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La Cour de cassation renforce la protection des lanceurs d’alerte

mercredi 28 octobre 2020

La Cour de cassation a établi par des arrêts de ces deux dernières décennies les éléments de la protection des lanceurs d’alerte. Un nouvel arrêt du 8 juillet 2020 précise sa jurisprudence dans le cas où les faits dénoncés par le lanceur d’alerte s’avèrent faux. Le lanceur d’alerte doit-il ou non être sanctionné ?

Les faits

Un salarié est sanctionné par son agence de sécurité incendie par deux avertissements pour avoir refusé de changer des extincteurs chez des clients. Il dénonce auprès du directeur régional des changements de pièces non défectueuses et des surfacturations et il dépose également plainte à la gendarmerie contre son directeur d’agence. Il est licencié pour faute grave. Il saisit les prud’hommes. L’affaire suit tout le cheminement judiciaire. Suite à la décision de la cour d’appel retenant le point de vue de l’entreprise pour qui ces alertes avaient pour but de déstabiliser l’agence et n’avaient pas été confirmées par une quelconque poursuite pénale du directeur, l’affaire arrive à la Cour de cassation.

L’arrêt de la Cour de cassation

Il aborde d’abord les lettres adressées uniquement au directeur régional : pour la Cour, les termes n’en sont « ni injurieux, diffamatoires ou excessifs » et ne constituent pas un abus de la liberté d’expression du salarié. Le jugement de la cour d’appel est invalidé sur ce point.

Il s’appuie ensuite sur l’article L. 1132-3-3 du code du travail (loi n° 2013-1117, non modifié par la loi n° 2016-1691 dite « Sapin 2 ») : « Attendu selon ce texte qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ». Pour la Cour, le fait que les faits dénoncés n’aient pas donné lieu à des poursuites pénales ne suffit pas à démontrer la mauvaise foi du salarié : « qu’il s’en déduit que le salarié ne peut être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ».

Ainsi, même si les faits dénoncés n’ont pas été confirmés judiciairement après la plainte à la gendarmerie, cela ne suffit pas à qualifier cette dénonciation de « mauvaise foi » car le salarié ne pouvait connaître alors l’issue de sa plainte. La Cour utilise ainsi pour un lanceur d’alerte les mêmes solutions que celles qu’elle retient pour des affaires de dénonciation de faits de harcèlement moral, « en précisant que la protection liée à la dénonciation de faits qui se révèlent faux ne tombe que si le salarié a agi de mauvaise foi, c’est-à-dire en connaissance de la fausseté des faits dénoncés  ». La Cour de cassation annule donc aussi ce point du jugement de la cour d’appel : le salarié ne peut être licencié pour ce motif.

Grâce à cette jurisprudence, la protection des lanceurs d’alerte est renforcée puisque le licenciement ne peut être envisagé que s’il a agi de mauvaise foi c’est-à-dire en connaissant la fausseté des faits qu’il dénonce.


Sources