaires d’action sur la période 2006-2010 : une indépendance économique égale, la conciliation vie privée/vie professionnelle, une représentation égale dans la prise de décision, l’éradication de toute forme de violence fondée sur le genre, l’élimination des stéréotypes de genre et la promotion de l’égalité dans les politiques externes et de développement.

Cette feuille de route a fait l’objet, le 26 novembre 2008, d’un rapport pour évaluer son avancement à mi-parcours. Par ailleurs, le 14 novembre 2008, lors d’une réunion informelle consacrée à l’égalité professionnelle, la présidence française a proposé aux ministres européens compétents de fixer des objectifs de réduction d’écart de rémunération, de définir les moyens d’atteindre ces objectifs et de rendre publics les résultats.

L’accroissement des droits des intérimaires

Le Parlement européen a approuvé le 22 octobre 2008 une directive garantissant aux travailleurs intérimaires des droits égaux en termes d’heures de travail, de salaires et de vacances par rapport aux autres travailleurs. Il a ainsi mis fin à une bataille législative de six ans. Entreprises comme syndicats ont salué l’accord, qui est, selon eux, un bon compromis entre besoins sociaux et besoins économiques. La nouvelle législation, qui a été saluée par tous les partenaires sociaux et les députés européens de tous bords, accordera également aux trois millions d’intérimaires en Europe le même accès à l’embauche et aux formations professionnelles, ainsi qu’aux services d’accueil des enfants.

Les gouvernements européens doivent désormais transposer la directive dans leur législation nationale au cours des trois prochaines années.

Le fonds européen d’ajustement à la mondialisation

Le 1er mars 2006, la Commission européenne a proposé d’allouer 500 millions d’euros par an pour un nouveau fonds européen dit "d’ajustement à la mondialisation". Cette annonce faisait suite à la volonté, exprimée par les dirigeants de l’ensemble des Etats membres lors du Conseil européen de décembre 2005, de créer un tel mécanisme communautaire. Le FEM est destiné à compenser les "effets pervers" de la mondialisation en aidant les travailleurs européens à se réinsérer sur le marché du travail après un licenciement dû notamment à une délocalisation. Ce nouvel outil soutiendra, selon les prévisions de la Commission européenne, jusqu’à 50 000 travailleurs de l’UE touchés par les "mutations structurelles du commerce mondial". En 2008, il est venu en aide à dix mille travailleurs, dont plus des deux tiers ont retrouvé un emploi. Ses critères de mise en œuvre doivent évoluer pour le rendre plus efficace dans le contexte de crise économique.

La révision de la directive sur l’aménagement du temps de travail a échoué.

Le Conseil des gouvernements nationaux et le Parlement européen s’opposaient surtout sur deux points :

 Le premier concerne la disposition de la directive autorisant l’opt-out individuel, clause par laquelle le salarié peut accepter de travailler au-delà de la durée maximale hebdomadaire de 48 heures. Cette disposition, arrachée par les Britanniques en 1993 lors de la négociation de cette directive, était contestée par plusieurs pays et le Parlement souhaitait la voir disparaître définitivement ou au moins progressivement.

 Le second porte sur la définition du temps de garde sur le lieu de travail. La Cour de justice, en se fondant sur la définition binaire du temps de travail donnée par la directive - le temps de travail est ce qui n’est pas du temps de repos - a développé une jurisprudence considérant que le temps de garde sur le lieu de travail ne pouvait être assimilé à du temps de repos et devait donc être payé comme temps de travail, ce qui a un impact important sur le coût des services hospitaliers et médico-sociaux.

Face à la résistance des gouvernements britannique, allemand et polonais, aucun compromis n’ayant pu être trouvé dans le processus de co-décision, la prochaine Commission et Parlement européen devront reprendre le problème.

