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L’index de l’égalité professionnelle : un outil imparfait

mercredi 30 novembre 2022

C’est à un bilan sans concession que vient de se livrer le CEREQ à propos de l’index de l’égalité professionnelle qu’il a qualifié d’« utile mais imparfait ». Le Centre apporte ainsi un soutien aux organisations syndicales qui, dès la création de l’index en 2018, avaient alerté unanimement les pouvoirs publics sur sa pertinence pour avancer sur la voie de l’égalité. Avancées et limites de cet outil : décryptage.

Une étude quantitative et qualitative

Elle s’appuie sur une enquête réalisée de février 2020 à avril 2021 auprès de 39 entreprises de différentes tailles et secteurs d’activité. Elle a été conduite auprès des représentants de la direction, des DRH, responsables diversité ou RSE… et des représentants du personnel ou syndicaux. De plus, différents acteurs institutionnels, représentants de l’État, syndicalistes et représentants du patronat ont également été rencontrés.
L’employeur doit évaluer son entreprise chaque année selon les 5 indicateurs de l’Index égalité d’un total de 100 points. L’index est déposé au mois de mars. Dès que le résultat global est inférieur à 75 points, des mesures correctives et de rattrapage doivent être mises en œuvre.

Voilà les premiers résultats de l’Index dans les entreprises en 2022 :

  • 61 % des entreprises ont publié leur index.
  • 92 % des entreprises dont l’index est calculable ont une note supérieure à 75/100.
  • Seules 2 % obtiennent une note de 100.
  • La moyenne des entreprises de plus de 1 000 salariés est de 89/100.

Pour beaucoup d’entreprises, l’index est surtout perçu comme une nouvelle obligation administrative. Du fait de sa complexité, son calcul est jugé comme exigeant un investissement important en temps, en compétence et en système d’information.

L’index néglige les discriminations systémiques

Si ces résultats d’un point de vue statistique ne sont pas catastrophiques trois ans après la mise en œuvre de l’index ils ne répondent pas à la critique la plus souvent entendue dans l’enquête. L’index invisibilise certains facteurs essentiels d’inégalité entre les femmes et les hommes au travail : « la surreprésentation des femmes dans les emplois à temps partiel et parmi les bas salaires, ainsi que dans certains secteurs et métiers sous-valorisés, où leurs compétences sont partiellement, voire totalement non reconnues, parce que jugées ‘’naturelles’’ » cite l’enquête. Les auteurs du rapport déplorent également que l’index soit silencieux sur les discriminations subies par les femmes tout au long de leur carrière professionnelle.

Les autres principales critiques

Les classifications ne sont pas pertinentes pour calculer les écarts de rémunération, qu’il s’agisse des catégories socio-professionnelles qui regroupent des métiers très différents et donc non comparables ou des catégories d’âge. Privilégier la classification par âge, plutôt que par ancienneté, est un problème, car il occulte, selon les auteurs, « les inégalités dues aux retards de carrière des femmes, telles que par exemple l’inégale durée d’accès aux échelons supérieurs du fait de congés maternité, congé parental ou de temps partiel ».

Autre limite pointée du doigt par les acteurs des entreprises : seuls les pourcentages d’hommes et de femmes ayant touché une augmentation salariale sont comparés. Le niveau de revalorisation des salaires est, de son côté, purement exclu du calcul. Dès lors, certaines voix s’élèvent pour dénoncer le fait qu’une entreprise puisse afficher une bonne note sur ce critère, même si les femmes bénéficient d’augmentations dans des proportions bien moins importantes que leurs homologues masculins.

L’Indicateur 4 qui concerne le nombre de salariées augmentées au retour d’un congé de maternité permet d’exercer un contrôle du respect de la législation. L’enquête a révélé de nombreux cas de non-application de la loi qui impose que les femmes de retour de maternité bénéficient de la moyenne des augmentations. L’index permet très souvent des corrections des méthodes mises en œuvre pour adapter le cadre légal à la spécificité de l’entreprise. Cet indicateur est celui qui connaît la plus forte progression. Toutefois, seule la part des femmes ayant bénéficié de l’augmentation est évaluée, alors que le montant des augmentations attribuées n’est pas pris en compte.

Pour ce qui est du nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les 10 plus hautes rémunérations (Indicateur 5), la majorité des entreprises se déclarent impuissantes face à cet indicateur ou signalent que sa correction prendra du temps. Certaines précisent que la fixation de ces hauts salaires n’est pas de leur ressort.

Enfin l’enquête met en avant, sans surprise, une utilisation différenciée de l’index selon les types d’entreprises. Dans les entreprises de grande taille, déjà investies dans l’égalité professionnelle, l’index a le mérite de provoquer des effets de correction. Le deuxième groupe est composé aussi globalement de grandes entreprises, possédant un service ressources humaines conséquent et revendiquant une histoire ancienne de la négociation de l’égalité. Mais elles reprochent à l’index son manque de précision au regard des outils « maison » préalablement développés. Pour le troisième groupe d’entreprises, qui ne s’intéressaient pas ou peu à cette question, l’index devient un outil de gestion. Mais un dernier groupe d’entreprises (souvent les plus petites) reste hermétique à cette logique du chiffre et dénoncent la lourdeur de la tâche induite.

Des conséquences sur le dialogue social et les débats sur l’égalité professionnelle

Comme l’index est un outil de quantification « technique et relativement complexe, il limite de fait la participation aux négociations des représentants du personnel non formés à cet outil. Et dans certaines entreprises c’est un recul par rapport à des pratiques anciennes de signature d’accords avec les organisations syndicales ». Le risque est alors de transformer cet outil de négociation en outil managérial, qui impose une vision restrictive de la politique d’égalité, en se fixant l’objectif unique d’atteindre la note conforme de 75, pour le CEREQ.

Les réactions syndicales

Pour FO quatre ans ont été perdus car l’outil ne s’attaque pas à toutes les causes des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et masque plus qu’il ne révèle les inégalités restantes, du fait de son paramétrage.

Pour Force Ouvrière, l’index d’égalité doit être un complément et non un obstacle à la négociation collective, c’est pourquoi FO revendique un bilan sans concession en vue de la révision et de l’amélioration de cet outil.

Pour la CGT alors que l’index a été mis en place pour créer de la transparence sur les écarts de rémunération, il organise au contraire l’opacité. La construction de l’index repose exclusivement sur les directions des ressources humaines qui n’ont aucune obligation de communiquer le détail du calcul aux syndicats et au CSE ou à l’inspection du travail.

La CFDT est à l’unisson des autres confédérations et indique que cet outil incitatif ne répond pas à toutes les causes des inégalités salariales et nécessite d’être amélioré.

En guise de conclusion

Pour le CEREQ, en se concentrant sur les écarts de salaires inexpliqués au sein des entreprises, l’index continue à invisibiliser les premiers facteurs d’inégalités : la surreprésentation des femmes dans les emplois à temps partiel et parmi les bas salaires, ainsi que dans certains secteurs et métiers sous-valorisés, Enfin, il s’interroge si l’index s’inscrit dans une perspective de transparence salariale, telle que l’impulse la directive européenne.


Sources

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