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Dette sociale, dette colossale !

mercredi 15 juillet 2020

La crise actuelle ne pèse pas que sur l’économie mais elle impacte aussi notre système de protection sociale : assurance maladie et assurance chômage. D’abord parce que les organismes gestionnaires participent directement au remplacement des revenus des salariés et des chômeurs à la demande de l’État, ensuite parce qu’au moment où les dépenses explosent, les recettes chutent. Tout cela affaiblit des finances déjà fragiles et crée une dette colossale. Alors que l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté en première lecture les projets de loi organique et de loi simple relatifs à cette dette sociale, le traitement proposé soulève des questions redoutables pour l’avenir de notre protection sociale.

Le système de sécurité sociale a montré son utilité pendant la crise

Alors que notre pays a mis son économie à l’arrêt pendant plus de deux mois, la Sécurité sociale comme l’Assurance chômage ont été mobilisées pour limiter l’impact financier de cette mesure. L’assurance maladie a financé les indemnités journalières des personnes fragiles ou qui devaient garder les enfants pendant le confinement, tandis que l’Assurance chômage participe, à hauteur d’un tiers, au financement du chômage partiel et continue de payer les allocations chômage et la prolongation de certaines en raison de la pandémie. De l’avis de tous les spécialistes, le système a joué un rôle d’amortisseur social essentiel, en mutualisant les risques et en évitant le chacun pour soi.

Des dépenses en hausse et des recettes en baisse

Le système de protection sociale connait des dépenses en hausse et des rentrées de cotisations en baisse, conséquence d’une activité ralentie et parfois arrêtée dans certains secteurs mais aussi du report ou de l’abandon des cotisations sociales des entreprises, afin de soulager leur trésorerie et décidés par le gouvernement. Du coup, le déficit de la Sécurité sociale pour 2020 est estimé à 52 milliards d’euros (1,9 milliards de déficit en 2019). La dette de l’assurance chômage devrait, elle, être proche de 63 milliards.

La solution proposée par l’État

Dans les projets de la loi organique et ordinaire présentés au Parlement le gouvernement propose de prolonger jusqu’en 2033 la Cades (qui devait achever sa mission en 2024), la caisse chargée de résorber le déficit de la Sécurité sociale grâce à des prélèvements dédiés (la CRDS et une partie de la CSG). Cette proposition contient deux éléments problématiques.
D’abord, cette résorption programmée du déficit de la Sécurité sociale en 2024 devait permettre de dégager des financements pour un autre risque aujourd’hui très mal couvert : la perte d’autonomie et dégager des marges de manœuvre pour l’hôpital public. Il y a donc un danger pour le financement de ces mesures. Et ensuite, la mesure oblige la Sécurité sociale à rembourser seule cette dette sociale via la Cades.
L’UNÉDIC, le régime d’assurance chômage, pour sa part emprunte sur les marchés financiers, notamment pour faire face au coût du chômage partiel. La crainte des gestionnaires de l’UNÉDIC, tant syndicaux que patronaux, est que l’État demande dans quelques mois de baisser les droits des chômeurs pour résorber le déficit exceptionnel dû à la crise sanitaire et au chômage partiel structurel.

Des propositions de l’État qui ne font pas consensus

Dans une tribune au Monde, l’économiste Michaël Zemmour estime que les assurances sociales n’ont pas à supporter la dette due au Covid et suggère à l’État de les prendre à sa charge dans des conditions moins coûteuses. Car, dit-il, « la dette de l’État et la dette sociale ne sont pas du tout gérées de la même manière. En effet, la dette sociale a vocation à être remboursée « intérêt et principal » et dans un délai très court. La dette de l’État, elle, est gérée à très long terme : l’État n’en supporte que les intérêts, et réemprunte indéfiniment le principal. Les emprunts d’État peuvent, de plus, avoir une maturité bien plus longue que la dette sociale, ce qui permet de sécuriser pour longtemps des taux d’intérêt très bas ».

Les réactions et propositions des syndicats

Pour la CFDT, l’État doit globaliser le déficit des assurances sociales dû à la crise du Covid-19 – et accessoirement à la non-compensation des mesures qu’il a décidé – et le prendre à sa charge jouant ainsi son rôle d’assureur en dernier ressort pour la protection sociale comme il a pu le faire vis-à-vis des entreprises depuis trois mois. Elle fait la proposition d’avoir un comité de suivi de l’impact de la crise sur l’ensemble des régimes sociaux et de ne prendre aucune décision précipitée.

La centrale interpelle le nouveau gouvernement, les députés et les sénateurs puisque les deux lois des finances ne sont toujours pas votées. La centrale indique aussi que le principal remède viendra d’abord d’un retour à la croissance et d’une action concertée pour maintenir les taux d’intérêt à un bas niveau. C’est le rôle des banques centrales, et celui, au premier chef, de la BCE. C’est aussi celui du Conseil européen. Et pour alimenter la CADES, elle demande l’instauration d’une contribution, éventuellement progressive, au premier euro, sur toutes les successions et donations.

La CGT, lors de la consultation des caisses de la Sécurité sociale, a émis un avis défavorable sur ces projets de loi. La confédération estime que cette crise s’est d’ores et déjà traduite par des pertes de recettes considérables pour la Sécurité sociale, liées au chômage partiel, au report et aux exonérations de cotisations accordées à de nombreuses entreprises. Pour la CGT, « la mise en place d’une Sécurité sociale intégrale couvrant l’ensemble des risques sociaux et instituant notamment une véritable sécurité sociale professionnelle serait la première réponse à la crise ».

Les aides, en matière d’exonérations de cotisations, apportées aux petites et moyennes entreprises fortement touchées, doivent être temporaires, conditionnées et intégralement compensées par l’État. De plus, la CGT revendique la création d’une contribution sociale sur les dividendes dégagés par les entreprises notamment multinationales.

Conclusion

Dans un contexte exceptionnel lié à une épidémie sans précédent depuis l’instauration de la Sécurité sociale, deux questions émergent. Le partage de responsabilités entre les partenaires sociaux et l’État sur la protection sociale et le nécessaire langage de vérité aux citoyens sur les besoins et l’avenir du système de protection sociale. Pour Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale de la CFDT, « il faut donner à la Sécurité sociale les moyens de ses ambitions ».


Sources