En attendant, les salariés européens resteront donc couverts par l’actuelle législation européenne qui permet de déroger au plafond de 48 heures et rend donc possible une durée du travail jusqu’à 78 heures, c’est-à-dire la totalité des heures contenues en une semaine moins les 24 heures de repos hebdomadaire obligatoire et la somme des 11 heures de repos quotidien entre deux journées de travail (soit 13 heures x 6 jours).

Suite à l’échec de la révision de la directive sur le temps de travail, la Commission européenne pourrait présenter une nouvelle proposition législative, avec une consultation préalable des partenaires sociaux européens.

La directive du 16 décembre 1996,concernant le détachement de travailleurs effectuédans le cadre d’une prestation de services, donne lieu à nombre de contentieux entre syndicats et employeurs. Cette directive s’applique aux employeurs qui détachent certains de leurs salariés sur le territoire d’un Etat membre, pour leur compte et sous leur direction, dans le cadre d’un contrat conclu entre l’entreprise d’envoi et le destinataire de la prestation de services.

En principe, les travailleurs détachés bénéficient de certaines protections. De nombreuxcontentieux concernent l’absence d’un délai clair fondant la définition d’un travailleur détaché : à quel moment un travailleur détaché cesse-t-il de l’être pour devenir un migrant qui déménage dans un autre Etat membre et relève des règles juridiques de ce dernier ? L’établissement d’un délai restrictif permettrait, selon les syndicats de salariés, de limiter le risque de dumping social.

Pour réduire ces contentieux, la Commission européenne a adopté, en avril 2008, unerecommandation. Elle prône, notamment, une meilleure coopération administrative entre Etats membres, l’amélioration de l’accès à l’information des prestataires de services et des travailleurs détachés, l’échange d’informations et de bonnes pratiques entre Etats membres.

La Commission refuse, pour l’instant, de réviser cette directive, malgré les pressions exercées par le Parlement européen et par les syndicats. Elle attend les résultats d’une étude des partenaires sociaux européens sur la mobilité des travailleurs en Europe pour décider si la révision est nécessaire.

Temps de travail des conducteurs routiers

En mai dernier, le Parlement européen a rejeté une proposition de directive de la Commission visant à faire disparaître les limites imposées au temps de travail des transporteurs routiers indépendants.

Associée à la Fédération européenne des travailleurs des transports, la CES s’est félicitée de cette décision, qui est, selon elle, dans l’intérêt de la sécurité routière et dans celui des conducteurs. L’adoption de la directive, estime la CES, aurait débouché sur la dérégulation sociale des transports routiers, ouvrant la voie à la concurrence déloyale entre faux indépendants et travailleurs réguliers.

Tous ces sujets interpellent la capacité de négociation des partenaires sociaux européens.

Les partenaires sociaux européens - les organisations patronales BusinessEurope, CEEP et UEAPME, d’une part, et la Confédération européenne des syndicats avec le comité de liaison d’Eurocadres et la Confédération européenne des cadres d’autre part, poursuivent leur négociation sur l’emploi des publics désavantagés et envisagent une négociation d’un cadre d’actions en matière d’emploi face aux restructurations.

L’évaluation de la transposition des accords cadres autonomes reste à faire, à leur initiative ou à celle de la Commission, comme, par exemple, sur le stress au travail.

Parmi les initiatives envisagées en 2009-2010, on trouve une recommandation conjointe pour contribuer à l’élaboration de « l’après-stratégie de Lisbonne », une approche commune sur les conséquences en matière sociale et d’emploi de la politique européenne relative au changement climatique, un suivi conjoint de la transposition des principes communs de flexicurité, notamment afin d’évaluer le rôle et l’implication des partenaires sociaux dans le processus et d’en tirer des leçons communes, un travail en commun sur les thèmes de la mobilité et des migrations économiques.

Mais ce programme est bousculé par l’actualité : la Commission européenne leur a d’abord demandé de travailler sur la question du détachement des travailleurs et de l’impact de la jurisprudence de la Cour de justice sur la conciliation entre les libertés économiques garanties par l’Union européenne et le droit d’action collective des syndicats.